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Kia Stinger: ambition et prudence pour une montée en gamme

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 20/01/2017

Aller à la présentation d’une nouvelle voiture, c’est toujours enthousiasmant, même si la voiture en question a déjà fait son apparition quelques jours plus tôt de l’autre côté de l’Amérique. Faire partie des premiers à la voir créé toujours un petit lien affectif, surtout quand elle est plutôt réussie (à première vue), et qu’elle inaugure des choses intéressantes chez un constructeur qu’on a pas l’habitude de voir sur ce terrain là. C’est donc à Milan que je suis allé découvrir la Kia Stinger, un coupé 4 portes plus qu’une berline qui compte bien positionner la marque coréenne un cran au dessus de son image actuelle.

Ecouter ses confrère est toujours intéressant : beaucoup s’étonne de cette montée en gamme de Kia, comme si c’était une nouveauté. Voilà pourtant longtemps que, sur d’autres marchés (et parfois le nôtre), Kia offre des berlines d’un certain standing… C’est parfois surprenant d’ailleurs, comme à la fin des années 70 où la Peugeot 604 était fabriquée sur ses chaînes en CKD pour le marché coréen (lire aussi : Kia 604)… Ou bien quand Kia présentait l’Opirus en 2003, avec cette étrange calandre et son allure un peu pataude. Parfois, c’est plus réussi, comme les dernières K9 (ou K900 pour le marché américain), grandes berlines « à la Lexus ».

La K9 (ou K900 aux USA) installait déjà Kia sur le marché du premium

La nouveauté de cette Stinger, c’est surtout son look résolument sportif, du au centre de design européen de Kia et au français Grégory Guillaume (qui présentait justement la Stinger à Milan pour en expliquer les lignes). N’étant pas (encore) légitime sur ce créneau de la grande berline sportive, Kia s’est contenté de jouer une recette connue : assimiler ce qui existe déjà pour en ressortir une voiture séduisante mais pas révolutionnaire, à l’instar d’Audi dans les années 80 (et notamment la V8, lire aussi : Audi V8), une stratégie prudente mais intelligente, histoire de se donner le temps « d’éduquer » la clientèle. Alors oui, il y a du Audi, du Jaguar, du Mercedes, parfois même du Holden sur certains détails (lire aussi : Holden), mais il faut reconnaître que l’ensemble fonctionne bien. Le concept GT de 2011, qui l’inspire, était plus osé, mais il aurait du nous mettre la puce à l’oreille.

La Kia GT Concept de 2011 préfigurait la Stinger de façon plus originale

L’autre nouveauté, c’est que le ramage est en adéquation avec le plumage : sous le capot, la plus forte motorisation, un V6 Biturbo de 3.3 litres offre tranquillou ses 370 ch, disponibles en transmission intégrale mais aussi en propulsion. Comme Alfa (avec sa Giulia, lire aussi : Alfa Romeo Giulia), Kia a bien compris que pour au moins survivre – à défaut d’exister – sur ce marché là, il fallait offrir un vrai tempérament sportif. Or aujourd’hui, c’est le grand renouveau de la propulsion, censée distiller plus de plaisir. Au côté de cette version haut de gamme, on trouve aussi un 4 cylindres Turbo plus modeste, avec 255 ch tout de même. Et puis, même si l’on sent que le marché cible est plutôt celui des Etats-Unis (c’est pas un hasard si la Stinger a été présentée à Détroit en avant-première), Kia s’est dit qu’elle pourrait bien séduire des clients européens encore un poil adeptes du diesel. Hop, c’est un tout nouveau 2.2 litres turbo D de 2.2 litres et 200 ch qu’on met sous le capot. Après tout, même si Kia n’a pas encore vraiment d’image à ce niveau de gamme en Europe, la garantie 7 ans et le design valorisant peut lui permettre de convaincre quelques clients adeptes de la différence et de l’originalité.

Malgré quelques difficultés financières dans les années 90 qui l’ont fait passé dans le giron de son compatriote Hyundai, l’ex-Asia Motors devenue Kia a toujours eu de l’ambition. Dans le sport avec la Kia Elan, version coréenne de la Lotus éponyme, vendue à près de 1000 exemplaires entre 1996 et 1999 (lire aussi : Kia Elan), mais aussi dans le véhicule de loisir avec le Sportage, petit SUV astucieux, bien positionné, qui avait su séduire en son temps pas mal de clients dès 1994, à une époque ou d’autres constructeurs venus du Pays du Matin calme en était encore à grimer des Opel Kadett, comme Daewoo (lire aussi : Daewoo Nexia « Le Juste Prix »).

A l’intérieur, les codes sont respectés et le design, classique, de la planche de bord, est valorisant. Comme à l’extérieur, le sérieux a été privilégié à l’audace, même si c’est un peu tristoune. On est pas encore tout à fait au standard des « premiums » allemands ou même anglais ou suédois, mais la Stinger « fait le job » comme on dit. Les fous furieux de la finition ne s’en satisferont pas, les gens normaux trouveront ça tout à fait correct.

Ce qui est sûr, c’est qu’avec la Stinger, Kia montre son ambition, et sa capacité à oser défricher des marchés sans jouer les l’originalité à tout prix, cette fameuse originalité qui a souvent coûté cher à nos constructeurs nationaux (Citroën C6 ou Renault Vel Satis par exemple). En reprenant les fondamentaux (ligne sportive mais classique, moteurs puissants, propulsion), en investissant le marché avec modestie, la Stinger prépare le terrain. Qui aurait cru que Toyota, avec Lexus, irait conquérir une grosse part du gâteau aux USA (lire aussi : Lexus LS400) ? Et quelle image aura Kia dans 10 ans ? La Stinger en tout cas montre le chemin, et les ambitions de Kia qui, ne l’oublions pas, est l’une des deux marques d’un poids lourd de l’automobile !


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