Oui je sais, vous en avez rêvé, tout comme moi, de cette « petite » Lambo ! Plus moderne qu’une Countach qui commençait à accuser le poids des ans et finissait par ressembler à du tuning à force d’ajout de carrosserie, elle avait en outre le mérite d’offrir un V10, chose peu courante en cette fin des années 90. Avec la Diablo qui s’annonçait, la présentation en 1989 de cette P140 laissait croire au retour de Lamborghini, rachetée en 1987 par Chrysler pour 25 millions de dollars !
Avec un grand constructeur aux commandes, et un investissement de 25 autres millions de dollars, l’avenir semblait radieux. Pourtant, la P140 finira aux oubliettes. Lorsque Chrysler rachetait Lamborghini, la Diablo, qui devait remplacer la Countach, était déjà bien avancée comparativement au projet P140 (lire aussi : Lamborghini Diablo). La priorité fut donc donnée à la « grande Lambo », au détriment de la petite. Erreur stratégique sans doute, car la marque au taureau ne disposait plus de modèles accessibles depuis l’arrêt de la Jalpa. Pourtant, la P140 ne manquait pas d’arguments, avec une certaine légèreté (1286 kg), un look agressif signé Gandini et un V10 de 4 litres et 372 ch ! Quand on connaît, a posteriori, le succès de la Gallardo, on ne peut s’empêcher de penser : « mais que serait-il arrivé si la P140 était sortie?).
Chrysler mise donc tout sur la Diablo, et sur les synergies possibles (la Viper par exemple), oubliant de miser sur la P140 pourtant adaptée au marché et aux besoins en volume de Lamborghini. La P140 avait sans doute le défaut d’avoir été dessinée par Gandini, qui s’était fâché avec l’état major de Chrysler après le refus de son premier dessin de la Diablo (et qu’il refourguera à Cizeta, lire aussi : Cizetta Moroder V16T). D’ailleurs dans le dessin de la P140, on peut voir tout le « style » Gandini de l’époque, et certaines similitudes avec la Cizeta (normal) mais aussi avec le premier « prototype » de Bugatti EB110 (lire aussi : Bugatti EB110). La Diablo sortira en 1990, se vendra à plus de 600 exemplaires dès la première année, pour chuter aussitôt à moins de 300 ! Chrysler, beaucoup moins enthousiaste qu’au début, préférera arrêter les frais et revendre en 1994 sa coûteuse filiale italienne à Megatech, une curieuse société indonésienne détenue par le fils du président Suharto, pour 40 millions de dollars (au même moment, Megatech investira aussi dans la firme américaine Vector, lire aussi : Vector).
La Lamborghini Cala reprenait les principes de la P140 en 1995, avec son V10 !Entre temps, la P140 a disparu du radar. De toute façon, Megatech n’aurait sans doute pas eu les moyens de lancer un tel modèle, s’acharnant surtout à rendre rentable la Diablo. Pourtant, Italdesign ne l’avait pas oubliée, et tenta de faire du pieds à Lamborghini en présentant en 1995 la Cala, sorte d’évolution moderne au design plus rondouillard dans l’air du temps, basée sur les principes de la P140 et notamment dotée du V10 porté à 400 ch. Sans succès. Lamborghini sera revendue en 1998 à Audi, qui n’hésitera pas à lancer la Gallardo, qui deviendra le best-seller de la marque italienne. Comme quoi ! La P140, elle, est toujours au musée Lamborghini !