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Pagani Zonda C12 S : supercar à l’ancienne

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 15/02/2019

Lorsque la Zonda C12 fut présentée au salon de Genève en 1999, bien peu d’entre nous avait entendu parlé de Horacio Pagani. Pourtant, l’homme n’était pas un inconnu du milieu, et se lançait dans une aventure risquée mais avec un certain nombre d’atouts dans la manche. Voici donc l’histoire de la Zonda et, en filigrane, celle de son fondateur.

Horacio Pagani se fera la main sur les Ika Torino, siglées à partir de 1970 du losange de Renault

Mine de rien, Horacio ne sort pas vraiment de nulle part. Argentin d’origine italienne, il se passionne très tôt pour l’automobile et la mécanique : réalisation de maquettes, création de pièces mécaniques spécifiques, construction d’une moto de son cru (encore exposée dans le hall d’entrée des ateliers Pagani à Modène, en Italie), apprentissage de la mécanique sur des Ika Torino (la voiture argentine par excellence), tout cela avant sa majorité.

La Pagani A1 Renault aux côté du prototype Pagani Zonda C12

Les débuts en Argentine

Toutes ces petites expériences l’amènent à concevoir une Formule 2 à moteur Renault (fourni officiellement par la filiale argentine, Ika-Renault) mais aussi un buggy doté d’un châssis (transformé) et d’un moteur de Renault Dauphine. Petit à petit, Horacio Pagani se fait un nom dans le petit monde argentin de l’automobile, au point de rencontrer et de se lier d’amitié avec Juan Manuel Fangio, légende vivante du sport auto.

La Countach Evoluzione, initiant les matériaux composites et le carbone chez Lamborghini

Cependant, Horacio a d’autres ambitions que ces petits bricolages et de sa petite activité qui l’amène à réaliser des meubles comme des camping-cars, voire un camion de studio radio. Lui veut travailler pour l’un de ces constructeurs italiens qui le font rêver : Ferrari, Maserati ou Lamborghini. Avec l’aide du quintuple champion du monde de Formule 1 qui va le recommander dans chacune de ces entreprises, Horacio va tenter de s’introduire dans le petit monde de l’automobile sportive italienne.

Les sketchs préliminaires de celle qui devait s’appeler Fangio F1 sont encore timides, par rapport au dessin définitif de la Zonda C12

Première expérience chez Lamborghini

A force de persévérance (et d’insistance), il va finir par intégrer Lamborghini, acceptant un poste de manutentionnaire. Une fois dans la place, il va rapidement réussir à intégrer les équipes techniques, travaillant notamment sur le LM 002, puis s’imposer comme le spécialiste des matériaux composites et du carbone. Poussé par l’ingénieur Alfieri, il va présenter en 1985 la Countach Evoluzione, largement remaniée à coup de carbone et de kevlar. Cette tentative remarquée l’amène à travailler sur des panneaux de carrosserie en matériaux composites pour la Countach 25ème anniversaire, mais Lamborghini ne voyant pas d’intérêt à acheter un four autoclave, Horacio Pagani décide de voler de ses propres ailes en créant sa propre structure dont le premier client sera Lamborghini justement, pour la réalisation des pare-chocs et du capot en carbone de la Diablo.

Cependant, Horacio Pagani n’a pas oublié son rêve : devenir lui-même constructeur automobile. A côté de ses activités de sous-traitance pour Lamborghini, Aprilia ou Dallara, il crée Modène Design pour mener à bien son projet en 1991. Avec sa future supercar, Pagani veut rendre hommage à son ami Fangio dont elle portera le nom. Sur ses fonds propres, il commence à développer la voiture et grâce au grand champion argentin, Mercedes (après s’être assurée du sérieux de l’entreprise) accepte de fournir un V12 pour le prototype.

