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Mercedes SLK (saga) : Sportive, Légère et Kompacte, promesse tenue

Par Pierre Dauvergne - 19/09/2020

Dans le glossaire de Mercedes-Benz, depuis les années 50, « SL » veut dire sportif et léger. Quand, au début des années 90, la 500 SL (R129), son chauffeur, sa maîtresse et un plein de Super franchissent les deux tonnes, on est en droit de se poser la question d’une si présomptueuse dénomination. Des sièges très épais et motorisés, un V8 qui cube 5 litres, une capote électrique, un arceau mobile bien costaud, on estima alors à juste titre que le « S » de SL symbolisait davantage Sonderklasse que Sport. Au même moment, la Mazda Miata avait révolutionné le concept du roadster 2 places simple et léger « à l’anglaise », et il ne fallut pas longtemps à de nombreux constructeurs pour enquiller avec leur version de l’idée : BMW Z3, Fiat Barchetta, Porsche Boxster, etc.

Propositions de design pour le futur SLK, projet R170

En 1991 démarra un projet dont l’idée de départ tint en trois lettres : S, L, K (K pour Kompact) : une petite SL qui allait cette fois-ci tenir la promesse – sinon l’intention – de sportivité. Au Turin Motor Show de 1994 fut présenté le fruit de ce travail : un séduisant roadster au long nez orné de deux petites bosses, au regard énigmatique et au profil fluide tout en dépassant de peu les 4 mètres. Elaboré sur un châssis de classe C tronçonné (W202), le svelte véhicule remporte immédiatement l’adhésion du public, en résolvant la difficile conjugaison de luxe, de sportivité et de compacité. On le verra plus tard, à l’exception de feux avant et arrière différents, l’extérieur est déjà quasiment figé, le modèle de série ne trahira en rien le concept car ; à l’inverse de voitures comme l’Alfa Romeo Brera, dont le chic du dessin originel laissera place à un assemblage de proportions erronées et de sacrifices stylistiques nécessaires à la mise en série.

En 1994, deux concepts sont présentés, assez proches l’un de l’autre. Le premier, gris, fait la une des journaux de l’époque.

Une si belle intention

Ce premier proto gris métal n’est pour le moment pas encore un « CC », catégorie inconnue à l’époque mais qui allait, la décennie suivante, devenir un marché à part entière. À l’endroit du couvre capote se trouve une pièce de tôle, dont les bosses en forme d’ogives viennent élégamment prolonger les appuie-têtes, eux-mêmes pris dans une sorte de coquille solidaire du dossier. L’intérieur est traité dans une combinaison de cuirs noir et rouge jusque sur le volant, et inaugure une planche de bord aux courbes souples – encore d’actualité 25 ans plus tard – moins raide que celle qui sera retenue pour la production. Étrangement, de ce fameux toit rétractable qui allait révolutionner le monde des décapotables, on ne sait à ce moment-là encore rien. Il n’y a d’ailleurs aucune photo de ce premier prototype en configuration fermée. C’est là qu’intervient le deuxième effet Kiss Cool.

Le second concept, bleu, est un peu plus excentrique dans sa présentation.

Quelques mois plus tard apparaît, cette même année 1994 à Paris, un second prototype très voisin mais autrement plus exotique. Dans une robe cette fois-ci bleu indigo/persan, le SLK II Concept crée l’événement autour de son incroyable Varioroof. Derrière cette sémantique marketing imparable se cache un concept que l’on n’avait pas revu depuis l’avant-guerre : la décapotable avec un toit en dur, pliable en deux portions. Le faux couvre capote métallique du premier prototype cachait donc un fabuleux secret. Il laisse cette fois-ci la place aux éléments visibles du mécanisme de basculement du toit, ainsi qu’à deux arceaux. Mercedes passe un cap dans l’extravagance et pare l’habitacle ainsi que le couvre-capote d’une association d’alcantara mauve et orange, très 90’s. L’habitacle évolue légèrement en offrant sous le meuble de bord d’inédites alcôves – à la manière d’une Fiat Panda, en plus chic – et reconduit l’instrumentation inspirée de la moto, déjà vue sur le premier proto.

C’est Murat Günak, un designer maison, qui signe ce dessin audacieux. L’objectif de la décapotable Mercedes à 200.000 francs (sans faire dans le cheap) est réussi haut la main. La SL contemporaine, statutaire et épaisse avec son hard top bien carré, prenait alors un coup de vieux magistral. Elle connaîtra un dépoussiérage salvateur la même année que le lancement de la première mouture du SLK.

