Renault 12 Gordini : en avant toute !
« on a tout dans le cœur un morceau de fer à user »… La Renault 12 Gordini quoiqu’un peu anachronique par rapport à la chanson de Voulzy, correspond bien à cette phrase et à l’époque. Une époque où les jeunes se passionnent pour le sport auto, et rêvent de devenir les pilotes de demain, une époque où un sorcier mécanique du nom d’Amédée Gordini rend vivantes de placides berlines, et les peinturlure de bleu à bandes blanches, une époque qui ne voit pas encore la crise qu’elle se prendra pourtant en pleine poire en 1973, comme un coup de semonce après des années de croissance et de plein emploi.
Avec la R12 Gordini, on entre de plein pieds dans les années 70, et avec elle viennent les premières querelles de clocher. Une génération de pilotes amateurs s’était fait les dents et les talons pointes sur un drôle de berline carrée au moteur à l’arrière, permettant de goûter aux joies de la glisse. La R8 Gordini, c’était la référence du sport auto amateur dans les années 60.
A l’aube des années 70, Renault change son fusil d’épaule, ou plutôt son moteur de sens, et en 1969, la remplaçante de la R8, la R12, passe à la modernité avec son moteur et la traction à l’avant. Et bien entendu, les tenants du tout à l’arrière crièrent à l’hérésie. Ils pouvaient pourtant s’estimer heureux d’avoir un modèle sportif à disposition, tant la R12, quand on la regarde, ne semble pas s’y prêter.
De toute façon soyons clair : la R12 n’est pas moche, elle n’a pas un physique facile, c’est différent. Et puis la R8 n’était pas un modèle de beauté. Mais dès qu’elle enfile les couleurs de Gordini et ses longues-portées Cibié, elle a tout de suite une autre gueule. Surtout, elle reçoit un 4 cylindres 1,6 litres de 113 ch retravaillé par le maestro. Ceux qui en voudraient toujours plus peuvent d’ailleurs se mettre en quête d’une R12 Gordini dotée du kit 807-G et ses 150 ch. Ces puissances paraissent ridicules aujourd’hui, mais à l’époque, c’était déjà du sport. Surtout quand le poids de la voiture est inférieur à la tonne.
Avec la R12 Gordini, il faut aux pilotes en herbe réapprendre à conduire sportivement : deux salles, deux ambiances entre la R12 et la R8 aux bandes blanches. Aujourd’hui, les ayatollah du « c’était mieux avant » (il serait temps de passer à autre chose) font flamber les prix de la R8, mais la R12 désormais regagne ses lettres de noblesses, à tel point qu’elle commence à devenir chère elle aussi, sans parler de la 807-G qui atteint des sommets.
En même temps, la R12 Gordini est quasiment une rareté. Construite à seulement 5188 exemplaires entre 1970 et 1974 (soit un bon millier par an), elle ne coure pas les rues. Surtout que bon nombre d’exemplaires ont connu les affres de la course et du circuit, et parfois n’en sont pas revenus. Si certains voulaient jouer la carte de l’originalité (et voulaient se compliquer la vie), il existe aussi une R12 au doux nom d’Alpine produite en Argentine qu’on peut importer pour faire la nique à tous ces gordinistes (lire aussi : Renault 12 Alpine).
Mais cette rareté ne doit pas occulter celle dont elle dérive, la R12 (tout court), produite à plus de 2 millions d’exemplaires, et leur exotiques cousines roumaines badgées Dacia (en berline, pick up, double cabine, coupé et break) qui vous feront passer pour des spécialistes éclairés.