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Alfa Romeo : que faire du Spider série 3 ?

Par Nicolas Fourny - 10/09/2024

« Le Spider Alfa série 3 n’a pas que des défauts et, si votre imaginaire est plus déluré que la moyenne, il peut même présenter le charme ambigu des créatures égarées »

Peut-on être fier de rouler en Alfa Romeo Spider série 3 Aerodinamica ? La réponse est contenue dans la question, persifleront sans doute les plus caustiques mais, comme l’auteur de ces lignes n’en fait pas partie, nous allons nous offrir le luxe d’examiner l’engin de façon approfondie afin de déterminer, une bonne fois pour toutes, s’il mérite réellement l’opprobre dont il fait l’objet. Les motifs de celui-ci sont bien connus : depuis sa présentation en 1982, les alfistes purs et durs vilipendent l’auto, coupable à leurs yeux d’avoir cédé à la facilité en sombrant dans une modernité vulgaire constituée de modifications et d’accessoires superflus, dénaturant le design d’origine. Résultat : de nos jours, le Spider série 3, construit neuf années durant, est la version la moins cotée du plus répandu des cabriolets de la firme milanaise. Ce qui en fait peut-être le choix le plus malin…

Un moteur, un nom et des surnoms

En guise de préambule, il n’est pas inutile de rappeler que la première apparition publique du Spider Alfa tipo 105 remonte au Salon de Genève 1966. Le nom de Duetto, pour de triviaux motifs de propriété industrielle, n’a jamais été utilisé de façon officielle par la firme ; la dénomination du modèle, dans la grande tradition maison, énonce simplement la cylindrée du moteur et c’est avec le déjà glorieux double arbre de 1600 cm3 que l’auto débute une carrière dont personne, alors, ne soupçonne l’exceptionnelle longévité – durant ses vingt-sept ans de présence au catalogue, le Spider ne recevra d’ailleurs aucune autre mécanique. Selon les millésimes et les marchés, la clientèle n’aura eu le choix qu’entre quatre cylindrées, dont les niveaux de puissance auront paisiblement varié de 89 à 128 ch. C’est le 2 litres, introduit en 1971, qui aura remporté le plus grand succès (70 % des quelque 124 000 Spider construits) mais, à la vérité, même les moteurs les moins puissants vous garantissent une joie de vivre et de conduire qui signent l’appartenance de l’auto à la confrérie des « vraies » Alfa…

Le bonheur, c’est simple comme une Alfa décapotable

… c’est-à-dire des machines relativement légères, dotées de mécaniques de caractère n’ayant pas forcément besoin d’un déferlement forcené de chevaux pour donner le sourire à leur conducteur – dans un comparatif récemment organisé par la revue allemande Youngtimer (émanation du célèbre magazine Motor Klassik), une Alfa Spider 2000 ne s’en laissait d’ailleurs pas compter par le six-cylindres d’une Mercedes-Benz 300 SL contemporaine, ce qui en dit long quant aux ressources de l’engin. De toute façon, les amateurs du modèle ne conduisent pas avec un chronomètre à la place du cœur : un peu – dans d’autres genres – comme un break Volvo 240 ou une Citroën 2 CV, le Spider Alfa constitue avant tout le témoignage éloquent d’un style de vie, d’une façon d’appréhender l’existence et la route et, en l’occurrence, d’un refus obstiné de renoncer à l’élégance, aux joies simples et éternelles de la conduite cheveux au vent dans son acception la plus gratifiante : une capote simple à manipuler – on est loin de certaines perversions britanniques en la matière – et qui disparaît totalement à la vue une fois repliée, tout en ménageant un coffre au volume compréhensif.