R170 : un tour de magie appelé Varioroof

Salon de Turin, 1996, le premier SLK est lancé. La carrosserie est pratiquement identique au concept car, à l’exception d’une arête de malle arrière moins franche, de phares moins impressionnants et de feux arrière cette fois-ci triangulaires. Avec son visage moins torturé, l’hommage à la 190 SL des années 50 devient évident, une généalogie bien trouvée que les brochures commerciales utiliseront à outrance. La fantaisie du concept car a permis d’accoucher d’une palette de couleurs peu commune pour une Mercedes. On la voit dans la presse dans une robe turquoise, rouge feu ou encore jaune criard. L’intérieur suit le même délire avec des combinaisons de selleries bi-tons très tranchées noir/rouge, noir/blanc, noir/bleu et inserts en carbone. Le catalogue de personnalisation Designo suggère des possibilités encore plus fantasques, mais comme dit Jean-Claude Brialy dans Jet Set 2 : « dans la vie il y a le bon goût, le mauvais goût, et le dégoût ! ». De plus sages assortiments de cuir beige combinés à des placages en érable et eucalyptus arriveront plus tard.

Néanmoins la révolution est ailleurs : à l’aide d’un bouton magique entraînant une astucieuse tringlerie, le crâneur roadster se transforme en une demi-minute en un coupé sport gracile, tout en conservant des proportions convenables. J’entends par là que le coffre n’a pas l’air d’être un sac à dos et qu’on a le bord du pare-brise encore assez loin du front pour prétendre être dehors. Ce ne sera pas le cas de tous les Coupés-Cabriolets, loin s’en faut. Les problématiques de stockage, montage/démontage d’un hard top s’effacent, l’habitabilité et la polyvalence progressent : ainsi naissait la décapotable de l’an 2000. Les critiques de la presse furent élogieuses sur la cohérence de la carrosserie en mode fermé, ce qui n’était pas évident avec une capuche en toile à l’époque. Notons au passage que le toit du SLK n’offrait aucune rigidité structurelle supplémentaire, synonyme de quelques craquements au-dessus de la tête en descendant des trottoirs. On parle souvent de la SLK comme du premier CC de notre époque contemporaine (j’entends par là exclure la Peugeot Eclipse ou autres véhicules uniques d’avant-guerre) mais après recherches, il s’avère que Mitsubishi avait lancé sans trop d’éclat une 3000 GT spyder « CC » en 1994. Or, là où la Mitsubishi était un rien roturière, le SLK et son Varioroof est un petit bijou.

La gamme de lancement est conçue autour de deux versions : un 2.0 de 136 chevaux ou un 2.3 compressé de 193 chevaux. La deuxième reçoit de très belles jantes à gros bâtons, plus flatteuses que les petites jantes brillantes à gros cache-moyeux de la première. Un 2.0 compressé (mais uniquement disponible en boîte manuelle) sera proposé dans les pays pratiquant une fiscalité défavorable aux moteurs dépassant 2000cc.

En milieu de carrière – donc après 4 ans – Mercedes procèdera à un léger remodelage basé sur des boucliers plus galbés et en abandonnant le traitement en noir des soubassements latéraux et des jupes. Les poignées de portes sont peintes dans la couleur carrosserie et les répétiteurs de clignotants montent dans les coques des rétroviseurs. De très jolies jantes à 6 branches apparaissent de même que de nouvelles harmonies de couleurs assez distinguées. Côté moteur, le bloc 2.3 gagne une poignée de chevaux, c’est aussi à ce moment-là qu’arrive dans les catalogues l’onctueux V6 3.2 de 218 chevaux, qui permet à la petite Mercedes de gagner des échelons dans la noblesse. Un modèle recherché pour son subtil équilibre de muscles et d’élégance. Enfin, en 2001 est lancée la « valkyrienne » SLK 32 AMG, dont le même V6 3.2 pousse cette fois-ci le vice jusqu’à 354 chevaux. Elle franchit le 0 à 100 km/h en un peu plus de 5,2 secondes, ce qui la place à la frontière des super cars. Elle reçoit des pare-chocs très modernes et plus affutés que ceux du facelift ainsi qu’une double sortie d’échappement.

