Porsche Carrera GT : la supercar revenue de loin
Ah, la Porsche Carrera GT, un de mes premiers émois in the flesh, comme on dit chez les Britanniques. C’était mon tout premier Mondial de l’Auto, en 2000, et il faut avouer que la bête en imposait ! Avec son châssis en carbone, son V10 de plus de 600 chevaux et ses freins en céramique, la fiche technique était tout bonnement monstrueuse pour l’époque. Pourtant, en me penchant sur sa genèse, il s’avère qu’elle était la conclusion d’une série de projets… annulés.
Un moteur issu de la Formule 1…
En 2000, le V10 était une architecture pour une voiture de route encore moins courante qu’elle ne l’est aujourd’hui. À l’époque, seule la Viper offrait cette configuration, avec un moteur développé par Lamborghini (du temps où la marque au taureau était dans le giron du géant américain). Cependant, Porsche n’a pas sorti ce moteur de son chapeau, bien au contraire.
Tout remonte à 1991. Alors que la FIA a sonné le glas des moteurs turbo, Porsche fournit des moteurs V12 à l’écurie Footwork Arrows, sans réel succès. La firme de Zuffenhausen prévoit de fournir un V10 de 3.5 litres de cylindrée pour l’année suivante. Malheureusement pour eux, face au manque de compétitivité du V12, Footwork Arrows décide de rompre le contrat. Ils se fournissent chez Cosworth pour la fin de la saison 1991 et signent avec Honda pour l’année suivante.
… recyclé pour l’endurance…
Porsche se retrouve donc avec un moteur rangé dans les étagères, attendant la bonne occasion pour être utilisé. Elle arrive lorsque le constructeur décide de reprendre un engagement officiel en endurance dans la catégorie prototypes. En effet, la 911 GT1 n’est plus acceptée qu’au Mans et la marque entend bien dominer ailleurs que dans la Sarthe.
Décision est prise de se retirer de la compétition à la fin de la saison 1998, pour mieux revenir en 2000. Le premier design prévoyait de conserver le flat-six… 935, plus économe en carburant que le bloc des GT1. Toutefois, entre le poids du moteur et les différentes modifications aérodynamiques nécessaires pour assurer le refroidissement, le V10 est ressorti du placard. Le bloc est modifié afin de cuber 5 litres, voire 5.5 selon les études. Malheureusement, une fois encore, le projet est abandonné. Après une brève séance d’essai aux mains de Bob Wolleck et Allan McNish sur la piste de Weissach, la direction coupe court au développement à la mi-1999.
Les raisons avancées pour cette annulation tiennent souvent de la spéculation. La seule chose qui est certaine, c’est qu’à cette époque, VW et Porsche cherchaient sérieusement à se rapprocher, notamment à travers le développement du duo Touareg/Cayenne. Il se dit que Ferdinand Piëch a demandé à Porsche de fournir plus de bras au bureau d’études pour assurer le développement du SUV. Cependant, il se dit tout autant que c’était juste pour éviter qu’Audi et Porsche ne s’écharpent en piste.
… qui finit dans un prototype.
Bref, le moteur finit une nouvelle fois sur les étagères. Cependant, il n’a pas le temps de prendre la poussière. Les ingénieurs de Zuffenhausen planchent sur un concept car qu’ils souhaitent présenter à Paris en l’an 2000. Pas le temps de niaiser, le moteur et la boîte de vitesses sont repris tels quels. Ils viennent s’intégrer dans un roadster tout en carbone, jusqu’aux freins. En effet, la Carrera GT sert d’écrin au nouveau système PCCB (Porsche Ceramic Composite Brake), le système de freins carbone-céramique mis au point par la firme pour ses voitures de série. Il faudra cependant attendre une année de plus pour le voir arriver, en option, sur la 911 Turbo.
Et la Carrera GT dans tout ça ?
Face à l’engouement du public pour le concept car, Porsche commence à envisager l’idée d’une mise en production de la Carrera GT. D’autant plus que, là où Ferrari n’a pas chômé avec la F50, Porsche n’occupe plus le segment des supercars depuis la 959, deux décennies plus tôt.
La Carrera GT de série reste fidèle au conceptAvec l’arrivée massive de fonds, grâce aux Cayenne se vendant comme des petits pains, décision est prise de lancer la Carrera GT en petite série dans la nouvelle usine de Leipzig. La voiture arrive sur le marché à l’horizon 2004, ce qui laisse le temps au bureau d’études de rendre la voiture plus compatible avec un usage routier.
La boîte séquentielle est abandonnée pour laisser place à une boîte manuelle à six rapports. Le moteur, quant à lui, voit sa cylindrée augmentée à 5.7 litres, afin d’augmenter sa fiabilité tout en conservant plus de 600 chevaux à envoyer aux roues arrière.
Texte : Pierre Sumy