Un des deux « protos » de la Pagani Zonda C12 devant le siège de Modena Design

De la Fangio F1 à la Zonda C12

Un premier prototype dénommé C8 est fabriqué après une maquette au 1/5ème. Depuis 1995 et la mort de Fangio, la voiture est devenue Zonda (le nom de Fangio F1 est abandonné par respect pour le champion). Alors que Modena Design travaille aussi sur le design de la Diablo VT, version restylée de la Diablo, la direction marketing de Lamborghini aperçoit le proto de la Zonda. L’idée de racheter le projet pour en faire la remplaçante de la Diablo (à cette époque, Volkswagen n’a pas encore racheté la marque italienne et la Murcielago n’est même pas au stade de projet) est proposée à Horacio Pagani. Convaincu par son jeune fils de ne pas abandonner son rêve, il refuse l’offre et décide de passer la seconde. Il trouve de nouveaux investisseurs et s’attèle à un nouveau prototype, la C12.

C’est ce modèle qui sera présenté à Genève en 1999. La ligne est particulièrement novatrice, dérangeante même, mais finalement très réussie : la Zonda ne ressemble à aucune autre et surtout a bien évolué depuis les premiers dessins datant de 1988. En réalité, Horacio est arrivé à ses fins : privilégier l’artisanat de pointe, la technique et la distinction tout en offrant la technique d’un grand constructeur comme Mercedes et surtout, par la suite, AMG.

V12 « atmo » signé Mercedes et AMG

Pas de compromis chez Pagani : un gros V12 atmo, avec des cylindrées qui feraient frémir aujourd’hui, de 6 litres pour le proto (et 394 ch) jusqu’à 7 litres (et 550 ch) pour la C12 S de série. Grâce au blanc-seing de Juan Manuel Fangio, Mercedes-Benz offrait son meilleur moteur, travaillé par AMG, pour une supercar vraiment décalée par rapport aux autres automobiles de l’époque : artisanat, matériaux composites, soin du détail et de la finition, grand luxe mais sportivité et bien entendu design totalement hors-norme.

Grâce à l’expertise des matériaux composites acquise par Horacio, la Zonda C12S propose, outre une mécanique à 12 cylindres atmosphérique comme on en fait plus, une rigidité et une tenue de route qui, d’emblée, sans histoire ni légende, permet à Pagani de tutoyer l’exigence des plus grands.

“En mariant l’art et la science, nous essayons de créer une automobile générant suffisamment d’émotion afin de convaincre un client de dépenser beaucoup d’argent pour s’offrir une voiture fondamentalement inutile”

Inutile, donc indispensable pour qui dispose d’un portefeuille suffisamment garni… S’offrir une Pagani, c’est afficher sa différence et sa capacité à comprendre, là où acheter une Bugatti Chiron relève de l’effet de mode… La C12 sera déclinée à l’envie, en version S (15 exemplaires), S 7.3 litres et 555 ch (coupé ou roadster, 17 exemplaires), F 7.3 et 602 ch (25 exemplaires), Cinque (678 ch, 27 unités en coupés et roadsters), “750” (portée à 750 ch comme son nom l’indique, 11 exemplaires) et une tripotée de modèles uniques qui permettront à la marque d’officiellement atteindre plus de 100 véhicules produits de 1999 à 2010 et la présentation de la Huyara.

Supercar artisanale

Voiture d’exception, réservée aux grands de ce monde mais passionnés, pas ceux qui veulent juste impressionner, la Zonda aura marqué à jamais le monde automobile : certes, d’autres on fait mieux, soit en performance, soit en terme de design, mais Pagani perpétue l’idée de l’artisanat, du travail bien fait, de l’exception et du décalage comme personne, à part peut-être Koenigsegg

Etablir une réelle cote pour une telle voiture est un exercice périlleux : nul doute en revanche que dans quelques années, la Zonda (quelle que soit la version) restera proche du prix pharaonique de ses débuts. Quoi qu’il en soit, elle reste un objet de fantasme pour n’importe qui cherchant à rouler autrement, même avec beaucoup de moyens.

Pour découvrir les débuts de Horacio Pagani, je vous encourage à lire cet excellent article (en trois parties) d’Automotivpress.

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