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Renault Rodéo 5 : dernière chance pour Teilhol

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 06/01/2017

C’est assez amusant de voir qu’il existe des marchés automobiles « fantasmés » dans lesquels un paquet de constructeurs s’engouffrent sans jamais tirer leur épingle du jeu. C’est le cas avec le marché de la « voiture de loisir », ou souvent appelée « voiture de plage ». L’inconscient collectif aura pourtant retenu le succès de la Citroën Méhari oubliant pourtant qu’il fallut 20 ans à Citroën pour sortir moins de 150 000 exemplaires. Pareil, la Mini Moke aura marqué les esprits alors qu’à peine 50 000 exemplaires auront été produits. Sans compter les tentatives ratées d’Aixam avec les Mega Club et Ranch, entre autres nombreux exemples !

Renault avait tenté de s’introduire sur le marché avec la Renault 4 Plein Air, lancée un jour avant la Méhari. L’expérience tournera court après moins de 700 exemplaires vendus. Décidée pourtant à contrer, par principe, Citroën, la régie n’abandonna pas l’idée d’un véhicule simple, en plastique, et surtout pratique, et se tourna vers la société ACL (Ateliers de Constructions du Livarois) pour concevoir la Rodéo 4, qui sera déclinée ensuite en Rodéo 6 à mécanique de Renault 6. Le couple Rodéo 4 et 6 vivra dans l’ombre de la Méhari durant toute la décennie 70, se vendant cahin caha, et laissant ACL devenu Teilhol (du nom de son patron Raoul Teilhol) dans une situation financière assez catastrophique, d’autant que Renault ne pousse pas vraiment la gamme « outdoor » dans les concessions et en communication.

Notre ami Raoul cherche donc une solution pour relancer ses ventes fléchissantes et produire un véhicule moins cher, et donc plus rentable ! Pour cela, Teilhol va plancher sur une version moderne de la Rodéo, la 5 ! Elle sera lancée en septembre 1981, reprenant les soubassements de l’éternelle Renault 4, mais récupérant le moteur de 1 108 cm3 et ses fringants 34 chevaux. La grande nouveauté, c’est que Raoul va créer une sorte de structure tubulaire assurant par ailleurs la rigidité, dans laquelle seront encastrés les panneaux de carrosserie en polyester, ainsi que le pare brise. C’était ça, l’idée de génie pour abaisser les coûts !

On pouvait choisir à l’époque entre le modèle « Tilleul », ou « 4 saisons », doté de portes et de vitres, et le modèle « Plein Air » (tiens tiens, ça vous rappelle rien?) découvrable de fond en comble et se dispensant de vitres et de portes justement. Les couleurs sont imposées suivant les années : Orange pour le millésime 82, vert en 83, ocre en 84, ivoire en 85 et 86. On notera deux séries spéciales en 1984 : la Hoggar (de couleur ivoire) et la Sologne (de couleur « bruyère », verte si vous préférez!). Sachez enfin qu’il existe un graal de la Rodéo 5 : une version 4×4 réalisée par Sinpar, produite à une centaine d’exemplaires seulement !

Esthétiquement, la Rodéo 5 est assez réussie, et tranche avec la bouille surannée de sa concurrente Méhari. En toute logique, elle aurait du prendre le dessus, semblant plus contemporaine (malgré sa mécanique et ses dessous aussi anciens que ceux de la Citroën). Et pourtant, la Rodéo 5 n’arrivera jamais à décoller dans les charts. Peut-être que tout bêtement ce marché du « loisir » n’existait pas vraiment, du moins pas sous cette forme là (le Matra Rancho, lui, connut un vrai succès). Ou alors était-il trop petit pour deux acteurs, et que la longévité de la Méhari lui assurait un capital confiance ? Une chose est sûre cependant : Renault ne fera jamais vraiment le job pour vendre la Rodéo 5, laissant Teilhol dans une merde noire en 1986.

La mort de Georges Besse, les pertes financières devenues abyssales, les difficultés aux Etats-Unis, conduiront Renault a lâché son partenaire, rompant le contrat qui les liait et scellant le sort de la Rodéo 5 qui sortit du marché comme on sort de la route : par surprise ! Teilhol déposera le bilan, puis tentera de relancer l’affaire avec l’appui de Citroën (dont la production de la Méhari avait cessé) en lançant la Teilhol Tangara, sans succès. Au total, à peine 60 000 exemplaires des Rodéo (4, 6 et 5) auront été construits entre 1970 et 1986, et quelques exemplaires de la Tangara (1 300, dont 400 pour l’Armée).

N’empêche qu’aujourd’hui, avec la flambée des prix de la Méhari, l’idée de se payer une Rodéo 5 franchement plus sexy que ses sœurs 4 et 6 peut ne pas être mauvaise. Malgré quelques soucis (notamment la corrosion du châssis), elle est globalement fiable, pratique avec ses 400 kg de charge utile, agréable à conduire malgré sa faible puissance (grâce à un poids contenu à 720 kg), et surtout (à mon sens) elle possède une bouille vraiment rigolote. Voilà de quoi sortir du lot au milieu de tous ces moutons qui redécouvrent la Méhari comme un objet vintage à la mode. « C’est vous qui voyez » !

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