Renault Dauphine 1093: 140 km/h sur le Banking !
Il y a des événements comme ça qui tombent pile poil dans la ligne éditoriale de Boîtier Rouge, et dans ces cas là, je saute sur l’occasion pour vous pondre ensuite une série d’articles aux petits oignons (du moins je l’espère). C’était le cas la semaine dernière grâce à Renault qui organisait le Renault Day suivi ensuite de démonstrations réservées aux journalistes sur le mythique anneau de Montlhéry pour fêter ses 115 ans de passion sportive. Au menu, Jean Ragnotti pour faire le show en Renault 5 Turbo Maxi, les Nervasport, Etoile Filante et 40 CV Sport comme à la parade, et tout une ribambelle de modèles sportifs du losange depuis l’après-guerre jusqu’à la fin des années 70 à piloter sur le célèbre circuit. Autant de modèles que je vous présenterai en détail. Pour inaugurer cette série, place à une voiture rare et mythique que j’ai donc pu conduire, la Dauphine 1093 !
C’est en 1956 qu’est apparue la Dauphine, qui deviendra un best-seller, avec son moteur Ventoux de 845 cm3 et 30 ch (SAE) façon sac à dos (id est à l’arrière hein), et sa bonne bouille signée Ghia ! A côté de la 4CV qui contribua à motoriser la France, la Dauphine paraissait nettement plus moderne et cossue. Tous les jeunes de l’époque eurent un jour droit à conduire une Dauphine, ou sa version cossue, l’Ondine, apprenant à maîtriser les caprices du moteur à l’arrière et se prenant pour des pilotes dès 50 km/h ! Et comme cela ne suffisait pas, elle eut rapidement droit à sa version sportive, la Dauphine Gordini (type R1091), dès 1957. Normal tant la petite Renault appelait au sport et à la dérive.
Sur la Gordini, le petit 4 cylindres en ligne gagnait quelques chevaux (pour atteindre les 37 ch SAE), et quelques kilomètres à l’heure (126 contre 115), le tout grâce à une nouvelle culasse, ainsi qu’un nouveau carburateur, ainsi que quelques modifications mécaniques (une boîte 4 vitesses notamment). Pour beaucoup, la Dauphine Gordini (comme tout ce qui porte le label du sorcier Amédée chez Renault) est un Graal, et pourtant, il existe dans la gamme Dauphine beaucoup mieux et beaucoup plus performant : la 1093.
Ce n’est que fin 61 qu’apparaît cette version « performance » de la Dauphine (Type R1093, d’où son nom, à l’époque, le marketing est embryonnaire). En fait, cette version est née non pas d’une étude de marché, mais d’un changement de réglementation pour l’engagement de véhicules en course par la FIA depuis janvier 1960 : en catégorie A « Tourisme de série », il faut désormais produire une série de 1500 exemplaires pour l’homologation ! Pour engager une Dauphine plus puissante, il faut donc passer par la production d’une petite série. De toute façon, l’heure est à l’engouement pour la compétition et le sport automobile, et Renault ne doute pas pouvoir vendre ses 1093.
C’est la Dauphine Gordini qui servira de base à la 1093. Le moteur sera retravaillé (carbu à double corps Solex, culasses rabotées, arbre à cames, soupapes) pour atteindre les 55 ch SAE (soit 18 de plus qu’une Gordini, un monde!), et l’embrayage renforcé. S’ajoutent aussi une nouvelle tubulure d’échappement Autobleu, des barres anti-roulis et barres anti-rapprochement, ainsi qu’une suspension durcie. Pour la compétition, les modèles pouvaient être préparés, à condition de ne pas changer la cylindrée. Le préparateur Ferry (le père de l’ancien ministre Luc Ferry, lire aussi : Renault 11 Turbo kit Ferry) proposait ainsi des « 1093 Améliorées ».
Après la construction de 5 prototypes pour l’homologation, Renault lança une première série de 1650 exemplaires, tous de couleur « blanc cassé », avec deux fines bandes bleues courant le long du capot, du toit et du « cul », et des optiques de plus gros diamètre (type Export USA). Une deuxième série de 490 exemplaires sera lancée, de couleur « gris blanc Valois » et dotée de freins à disque. La 1093 dispose d’une boîte 4 vitesses, et d’un logo « 1093 » à l’arrière.
Cette version « coursifiée » fit des merveilles en compétition, et permit à nombre de talentueux pilotes de se faire la main. Je n’ai pas, moi, cette prétention, mais c’est avec plaisir que j’ai pris place derrière le volant pour attaquer les bankings de Montlhéry, un peu anxieux tout de même du sac à dos arrière et de mon inexpérience dans ces conditions, puisque des chicanes rajoutées au circuit obligent à freiner, et surtout à tourner… ! Moteur, et c’est parti, à un rythme pépère, histoire de bien comprendre la voiture, et reconnaître l’anneau dont le revêtement laisse franchement à désirer. Au deuxième tour, me voilà appuyant plus sur le champignon, surpris d’atteindre des vitesses étonnantes pour ce type de véhicule (vitesse maxi, 140 km/h, comme quoi le tachymètre est un peu ambitieux avec ses 180 km/h). C’est au troisième tour que je me suis lâché un peu plus, oubliant peut-être un peu vite que tout le poids est à l’arrière. Au freinage de la chicane, j’ai tout à coup senti le cul se dérober, ayant du freiner un peu plus fort que les fois précédentes.
Finalement, c’est d’une main de maître (j’exagère, c’est surtout la bagnole qui est plutôt saine) que je redressais la situation pour enrouler le virage et finir par m’arrêter aux stands : nous étions malheureusement limités à 3 tours d’anneau par voiture ! Cela dit, cet avant goût m’a fait regretter de ne pas avoir pu explorer le circuit routier de Montlhéry pour mieux appréhender le comportement de cette petite sportive qui avouons le donne du plaisir dès les basses vitesses. Le monde automobile ayant tellement changé qu’aujourd’hui, il n’est quasiment plus possible de retrouver les mêmes sensations !
Mais avec 2140 exemplaires vendus entre 1962 et 1963, sans compter les 5 prototypes (8 selon les sources), autant dire que je ne suis pas prêt de l’avoir ma Dauphine 1093. Dommage, j’adore sa bouille (j’ai adoré la Dauphine à partir du moment ou Gil Jourdan s’en est payé une), son petit moteur vif, et ses réactions étonnantes pour un conducteur « moderne » comme moi. Je n’imagine même pas combien coûte un exemplaire aujourd’hui, et je devrais donc me contenter des occasions régulières que me procure Renault Classic pour espérer la reconduire !
Si vous aimez les raretés, sachez qu’Alfa Romeo a produit la Dauphine sous sa propre marque (lire aussi : Alfa Romeo Dauphine).
Photos : DR, Paul Clément-Collin, André Leroux (https://leroux.andre.free.fr/), B. Cannone pour Renault.
A lire aussi cet excellent site pour tout savoir sur la 1093 : https://www.dauphine1093.fr/