Rover 620 Ti : une japonaise au coeur anglais
Mes lecteurs les plus fidèles le savent : je fricote avec une suédoise, mais j’ai une toujours eu un faible pour les anglaises, malgré leurs défauts. Au début des années 90, j’étais déjà saabophile, à défaut d’être saabiste, mais je gardais un œil outre manche, au cas où ! Aussi quand en 1993 apparut la série 600 chez Rover, j’étais tout excité (toutes proportions gardées hein!). Assistais-je à la renaissance de la marque au Drakkar ?
En fait l’histoire fut plus compliquée que cela. D’abord, la 600 n’était pas une vraie Rover. Il s’agissait tout bonnement d’une Honda Accord, presque de fond en comble. Il faut louer les talents du design interne de Rover pour avoir su transformer cette japonaise au point d’y voir une vraie petite british ! A l’époque de sa sortie, on trouvait encore dans les gammes françaises de 405 ou des R21. Seul Citroën avait déjà sorti une nouvelle génération de berline avec la Xantia, mais au design très fade.
Cette 600, camouflant ses origines nippones, paraissait, elle, tellement moderne et tellement britannique à la fois, parfaite harmonie entre fiabilité japonaise et ambiance roastbeef, que j’ai cru un instant que « Rover was back ». La 800 avait déjà étrenné la collaboration Honda/Rover, mais la 600 en était l’étape ultime : tout ou presque provenait de chez Honda. Le constructeur japonais imposa même que tous les moteurs essence viennent de sa banque d’organes. A sa sortie donc, la 600 n’est qu’un clone de l’Accord.
A cette époque, j’ai même cru que Honda prendrait le contrôle de Rover Group. Partenaires depuis 1986, partageant quasiment leurs gammes (600 et 800 / Accord et Legend), c’était selon moi logique. Erreur ! En janvier 1994, c’est BMW qui rafle la mise. La 600, voiture bien née, en paiera les conséquences : elle sera proprement délaissée par le nouveau propriétaire, qui la remplacera en 1999 par la 75 (lire aussi : Rover 75 V8), après 272 510 exemplaires produits.
Paradoxalement, si le rachat par BMW fut fatal à la 600, il permit de proposer une version particulièrement alléchante de la 600 : la 620 Ti, la plus anglaise de la gamme ! Au lancement de la 600, seuls les moteurs essence d’origine Honda étaient permis par l’accord (sans jeu de mot, quoi que!) liant le britannique au japonais. Mais le rachat par Béhème le rendait désormais caduque. Aussi, c’est équipée d’un moteur d’origine Rover, le T-series, un 2 litres turbo de 200 chevaux équipant déjà le coupé 220 (lire aussi: Rover 220 Turbo), que la 620 Ti se présente au public.
A l’époque, une telle puissance sur une berline de cette catégorie est plutôt rare, même chez les allemandes. En version Lux, la 620 Ti offre en plus un équipement et un luxe digne d’une Jaguar, pour moins cher, et peut-être plus sportif. En 1995, il en coûtait 185 000 francs pour s’offrir ce petit bout d’Angleterre, alors qu’une BMW 328i de 193 chevaux (seulement, mais avec 6 cylindres) vous délestait de 232 000 francs.
Les chiffres sont rares sur cette 620 Ti. Combien furent réellement fabriqué jusqu’en 1999, date de sa disparition des concessions ? On parle de 28 000 exemplaires ce qui me paraît exagéré. Mais après tout pourquoi pas. Ce qui est sûr, c’est que BMW ne voulait pas investir un centime pour promouvoir la 600, fruit des amours de Rover et Honda dans les années 80. Plus largement, le rachat de Rover par la marque à l’hélice fut un fiasco, à tel point qu’elle revendit la marque pour 10 £ au consortium Phoenix, après avoir revendu Land Rover à Ford, et en conservant la marque Mini (avec le succès que l’on sait aujourd’hui).
Aujourd’hui, vous pouvez vous offrir une puissante et luxueuse voiture de 200 chevaux pour une bouchée de pain, entre 2 et 5000 euros, c’est à dire peanuts pour un morceau d’histoire compliquée, avec une construction sérieuse (c’est du Honda hein!), un moteur anglais très agréable et une ambiance intérieure digne d’une Jaguar. Voilà une intéressante alternative non ?
PS: Fred, de The Automobilist, me signale que seuls 164 exemplaires de la 620 Ti ont été immatriculés en France… Bonne chasse !