Majorette : ma madeleine de Proust
S’il existe une madeleine de Proust pour moi, c’est sûrement la Majorette. Un week end avec les enfants et me voilà poussant les petites voitures lyonnaises avec mon fils. Je me souviens de chacune de celles que j’ai possédé, avec en point d’orgue de ma collection de petit garçon, une Countach du plus bel effet, une JP4, une 308 GTS comme Magnum ou une Audi Quattro. J’avais aussi tout une collection de modèles plus basiques, R18 (que j’avais sciemment transformée en véhicule accidentés), Nissan Prairie, une floppée de Mercedes ou BMW, ou des 205 Gti afin de recréer une circulation dense dans le jardin de la maison familiale.
Je me souviens qu’enfant, dès qu’une pièce de 10 francs traînait dans ma poche, je courais rue Lagrange au magasin « Les Mille couleurs » pour y choisir un modèle pour compléter mon garage au 1/67ème. Je faisais tourner le présentoir rond afin de m’assurer qu’une nouvelle Majorette ne m’avait pas échappé, j’hésitais longuement, pour finir par revenir à la maison avec ma nouvelle voiture à 7 francs. Avec les 3 francs restant, j’investissais dans un sachet d’autocollants Panini, mon autre passion.
30 ans d’usage intensif, ça use la peinture !Je crois bien que cette passion que j’avais pour Majorette fut partagée par nombre de mes contemporains. Et aujourd’hui encore, la marque continue à vendre du rêve automobile aux petits (ma fille y joue autant que mon fils, c’est dire). Pourtant, l’aventure Majorette n’a pas toujours été rose.
Une brochette Majorette, que du haut de gamme de l’époqueLa société Rail Route Jouet est créée à Lyon en 1961 par Emile Véron. Il faut croire qu’on a les miniatures dans le sang chez les Véron puisque Joseph, son frère, créa lui la marque Norev (vous l’avez ?). C’est en 1966 que la société prend le virage de la voiture uniquement, abandonnant les trains miniatures pour se concentrer sur sa nouvelle marque « Majorette ». Très vite, le succès arrive à tel point que Véron introduit en 1977 la société en bourse, et rachète la marque Solido. En cette fin des années 70, Majorette décroche le titre convoité de premier constructeur d’automobiles miniatures du monde.
Il fallait bien qu’une 205 GTi se glisse dans ma collection !Mais le déclin commence au milieu des années 80, et la production jusqu’alors franco-française sera délocalisée en partie en Thailande. La profusion de l’offre de jouets perfectionnés et l’apparition des consoles de jeux détournent en partie les jeunes enfants de la simple « petite voiture ». La marque subit une première liquidation judiciaire en 1992, puis changera régulièrement de propriétaires (Ideal Loisirs, Triumph-Adler ou Smoby). Désormais propriété d’un groupe financier, MI29 (depuis 2008), Majorette semble résister à la crise, et je peux continuer à faire plaisir à mes enfants en leur offrant un bout de mon enfance à moi.
Le clou de la collec’, celle qui rencontre le plus de succès auprès de mes enfants: la R18 customisée « accident de la route »Le plus drôle c’est que les modèles que je leur achète maintenant semblent bien moins les intéresser que ceux qui dorment depuis des lustres dans les coffres à jouets de la maison familiale. Conservées pieusement en l’état, mes majorettes eighties font la vraie joie de mes enfants, et la R18 accidentée est celle qui rencontre le plus de succès. Comme quoi !
Aujourd’hui, Solido appartient à Ottomobile !
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