Ex-fan des sixties

Et puis, bien sûr, il y a ce style, ce design – dû pour l’essentiel au grand Aldo Brovarone pour le compte de Pininfarina ­– qui, jusqu’en 1982, aura été préservé du pire, l’évolution la plus notable étant intervenue dès 1970 avec l’abandon de la poupe caractéristique des premiers modèles (que les amateurs surnomment Osso di Seppia, c’est-à-dire « os de seiche ») au profit d’un arrière à pan coupé (Coda Tronca) esthétiquement plus orthodoxe et permettant d’améliorer la logeabilité de la malle. C’est sous cette apparence que le Spider va traverser la décennie 70, avec ce design dont la sereine obsolescence a charpenté la séduction, à l’instar d’autres survivantes échappées des sixties – nous songeons par exemple aux Porsche 911, Saab 99, Fiat 124 Spider ou Daimler DS 420. Comme on s’en doute, la longue immuabilité de l’Alfa aura moins relevé d’un choix délibéré des dirigeants milanais que d’impératifs financiers compromettant le renouvellement du modèle – mais après tout, la Mercedes SL R107, la Jaguar XJ-S ou la Ford Capri n’ont-elles pas, elles aussi, connu des carrières inhabituellement longues ? Pourtant, plus un modèle est ancien et plus son restylage peut s’avérer délicat (si vous en doutez, jetez donc un œil aux drolatiques évolutions de la FSO Polonez ou encore à la tragique Bristol Blenheim) et c’est la raison pour laquelle, si les moyens manquent, mieux vaut ne procéder qu’à des modifications de détail – c’est la meilleure façon d’éviter les conneries. Un axiome dont la pertinence n’est hélas pas parvenue jusqu’aux bureaux directoriaux de la firme d’Arese…

Comment spoiler un art de vivre

Pour l’année-modèle 1983, le Spider Alfa se modernise donc, et la conséquence la plus visible de ce premier abâtardissement réside dans la greffe d’un spoiler avant et d’un becquet arrière aussi appropriés sur cette carrosserie qu’un moteur Diesel sous le capot d’une Porsche (oui, je sais). À l’époque, on ne peut pas dire que les alfistes patentés aient sauté de joie, mais le pire restait encore à venir avec les ultimes modifications apportées à la version « Quadrifoglio Verde » pour 1986, comportant notamment d’odieuses jupes latérales et des appendices « aérodynamiques » (les guillemets sont voulus) encore plus pathétiques que leurs devanciers. Il faudra attendre 1990 pour que le Spider se réincarne une dernière fois sous la forme d’une série 4 à nouveau regardable, même si l’auto ne retrouva jamais l’admirable finesse de ses débuts. De l’avis général, cette série 4 est la plus recommandée pour ceux qui veulent pouvoir rouler aussi fréquemment que possible, et peut même convenir pour un usage quotidien.

Un trésor caché

« Tout comme le Spider série 3, en somme », rigoleront les amateurs de vilains petits canards et de bagnoles généralement vilipendées par les collectionneurs soucieux de respecter les convenances et, surtout, de ne pas susciter l’hilarité générale en débarquant dans un rassemblement d’automobiles anciennes. Pourtant – ne le répétez pas – le Spider Alfa série 3 n’a pas que des défauts et, si votre imaginaire est plus déluré que la moyenne, il peut même présenter le charme ambigu des créatures égarées. « Ce qu’on te reproche, cultive-le : c’est toi », affirmait Jean Cocteau… Alors oui, c’est vrai, il y a ces jupes incongrues, ces spoilers vulgaires et ce becquet arrière qu’on croirait récupéré à la hâte sur les étagères d’un accessoiriste de bas étage. Il y a aussi, à l’intérieur, ce plastique noir, aussi envahissant que médiocrement construit, qui rappelle les heures sombres de la firme italienne. Mais cependant l’essentiel est là : le quatre-cylindres vrombit avec un enthousiasme intact, la position de conduite et l’implantation des commandes demeurent délicieusement vintage et puis, surtout, l’auto présente tout de même un rapport prix/plaisir extrêmement compétitif, les plus beaux exemplaires ne dépassant que rarement les 20 000 euros. Et il n’est pas du tout sûr que ça dure encore longtemps…

1962 cm3Cylindrée
126 chPuissance
190 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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