Smart Crossblade : le parfum de l'inutile
Même quand le résultat frise le ridicule, il faut toujours saluer les audaces des constructeurs qui sinon auraient une fâcheuse tendance à toujours rester dans le consensuel sans saveur et sans âme. Aussi, je n’irai pas jusqu’à me moquer de la Smart Crossblade, car franchement, oser sortir quasiment sans changement (du moins minime) un concept-car qui n’avait d’autre ambition que de faire le show au Salon de Genève 2001, fallait le faire.
En 2001, la petite Smart Fortwo fêtait déjà ses 3 ans d’existence, et n’avait pas particulièrement évolué depuis son lancement en 1998. Les roadsters et coupés se faisaient attendre, tout comme la future ForFour (lire aussi : Smart Forfour). Il était temps de proposer un peu d’animation sur les salons, histoire de faire patienter les fans, les futurs clients ou la presse, et de faire parler un petit peu de la marque. S’agissant d’un concept-car, les designers et ingénieurs se laissèrent aller en proposant un Crossblade Concept étonnant et détonnant : il s’agissait ni plus ni moins que d’une Smart minimaliste, sans toit, sans pare-brise, sans portière (si ce n’est des barres latérales faisant office de « barrières »), bref, sans rien quoi !
Le Crossblade « de série », limité à 2000 exemplaires (ou presque)Le résultat était spectaculaire, la Smart désossée s’offrant un look démoniaque à moindre frais, et des petits effets de styles (comme les feux arrières). De quoi faire rêver les gamins à moindre frais car il faut bien le dire, ce Crossblade Concept relevait plus du jouet que de la voiture. Succès d’estime assuré, et paillette dans les yeux des décideurs de chez Mercedes qui s’aperçurent alors qu’il y avait un bon coup à jouer avec ce modèle là. Alors oui, pourquoi pas se lâcher et proposer la bête en série ? Difficile de croire qu’une maison germanique aussi sérieuse se laisse aller à produire l’improbable, et pourtant, la décision fut prise : une série limitée et numérotée à 2000 exemplaires verrait le jour prochainement.
Dès lors, les ingénieurs de chez Smart s’attachèrent à transposer le concept en véhicule de série. Et contre toute attente, malgré quelques petites modifications esthétiques, le Crossblade posait ses pneus en concession à l’été 2002, comme si de rien n’était. Et comme chez Smart on ne doutait de rien, pourquoi se priver : proposé à un peu plus de 25 000 euros, le Crossblade faisait payer cher son exclusivité et sa radicalité.
Le Crossblade conservait donc l’essentiel du concept : absence de pare brise, de toit, de portes (toujours ces barrières de péage en guise de portière), des jantes à 3 branches du plus bel effet, un intérieur minimaliste et étanche (y compris les sièges baquets) « en rouge et noir » comme disait Jeanne Mas. Sous le plancher, le petit 600 cm3 offrait 71 ch (pour un poids de 740 kg), soit 10 de plus que la Smart SE (et 16 de plus que la Smart de base). La légende Mercedes parle d’un engouement immédiat pour ce Crossblade qui « se vendra comme des petits pains ».
La réalité est moins rose : il faudra attendre 2006 pour atteindre (presque) les 2000 ventes prévus (et encore, pas tout à fait), soit 5 longues années. En 2002, seuls 264 exemplaires seront vendus. En 2003, le gros des Crossblade trouveront preneurs avec 1293 ventes. En 2004, 129 exemplaires seront livrés, puis 190 en 2005, et enfin 107 en 2006. Les ventes seront donc plus poussives que prévues, mais peu importe, l’essentiel était d’avoir créé le buzz en attendant la sortie du Roadster (en 2003) bien plus séduisant et utilisable au quotidien.
Smart offrira l’exemplaire n°8 au chanteur anglais Robbie Williams, qui deviendra une sorte d’ambassadeur de la marque. Un Crossblade que la star ne mettra pas longtemps à revendre à un concessionnaire anglais qui, en 2006, la mit en vente sur ebay. Elle partira à 17 000 £, soit un peu plus de 24 000 euros… A peu près le prix d’un exemplaire neuf, le pedigree en plus. Si ce n’est celui de Robbie, il en reste un paquet d’autre en occasion que vous pourriez vous offrir.
Bon d’accord, elle ne sert pas à grand chose, n’est pas pratique, nécessite un casque ou des lunettes spéciales, n’a pas de capote, et coûte un bras encore aujourd’hui (entre 10 et 15 000 euros pour les véhicules disponibles sur Le Bon Coin), mais bon, c’est fun et original. Et (presque) rare ! Nul doute que les Crossblade prendront petit à petit un peu de valeur, et au pire, vous aurez bien rigolé à son volant (ne serait-ce qu’en riant de vous-même, faut être fêlé pour s’offrir ça hein?). Alors, on se laisse tenter ?