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Les Chroniques de Starter : le journalisme automobile dessiné par Jidéhem

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 14/01/2018

Dans les années 60 et 70, l’automobile avait sans doute une autre dimension qu’aujourd’hui. Loin de n’être qu’un moyen de locomotion, c’était aussi un monde nouveau, enfin accessible au plus grand nombre, synonyme d’ascension sociale, de réussite, de vitesse, mais aussi de sport automobile. Adultes, adolescents et enfants se passionnaient pour chaque salon de l’automobile, chaque nouveaux modèles, au point que, dès la fin des années 50 et jusqu’à la fin des années 70, le journal de Spirou, destiné pourtant aux plus jeunes, disposait de sa propre rubrique animée par Starter, mais dessinée quasiment du début à la fin par Jidéhem, de son vrai nom Jean de Mesmaecker.

Tiens, ce nom vous dit quelque chose ? Normal, car Jidéhem (ses initiales, comme Hergé), fidèle collaborateur de Franquin, le plus souvent resté dans l’ombre, suggéra de donner au fameux signataire de contrats son propre nom, lui trouvant une étrange ressemblance avec son propre père, directeur des achats aux Grands Magasins L’Innovation. C’est Franquin justement qui inaugura le dessin de la rubrique automobile Starter en 1956, à la demande de Charles Dupuis, éditeur du Journal de Spirou et grand amateur de voitures (la rubrique, elle, existait depuis 1952). Mais rapidement débordé par ses multiples activités, il cèdera le crayon à son ami Jidéhem, en 1957.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il s’agissait bel et bien de journalisme automobile, et s’adressant aux enfants sans pression publicitaire, la rubrique de Starter jouissait d’une totale liberté de ton et de jugement. En outre, du moins au départ, c’était le journaliste Jacques Wauters (véritable créateur de la rubrique) qui essayait les voitures et rédigeait les textes, laissant le dessin et les illustrations à Jidéhem. Un Jidéhem devenu suffisamment accro aux bagnoles pour d’abord se débrouiller pour rejoindre Wauters sur les essais les plus intéressants, puis pour s’occuper totalement de la rubriques, essais, textes et dessins, à partir de 1958.

Alors qu’il collabore activement avec Franquin, s’occupant en grande partie de Gaston (c’est lui qui eut l’idée de la Fiat jaune et noire), il lance ses propres BD, comme Ginger, ou Sophie, sans connaître le même succès que ses amis du Journal de Spirou. Mais peu importait pour Jidéhem, préférant le travail de l’ombre. Il collabora aussi en 1959 à l’Auto-Journal, s’occupant de dessiner des accidents de la route. En 1997, à l’occasion d’une interview accordé au même journal, il réalisera une ultime chronique de Starter sur la nouvelle Smart Fortwo.

Tout l’intérêt de Starter réside donc dans la pertinence des informations délivrées, mais aussi dans le dessin de Jidéhem, particulièrement doué pour rendre dynamiques les véhicules qu’il croque. Spécialiste de la BD semi-réaliste, il utilise la technique d’un dessin presque fidèle, mais toujours caricaturé afin justement de rendre le mieux possible le mouvement. Comme Jidéhem s’intéresse aussi à l’aviation, Starter va aussi informer ses petits lecteurs sur les nouveaux chasseurs (Fouga-Magister, Etendard IV, Crusader, et tant d’autres).

Starter traversera 3 décennies, les années 50, 60 et 70, pour finalement prendre sa retraite en 1978. De l’avis de Jidéhem, l’automobile devenait moins passionnante, et sans doute avait-il aussi envie de passer à autre chose. Pourtant dans au début des années 90, Dupuis sortira deux recueils des essais de Starter. Il faut dire que le petit bonhomme en bleu de travail (le plus souvent) aura marqué des générations de gamins qui bien souvent auront découvert la voiture grâce à lui, mais aussi à la bande dessinée en général.

Il faut dire que l’explosion du genre à cette époque permettait aux auteurs de mettre en images les automobiles de leur époque. On pense bien sûr au maître du genre, Jean Graton et Michel Vaillant, mais aussi Tillieux, copain de Jidéhem, qui ne cessera de mettre en scène Dauphine ou Facel Vega dans les aventures de Gil Jourdan, ou bien Jacques Martin dans celles de Lefranc (il s’occupait aussi de la rubrique auto du journal de Tintin, lire aussi : Jacques Martin et l’automobile), et tant d’autres évidemment.

Dans ma jeunesse, les voitures avaient déjà disparu de la presse pour enfants, et c’était plutôt par le biais de l’aventure automobile (le Paris-Dakar) des jeux de cartes (lire aussi : Jeu d’Atouts « Top Ass ») ou des Majorette que nous découvrions le monde étonnant de la voiture (lire aussi : Majorette). La génération suivante fera son éducation avec les jeux vidéos, Gran Turismo en tête, mais la voiture est désormais moins présente, sans doute parce qu’elle fascine moins et qu’elle a perdu de sa capacité à émerveiller les enfants, habitués par des millions de voitures sur nos routes.

Starter, lui, bénéficia d’une génération d’enfants n’ayant souvent que la presse écrite comme moyen d’information, mais découvrant sur les routes de nouvelles voitures, toujours plus nombreuses, performantes ou belles, et Jidéhem sut tant le ton que le trait pour rendre compte des évolutions automobiles de son époque. Après avoir ranger ses crayons, Jean de Mesmaecker, le discret de la l’école franco-belge, nous quittera le 30 avril 2017, laissant derrière lui d’innombrables chroniques de Starter (liste à retrouver ici : détail des chroniques de Starter).

Images: Dupuis/Jidéhem

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