Renault 10 : quoi ma gueule ?
Puisqu’on parlait il y a peu de la Renault 8 (lire aussi : Renault 8), il serait idiot de ne pas parler de sa sœur la 10. Vous savez, cette sœur mal aimée et un peu laide qui a toujours eu du mal à exister à côté de la petite mignonne. Censée être plus grande, plus luxueuse, plus statutaire, plus puissante aussi, elle remplaça la R8 Major en 1965. Trois ans plus jeune que la 8, la 10 paraît pourtant plus vieille, déjà dépassée, tandis que la pimpante truste les charts et s’offre une désirable version sportive dénommée Gordini.
Il faut dire que la 10, conçue pour combler le fossé séparant la 8 de la 16 en attendant la 12 (lire aussi : Renault 12 Gordini), n’a pas un physique facile. Si elle reprend la cellule centrale de la 8, ses portes et même sa lunette arrière, elle se retrouve rallongée à l’avant comme à l’arrière tout en gardant le même empattement. Si le dessin de la 8 était plutôt réussi dans sa simplicité, la 10 se perd en voulant en faire trop, tout ça pour un peu plus d’espace dans le coffre avant.
Que ce soit avec des phares ronds (phase 1 jusqu’en 1967) ou rectangulaires (phase 2), la Renault 10 n’est vraiment pas un prix de beauté. Mais il faut croire que la clientèle s’en fichait un peu, pourvu qu’on ne la confonde pas avec la plèbe roulant en « petite » R8. Avec la 10, on passait un cap, on affichait sa réussite naissante, en attendant de s’offrir une 16 encore plus huppée, sortie la même année (lire aussi : Renault 16). Au total, ce sont tout de même 699 410 clients qui s’afficheront en R10, pas si mal vu son look.
Dès le départ, la Renault 10 se démarque avec le 1108 cm3 Sierra (Cléon-fonte) et ses 43 ch, laissant le « 1000 » à la soeurette. Ce n’est pas pour autant qu’il s’agit d’une sportive. Destinée à une clientèle plus pépère, la 10 offre des suspension bien plus souple et une direction plus douce, gommant le côté amusant de la 8. En bref, cette version « de luxe » s’adresse bel et bien à une cible différente, pour laquelle une voiture doit permettre d’aller d’un point A à un point B avec famille et bagages, dans un confort royal (pour l’époque) et une certaine image de marque. Rouler en 10, c’était comme rouler en Ondine : il suffisait de peu pour montrer sa différence. En 1970, alors qu’il lui reste peu de temps à vivre, la 12 étant sortie en 1969, elle récupère le moteur 1300 pour s’avérer encore plus cossue (et pour séduire les derniers clients réfractaires à la traction). Acheter une Renault 10 cette année-là devient presque un acte militant en faveur du tout à l’arrière.
Aujourd’hui encore, la 10 est la mal aimée du duo, sans doute parce qu’elle a perdu ce côté joueur qui séduisait tant avec la 8, et que son look un peu bâclé la rend bien moins désirable. Mais c’est peut-être pour cela qu’il faut s’y intéresser. Tout le monde regrette la petite 8, et s’invente parfois des souvenirs en Gordini. Laissons là aux suiveurs. La 10 est un meilleur choix aujourd’hui (pour peu qu’on en trouve une en bon état) parce qu’elle coûte moins cher, parce que justement tout le monde la regarde avec un drôle d’air, parce qu’elle a un intérieur plus cossu (avec même du faux bois sur le tableau de bord), et parce qu’elle relève d’une autre philosophie.
Dédiée aux nouvelles autoroutes françaises, ou aux highways américaines (sans pour autant y rencontrer le succès), la Renault 10 est typiquement la voiture à collectionner : symbole d’une autre époque avec son moteur à l’arrière, elle est pourtant plus facile à conduire pour un néophyte, plus douce et moins piégeuse qu’une Renault 8 qui aura été maltraitée par 50 années de pseudo conduite sportive. Et puis franchement, avec un tel look, on ne peut qu’être attendri non ?
Renault 10 Alconi, une voiture de connaisseurEt puis si vraiment vous voulez du sport et de l’originalité, autant aller pêcher une rare version Alconi produite en Afrique du Sud : vouloir transformer cette voiture du dimanche en dévoreuse de circuit relève du génie ou de l’inconscience. Alors que tout le monde se la joue spécialiste avec une 8 Gord’, rouler en R10 Alconi vous fera passer dans le clan des vrais connaisseurs, des pointus, des fous furieux de l’originalité.
Photos: Renault Classic, DR