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Matra 530 : les premiers pas d’une marque française

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 27/03/2019

Ah Matra… Aujourd’hui disparue, la marque de Romorantin en aura fait rêver plus d’un avec ses Bagheera, Murena ainsi que Rancho et aura révolutionné l’automobile dans les années 80 avec l’Espace. Matra aura en outre porté haut les couleurs françaises en Formule 1 (champion du monde en 1969) ou aux 24 heures du Mans (3 titres consécutifs en 1972, 1973 et 1974).

La Matra 530 est la première « vraie Matra » de l’histoire. Une voiture qui n’aura jamais trouvé son marché, mais qui s’avère pleine de charme aujourd’hui. Tout commence au début des années 60 : Charles Deutsch et René Bonnet, créateurs de la marque DB (devenue l’écurie officielle Panhard), se séparent suite à des divergences de vues.

Des automobiles René-Bonnet à Matra Automobiles

Le premier crée la marque CD (tout simplement ses initiales) tandis que le second crée René-Bonnet Automobile en 1962 avec, dans ses cartons, la Djet, une petite voiture de sport à moteur central arrière. Celle-ci sera prête pour la commercialisation en 1963. La même année, le jeune Jean-Luc Lagardère (il a alors 35 ans) est nommé Directeur Général de la petite société d’armement sise à Romorantin dans le Loir et Cher, Matra (pour Mécanique Aviation Traction).

Lagardère a alors conscience qu’il faut diversifier et faire grandir Matra. Il va développer l’entreprise dans les télécommunications, l’électronique et bien entendu l’armement, mais aussi profiter des débuts de René Bonnet pour se faire la main dans l’automobile : c’est dans les locaux de Matra, à Romorantin, que seront fabriquées les Djet. Mais de simple sous-traitant, Matra va devenir constructeur à la faveur de la faillite de Bonnet en 1964. La marque René-Bonnet devient Matra Automobile et la Djet, puis Jet à partir de 1967, sera produite jusqu’en 1968 (à 1 693 exemplaires au total).

Et Philippe Guédon créa la 530

Dès 1965, Matra réfléchit au successeur du coupé Djet. Sous la houlette de Philippe Guédon (le père de l’Espace), les ingénieurs vont concevoir un coupé léger à tendance sportive, dont l’originalité réside dans son architecture : il s’agit d’une 2+2 à moteur central arrière ! Son nom : Matra 530, tout comme le missile éponyme que la branche armement lance au même moment. Tout un symbole !

C’est au salon de Genève que sera présentée la nouvelle voiture Matra. Si son allure générale, plutôt séduisante (bien qu’un peu torturée), laisse croire à une voiture sportive, elle pêche justement de ce côté-là : équipée du V4 1.7 litre Ford de la Taunus, elle n’offre que 72 ch (puis 75 ch en 1969). D’autant que mine de rien, la 530 pèse 930 kg.

Salut les copains

Matra a pourtant de grandes ambitions pour son dernier bébé. Surnommée en interne « la voiture des copains », faisant référence à la célèbre émission musicale dédiée aux jeunes sur Europe 1 (qui n’appartient pas encore à Matra, il faudra attendre 1974 pour cela), Salut les Copains, elle vise une jeune clientèle de 20 à 30 ans. Et autant voir grand : les objectifs de vente sont démesurés et on espère, chez Matra, vendre 50 000 exemplaires tout au long de sa carrière.

A ses débuts, la 530 n’est pas fabriquée à Romorantin. La Jet finit sa production et il faut adapter l’usine aux futurs volumes de vente. C’est donc à Alençon, chez Carrier, que sont produits les châssis, tandis que Brissonneau et Lotz s’occupe de la carrosserie en époxy et de l’assemblage final des premiers exemplaires, à Creil. A la même époque, Brissonneau et Lotz fabrique les carrosserie de l’Opel GT (qui semble avoir un air de famille avec la Matra 530, hasard ?).

Romorantin, coeur de Matra

Dès 1969, la production est rapatriée à Romorantin. Les débuts de la 530 sont difficiles : la voiture est beaucoup trop chère pour la cible « jeune » visée et ses performances sont un peu faiblardes par rapport à une Alpine A110 par exemple. Surtout, l’image de marque de Matra est nulle (heureusement, le titre de champion de Formule 1 cette même année changera un peu la donne) et le réseau de distribution embryonnaire. Conscient de ses faiblesses, Jean-Luc Lagardère va chercher un partenaire solide ayant une grande expérience de l’automobile. Ce partenaire, ce sera Chrysler Europe, qui prend une participation minoritaire dans l’entreprise en 1969. A partir de 1970, la 530 sera distribuée par le réseau Simca, poussant à la retraite la 1200 S.

En 1970 justement, Matra fait appel à Michelotti pour donner un coup de jeune à la 530. Deux versions sont alors présentées à Genève : la LX, version «luxe » de la 530 et la SX, une version dépouillée (et moins chère), qui permettra, pense-t-on, de toucher, enfin, la clientèle jeune visée dès le lancement, sans succès jusqu’alors. La SX perd notamment le système de toit « targa » à panneaux amovibles et les fameux phares escamotables, lui faisant perdre un peu de sa grâce !

Echec commercial

Mais ce sera peine perdue. Jamais la 530 ne décollera vraiment, avec 9 606 exemplaires fabriqués jusqu’en 1973. Le plus drôle, c’est que la SX, censée élargir la gamme vers la jeunesse, se vendra bien moins bien que la LX (1 143 ex.contre 4 731). Cette « première vraie » Matra s’éteint donc pour laisser la place à une remplaçante très dans l’air du temps, la Bagheera qui, elle, tutoiera les 50 000 exemplaires grâce à un bien meilleur positionnement.

Aujourd’hui, les 530 retrouvent tout leur charme. Le style un poil alambiqué sonne comme une transition entre les années 60 et 70, le toit targa (hors SX), les phares escamotables, ce petit cul râblé, ses 4 places (enfin 2+2, on se comprend), tout la rend séduisante aujourd’hui. Certes, encore faudra-t-il en trouver une, et elles commencent à coter les bougresses (entre 14 000 et 20 000 euros selon LVA), mais elles sont bien désirables.

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