Renault Virage : la dernière R12 australienne !
S’intéresser à l’automobile par le biais de la « petite histoire » amène à des découvertes amusantes. A force de traîner sur des forums, ou de fouiller le web, je tombe parfois sur des modèles dont j’ignorais totalement l’existence. C’est ainsi que je tombais un jour sur la Renault Virage. Comme moi, vous pensiez sans doute que la Virage était une Aston Martin. Vous saurez aujourd’hui qu’une Virage peut être une Renault.
Bon bien sûr, derrière ce patronyme peu habituel se cache une banale Renault 12, rien de très original donc, mais c’est l’occasion pour moi de vous parler un peu des ambitions (et des déceptions) de Renault en Australie, où la Virage était fabriquée et commercialisée (aux côtés de la Peugeot 504, oui oui!). Voici donc l’histoire de Renault au pays des kangourous.
Si Renault était présent avant guerre en Australie, elle n’y fabriquait aucun véhicule, se contentant d’importer ses prestigieuses productions. La guerre empêchant tout commerce, ce n’est qu’en 1947 que la Régie Nationale des Usines Renault repris pied en Océanie, représenté par plusieurs sociétés se partageant le vaste territoire australien. Mais l’une d’entre elle planifie de produire localement des modèles Renault pour en réduire les tarifs (les taxes d’importation rendaient les véhicules importés peu compétitifs). Ce n’est qu’en 1949 que l’usine de Ira L&C, le distributeur pour la Nouvelle Galle du Sud est enfin prête à produire la 760, version australienne de la Renault 4CV (fabriquée aussi au Japon sous la marque Hino, lire aussi : Hino 4CV).
A partir de 1956, Renault semble vouloir passer la seconde, en produisant localement la Dauphine, avec des ambitions démesurées, 20 000 exemplaires annuels, chiffre ne sera jamais atteint. Ces résultats décevant conduisirent la Régie à changer de crèmerie. A partir de septembre 1958, c’est la société NSW qui assemblera à Victoria les Renault, tandis que Renault créé une filiale australienne, Renault Asutralia Pty début 1959 afin de mieux « gérer » la distribution de ses modèles. Ce coup de fouet était salutaire, les ventes passant de 570 exemplaires en 1959 à 1586 en 1960 : on reste loin cependant des objectifs initiaux. Nouveau changement en 1964, avec le transfert de la production dans l’usine de Heidelberg. Entre temps, la R4 a été introduite (et produite localement), tandis que la version Gordini de la Dauphine est elle aussi fabriquée localement (importée jusqu’alors). Anecdote cocasse, l’usine de Heidelberg produit aussi les 403 et 404 du concurrent Peugeot. D’ailleurs, en 1966, Renault devient le distributeur officiel de la marque sochalienne sur l’île-continent !
Et la Virage me direz-vous ? Patience, cela arrive. Après l’introduction de la R16 sur le marché, c’est au tour de la R12 d’être lancée (et produite) en Australie à partir de 1970. A cette époque, elle ne s’appelle pas encore Virage, mais elle gagne le titre de Voiture de l’Année. Avec sa traction avant, la Régie a de grandes ambitions : l’objectif est clair, capter 4% du marché australien d’ici à 1975, avec une production annuelle de 20 000 véhicules, principalement des R12. Peine perdue ! En 1974, Renault ne produit que 6569 véhicules, ce qui restera son année record. A la décharge de la Régie, les règles d’importation et de CKD ne cessent de changer, rendant aléatoire la rentabilité. En outre, les essais nucléaires français lancés à partir de 1973 à Mururoa entraînent un fort sentiment « anti-français » en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Les difficultés et les changements de règles d’importation restreignent la diffusion des R15/R17, tandis que Renault renonce à importer la R5 (pas assez rentable) ou à la produire localement. Pour laisser la place à la Peugeot 604, Renault renonce aussi à importer la R30. Pour dynamiser une gamme vieillissante, Renault décide de présenter la R18 (qui remplacera la R16 dans la gamme), et à renommer la R12 du doux nom de Virage en 1978. Voilà, il suffisait d’être patient ! Malgré ces changements, la marque au losange ne parvient pas à s’imposer sur le marché australien, et malgré un contrat de fabrication avec Ford, ne cesse de perdre de l’argent.
La Virage vieillissante sera donc stoppée fin 1980, tandis que Renault fermera définitivement son usine en 1981. Elle n’aura gagné de l’argent qu’une seule année (1979) depuis sa reprise en main en 1964. D’une capacité de 60 véhicules par jour, son point mort est à 30 véhicules par jour, mais n’en produit que 15 : le calcul était simple, il fallait fermer.
Reste qu’aujourd’hui, on trouve encore en Australie des Renault Virage (dotée d’un petit drapeau français) équipée du 1400 cm3, dans des états pas toujours reluisants. Toutes les Virages sont des conduites à droite, et se distinguent des R12 précédentes par leurs doubles phares ronds. Si l’envie vous prend de rouler décalé en R12, c’est donc en Australie qu’il faudra faire ses emplettes. Vous épaterez alors votre voisin en déclarant fièrement : « moi je roule en Virage ».
L’histoire complète de Renault Australia