Lancia Kappa (838) Coupé : en toute discrétion
Un voyage de presse pour essayer la dernière version d’une légende, la Jeep Wrangler, un attaché de presse passionné par Lancia, une discussion qui tourne inévitablement autour de la bagnole, et qui finit par dériver : un grand classique qui débouche sur un article dédié à une grande oubliée, un coupé particulièrement collector malgré un physique que certains ont qualifié de pataud, la Lancia Kappa (tipo 838) Coupé.
Le monde automobile d’aujourd’hui ne jure plus que par les carrosseries surélevées, les fameux SUV qui représentent aujourd’hui le cœur du marché. Mais on observe le retour des berlines dynamiques telles que la Peugeot 508, voire même des envies de coupé au sein de cette même marque avec l’e-Legend. Il y a un peu plus de 20 ans pourtant, les berlines dérivées en version coupé n’étaient pas aussi rare qu’aujourd’hui, et pour accompagner la remplaçante de la Thema, la Kappa, Lancia n’hésitait pas à lui offrir une telle carrosserie.
La démarché n’était pas unique, et au même moment, Peugeot était arrivé à la même conclusion : le marché était mûr pour le retour des coupés 4 places un peu bourgeois. Au Mondial de Paris 1996, la fantastique 406 Coupé dessinée par Pininfarina crevait l’écran. Chez Lancia, on resta un peu plus prudent et économe : la Kappa Coupé demeurait beaucoup plus classique. Reprenant la même face avant que la berline, elle s’offrait une ligne 3 volume là où la 406 Coupé s’offrait une ligne beaucoup plus racée ! Elle fut présentée au Salon de Turin 1996, deux ans après la berline.
Lancia voulait jouer une partition différente : puisque le sport était définitivement l’apanage d’Alfa Romeo au sein du groupe Fiat (condamnant par là même la Lancia Delta HF Intégrale), il fallait se contenter du luxe à l’italienne. Toute en discrétion, la Kappa devait donc convaincre par ses moteurs brillants (notamment ses 5 cylindres ou son V6 Busso) et par son intérieur délicieusement douillet plutôt que par son style passe-partout. Pourtant Bertone avait présenté un an avant, en 1995, un concept appelé Kayak beaucoup plus séduisant !
Pour séduire la haute bourgeoisie italienne (essentiellement), le coupé semblait être un passage obligé. Les usines de Pininfarina étant largement occupées par la 406 Coupé d’une part, mais aussi par la version SW de la Kappa, on fit appel à un autre « producteur » de petite série, Maggiora. Cette « carrozzeria » réputée construirait donc à la commande le nouveau coupé Lancia. Juste retour des choses : n’était-ce pas elle qui produisait les dernières Lancia Delta Integrale (on lui refusa même le droit d’en produire une dernière évolution) ? N’était-ce pas elle aussi qui avait « débarrassé » Lancia de son usine de Chivasso, au nord-est de Turin, en 1992 ? En récompense, et pour services rendus, Maggiora récupéra la production, à Chivasso justement, de la Fiat Barchetta et donc de la Kappa Coupé.
L’extrême prudence du Groupe Fiat fut sans doute fatale à la Kappa Coupé. Sa ligne trop proche de la berline, sans apporter ce supplément d’âme qu’on attend d’un coupé, son dessin déséquilibré pour des questions d’économie (reprendre un maximum de pièces de la berline), sa production semi-artisanale limitant mécaniquement les volumes, et renchérissant son coût de revient : autant d’éléments qui expliquent l’insuccès du modèle. Malgré un marché italien encore friand des Lancia, la Kappa peinait à l’export, et même sur le marché transalpin, le coupé ne fit pas des merveilles : au total, seuls 3263 exemplaires trouvèrent preneurs, entre avril 1997 et mars 2000.
L’opération ne fut pas couronnée de succès à l’époque, mais c’est ce qui fait la saveur de la Lancia Kappa Coupé aujourd’hui. Sa rareté en fait un collector, et sa qualité de fabrication restait remarquable, tout comme son atmosphère intérieur. Avec le temps, sa ligne a gagné en saveur et en évocation nostalgique. Surtout, elle possède des moteurs comme on en fait plus. Pas la peine de présenter à nouveau le très plaisant V6 Busso 24 soupapes de 3 litres et 204 chevaux, mais la Kappa disposait aussi du 5 cylindres 2.4 20 soupapes de 175 ch (puis en version turbo 225 ch et 2 litres de cylindrée), ou du 4 cylindres 2 litres 16 soupapes Turbo de 205 ! Enfin, contrairement à la 406 Coupé, pas de trace de diesels sous le capot ! Aujourd’hui, la cote tourne autour de 5000 et 6000 euros (2018) pour des exemplaires équipés du V6 ou du 5 cylindres : avis aux amateurs !