Partager cet article
Tama EOT47 et E4S-47 : l'héritage électrique de la Nissan Leaf
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 10 oct. 2016Puisque je suis allé essayer la Nissan Leaf ce week end en Corse, j’avais envie de vous parler des débuts du constructeur japonais dans le domaine du véhicule électrique. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, cela ne date pas d’hier. En effet, Nissan revendique son premier véhicule électrique en 1947 : le Tama.
Bon, pour être tout à fait franc, le Tama n’est pas tout à fait une Nissan, mais une voiture développée par la firme Tokyo Electric Cars, issue du constructeur aéronautique Tachikawa Aircraft, qui deviendra la Tama Electric Cars en 1949, puis la Tama Cars en 1951, puis la fameuse marque Prince en 1952, marque qui sera absorbée par Nissan en 1968 : la généalogie est complexe, vous suivez toujours ?
Le Tama E4S-47, version « berline »Bref, revenons à ce qui nous intéresse, le petit Tama. A la fin de la seconde guerre mondiale, le Japon doit se reconstruire et compte sur son industrie. Cependant, être un constructeur d’avions de guerre lorsque ladite guerre est finie, que le pays est vaincu, et qu’il ne dispose plus que d’une infime Force d’Auto-défense, n’est pas un situation idéale. Tachikawa Aircraft va donc chercher de nouveau marché, et l’automobile semble l’évolution la plus logique. Seulement, le pétrole se fait rare dans l’archipel, tandis que les usines hydroélectriques fournissent de l’électricité en abondance : voilà pourquoi Tachikawa va s’orienter vers un véhicule électrique.
Dès 1946, les ingénieurs vont travailler sur le projet Tama EOT46, un petit utilitaire « pick up » électrique. Le directeur du projet n’est autre que Ryoichi Nakagawa, concepteur des moteurs des fameux Mitsubishi « Zéro » ! Deux prototypes sont construits dans l’une des usines de Tachikawa Aircraft, située près de la rivière Tama. Le nom était simple à trouver non ?
En 1947, le projet évolue avec une carrosserie spécifique (jusqu’alors, les protos étaient basés sur des camions Ohta), sous le nom de Tama EOT47. Deux versions sont étudiées : une version utilitaire, et une version « véhicule particulier ». Au printemps 47, les Tama sont prêts à être industrialisés. Reste le problème du lieu de production : les usines de Tachikawa Aircraft sont occupées par l’armée américaine. C’est donc chez le constructeur de camions Ohta, à Tokyo, que seront produits les Tama. Pour l’occasion, la société Tokyo Electric Cars est créée, et le premier Tama « pick up » (EOT47) sort des chaînes en avril, tandis que le premier Tama « berline » (E4S-47) est produit en mai !
Le Tama est un véhicule de petit gabarit (un peu plus de 3 mètres de long), pesant tout de même 1100 kg (notamment à cause des batteries), dont le moteur 36 volts lui procure la puissance faramineuse de 3,3 KW (soit 4,5 chevaux), le tout pour une vitesse maximum de 35 km/h (28 km/h en position « économique »), et une autonomie de 65 km ! Pas mal pour l’époque non ?
Mine de rien, ces deux petits véhicules vont se vendre en version électrique jusqu’en 1950. Les chiffres de production précis ne sont pas connus, mais chez Nissan, lors de la présentation Leaf, le chiffre de 10 000 exemplaire a été annoncé. Je le prends avec des pincettes, mais il ne semble pas si incongru que cela. Il semble que le Tama ait beaucoup servi de taxi, tandis qu’à partir de 1948, un véhicule plus conventionnel (tri-corps), la Tama Junior, voit le jour, et en 1949 la Tama Senior (d’un plus grand gabarit). Leurs ventes resteront cependant très confidentielles, mais ces voitures serviront de base au retour au thermique en 1950 : à cette époque, le pétrole redevient suffisamment abondant (et donc moins cher que l’utilisation de batterie) et la Tama Electric Cars étudie le projet Tama 1950 à moteur thermique. En 1951, la société enlève le terme « Electric » de sa raison sociale, puis devient Prince en 1952, lançant son premier véhicule, la Prince Sedan.
La Prince Sedan de 1952, héritière thermique des Tama Junior et SeniorPrince sera ensuite absorbée par Nissan en 1968, permettant aujourd’hui à la marque nippone de revendiquer l’héritage des Tama de 1947 : ils auraient tort de s’en priver !