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Seat 1200 et 1430 Sport "Bocanegra" : melting pot pour sportive ibère

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 19/05/2018

Un concept-car allemand, un designer italien, une base de Fiat, une ingénierie espagnole (la première à Martorell), voilà le melting-pot qui donna naissance à la Bocanegra, la « bouche noire », la première Seat qui soit un peu hors du cadre de l’allié turinois. Bocanegra, ce n’était qu’un surnom, car son nom officiel, selon la nomenclature Seat suivant de près la cylindrée, c’était 1200 Sport (puis, son dérivé, 1430 Sport).

La NSU Nergal de 1970, base stylistique de la 1200 puis 1430 Sport de Seat

Depuis sa création, Seat, bien qu’entreprise d’état espagnole, n’avait produit que des dérivés de Fiat, s’accordant parfois quelques libertés, mais sans plus. D’une certaine manière, Seat n’était qu’un subterfuge pour faire croire à une industrie automobile espagnole (les autres constructeurs comme Barreiros faisaient de même). Sous la dictature franquiste, il fallait préserver les apparences, et les droits de douane élevés permettaient ce genre de manœuvre pour développer l’industrie locale. D’une certaine manière, tout le monde y trouvait son compte, Seat, Fiat, l’Espagne, ou, pour Barreiros, Chrysler et l’Espagne…

L’OTAS K72, autre projet de Sessano, servit d’intermédiaire entre la Nergal et la Seat 1200 Sport

Près de Barcelone, à l’usine de Martorell, on construisait donc des Fiat qu’on renommait Seat et l’espagnol moyen, un peu coupé du monde, croyait rouler local. Cela aurait pu continuer (et d’une certaine manière cela a continué), mais avec la création d’un centre de recherche et d’étude de style dans la banlieue de Barcelone, l’envie se faisait sentir de sortir un peu des sentiers balisés par l’allié italien.

Les prototypes et les 500 premiers exemplaires furent produits chez Inducar, carrossier madrilène travaillant pour Seat et initiateur du projet

Tout viendra d’un prestataire de Seat, Inducar, carrossier qui s’occupait alors de produire certaines petites séries du constructeur espagnol. Son PDG, Antoni Amat, sentait qu’il était possible de produire une série mi-industrielle, mi-artisanale, sportive et exclusive (ie sortant des canons Fiat), et commença à creuser un peu la question. A la même époque, en 1970, NSU, récemment rachetée par Volkswagen (lire aussi : VW K70), avait présenté un prototype d’une « compacte » sportive baptisée Nergal et dessinée par le designer italien Aldo Sessano.

Aldo Sessano était un original, un indépendant de nature, et il n’aura pas connu le succès qu’il méritait, mais pour une fois, le dessin d’une de ses voitures allait connaître une production de série. Antoni Amat croit dur comme fer au potentiel d’une petite sportive espagnole. Il va finir par convaincre et Seat, et Sessano, de travailler sur ce projet de compacte sportive. Sur la base du dessin de la NSU Nergal, les ingénieurs, et Sessano lui-même vont proposer un produit spécifique.

La Nergal était une propulsion, avec des feux escamotables très 70’s. Pour Seat, le projet sera retravaillé par Inducar, Sessano, et les équipes de Martorell. La ligne générale (et particulièrement l’arrière) sera conservée, mais l’avant subira de nombreuses modifications pour arriver à cette fameuse bouche noire, l’encadrement des phares et de la calandres par ces plastiques noirs qui lui donnèrent son surnom de Bocanegra. En fait, la 1200 Sport qui allait arriver mélangeait la Nergal de NSU avec un autre proto de Sessano, la OTAS KL 112.

Partant d’une base de Fiat 127, il fallut aussi changer de braquet, et opter pour la traction. D’autant que si le châssis était original, fabriqué par Inducar, le moteur, lui, venait de la Fiat 124, un 1200 cm3 de 67 chevaux. La ligne était moderne, agressive, et plutôt réussie. L’intégration des plastiques noirs lui donnant son surnom était intelligemment faite : le côté pratique côtoyait le côté sportif, et cela passait plutôt pas mal.

Malheureusement, la mécanique n’était pas vraiment à la hauteur. Outre sa puissance limitée, les réglages étaient fait en fonction de l’essence disponible à cette époque là (de mauvaise qualité en gros, entraînant un taux de compression faible). Malgré son look, la 1200 Sport, présentée fin 1975 et commercialisée début 1976, n’avait rien d’une sportive. Les 500 premiers exemplaires furent fabriqués par Inducar, avant que la production ne soit rapatriée à Martorell.

En 1977, conscients de la faiblesse du moteur par rapport aux attentes, Seat lui offrit un 1430 cm3 présentant 77 chevaux en ordre de bataille : un bond en avant par rapport à la 1200 Sport, mais une puissance encore en retrait par rapport à la concurrence : cela dit, Seat exportant peu à l’époque, hein, qui s’en souciait vraiment ? Avec cette évolution, le coupé « presque 100 % » Seat prenait le nom de 1430 Sport (facile!).

Malgré les efforts, les 1200 puis 1430 Sport quittèrent les chaînes de production assez tôt, en 1979, juste quatre ans après leur lancement. Au total 11 619 exemplaires de la 1200 Sport et 7713 de la 1430 sortiront des ateliers d’Inducar et des usines de Martorell. On pourrait parler d’échec, mais avec pour seul marché l’Espagne (même si quelques importations européennes eurent lieu), un pays relativement pauvre encore à la fin des années 70, ce n’était pas si mal.

Pour remplacer les 1200/1430 Sport, Seat revint un temps à sa dépendance italienne : la Seat Beta Coupé et HPE tentera de faire mieux, sans succès (lire aussi : Seat Beta coupé et HPE). Il faudra attendre l’Ibiza pour voir naître une Seat détachée de tout lien italien (mais de plus en plus allemand, lire aussi : Seat Ibiza).


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