La Chrysler Crossfire dérive de la Mercedes SLK R170

L’enfant caché

Le mariage en forme de pétard mouillé de Daimler et Chrysler – comme dans tout mariage automobile – permit à l’éphémère mégastructure germano-américaine de compléter les porte-brochures à peu de frais, par le moyen du partage des plateformes. C’est ainsi que du délicat et racé SLK naquit la Chrysler Crossfire. Radicalement différente, baroque et baraquée, elle se base sur la SLK 320 dont elle reprend les fondements mécaniques ainsi que l’intérieur, à peine remaquillé à l’américaine. Elle ne reprit rien du toit escamotable mais se déclina en un coupé tape à l’œil et un roadster à capote traditionnelle.

La SLK R171 prend la relève

R171 : musculation et anoblissement 

En 2004, comme souvent chez Mercedes après une carrière de 8 ans, la nouveauté est prête. Suivant la disposition des véhicules à prendre de l’embonpoint après l’an 2000, la R171 présente un physique plus bodybuildé que sa devancière. La caisse relativement carrée des années 90 a laissé la place à un dessin tout en courbes pulpées, un postérieur rond comme un galet et de nombreuses touches d’agressivité. Cette fois-ci c’est la Mercedes SLR, supercar du futur co-brandée avec McLaren, à qui elle rend hommage. L’effet grand nez / petit cul est toujours bien là, accentué par un capot très ouvragé sur lequel l’étoile semble propulsée, et où menacent deux larges prises d’air. Le toit rétractable nettement plus courbé prend paradoxalement moins de place dans le coffre. Les feux arrière se lissent et deviennent moins imposants. Les phares, eux, s’étirent plus haut sur le capot, accentuant une ligne très féline.

Côté habitacle, le raffinement progresse. Les combinaisons charivariques des années 90 laissent la place à de classieux sièges en cuir noir, beige, bordeaux ou encore caramel (en tissu sur l’entrée de gamme), en réponse à une planche de bord dans un esprit aussi bombé que la carrosserie, dont la qualité est aussi en progression. En outre, le SLK R171 étrenne l’incroyable option « Airscarf », un système qui permet, à la mauvaise saison, de recouvrir les cous fragiles d’un agréable foulard d’air chaud. En fonction de vitesse de la voiture et de la température extérieure, le système envoie de l’air dans des buses d’aération situées à la base des appuie-têtes. Cette option – dont le brevet entraîna quelques démêlés judiciaires pour Mercedes – est très recherchée par les collectionneurs et fait gonfler la valeur des modèles qui en sont équipés.

Le SLK R171 est lancé avec un seul 4 cylindres 1.8 compressé délivrant 163 chevaux. Le « gap » vers le moteur du dessus est immense puisque rien de plus modeste que le V6 3.5 de 272 chevaux n’est proposé. Les amateurs de tonnerre trouvent de quoi se donner des sueurs froides avec la SLK 55 AMG et son V8 de 5.4 compressé qui délivre 350 chevaux. L’année suivant le lancement, l’erreur de gamme est corrigée avec l’apparition du petit V6 dans la SLK 280, qui cube en fait 3.0 litres et qui récupèrera la plus correcte dénomination SLK 300 sur le tard. Docile et souple, il constitue un bon équilibre entre moteur couillu et relative frugalité. La toute nouvelle boite auto 7G-Tronic est proposée en option ou de série respectivement sur les V6 et V8. Plus cossue, bien motorisée, la SLK fait aussi un grand bond en avant côté châssis et trains roulants, se basant à présent sur une plateforme tronquée de Classe C W203.

En milieu de carrière, même mise en beauté : nouveaux boucliers un rien outranciers (inspirés des diffuseurs de la F1), nouveaux rétroviseurs, nouvelles jantes et combinaisons de coloris intérieurs et extérieurs, volant à trois branches inédit et enfin quelques gimmicks multimédias composent le gros des retouches cosmétiques. Le bloc 1.8 et le gros V6 gagnent des chevaux, le petit V6 ne bouge pas mais les trois blocs annoncent une consommation et des émissions de CO2 en baisse. Une amusante série spéciale 2look Edition jouant à fond le contraste « black and white » animera le catalogue un temps, puis d’autres plus exclusives comme l’édition 10th birthday en 2006 ou la Grand Edition.

Sans être une bête de circuit, le guidage du SLK R171 est reconnu pour sa précision et l’agrément de conduite pour son homogénéité. Là où le R170 était un peu raide, le R171 est plus vivable. La surprise provoquée par sa devancière en 1996 étant impossible à égaler, le R171 évolue vers la maturité sans trahir la philosophie de la voiture, un exercice loin d’être aisé.

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