DS 5 : premium de transition
Cela faisait quelques temps qu’on se courrait après, elle et moi. Plusieurs fois j’ai du repoussé notre rencontre, pas parce qu’elle ne me plaisait pas, mais par manque de disponibilité. Et puis finalement, on a pu se rencontrer, enfin… Dans le sous-sol du siège encore commun de Citroën et DS, j’ai pu enfin faire la connaissance de la DS 5 ! Je l’avais déjà vue en photo, aperçue sur des salons, mais ce jour-là, elle s’était faite belle en changeant de calandre, sans doute pour cacher son âge, la coquette ! Mais malgré ses quelques années de trop (la belle était apparue sur les radars en 2011, ce qui, dans le domaine hyper-changeant de l’automobile commence à faire un bail), elle gardait son drôle de profil typique, et ses artifices cosmétiques (comme les « crosses » à l’avant) qui font toute son originalité à défaut de la rendre belle.
Dans un créneau où les canons de beauté sont dictés par les belles allemandes, imposant une certaine discrétion, des robes strictes et tendues, des lignes élancées et des regards consensuels, ma DS 5 a choisi une autre partition : celle de la différence et de l’originalité. Iconoclaste la DS 5 ? Elle n’hésite pas à présenter un cul rebondi là où ses rivales s’étirent de toute leur longueur, à se la jouer métissée, mix étonnant entre une berline, un monospace ou un SUV (sans la garde au sol). Rouler en DS 5 est assurément un acte de résistance, mais aussi un acte de foi.
(photo Toma de Saulieu)En vérité, la DS 5 laisse perplexe, tant elle est paradoxale. Car porter un tel patronyme sur cette gamme de véhicule ramène immédiatement à sa devancière qui donna son nom à la nouvelle marque du groupe PSA, la DS. Ce patronyme est autant un handicap qu’un atout. Le citroenniste pur et dur dira ne rien retrouver stylistiquement de la DS (ou de l’ID, lire aussi : Citroën ID 19) présentée en 1955. Surtout, il râlera haut et fort devant l’absence de toute suspension hydraulique. Il faudra pourtant bien s’y faire : ni Citroën, ni DS n’utiliseront plus désormais la célèbre suspension Hydractive qui équipe encore pour un temps la C5, devenue sans doute trop chère, et pas assez avantageuse par rapport aux nouvelles suspensions mécaniques, dixit Linda Jackson au salon de Francfort en septembre dernier. Loin de faire partie des ayatollahs de l’hydraulique, je dois reconnaître que cette décision me chagrine un peu : voir monter et descendre la voiture m’impressionne toujours, même sur la modeste C5 de ma mère (lire aussi : Citroën C5 Mk1). Et puis je garde en mémoire que la Xantia Activa reste l’une des meilleures berlines au monde, virant à plat et semant tout ce qui roule dès que la route commence à tournicoter , et ce presque 20 ans après sa sortie (lire aussi : Citroën Xantia Activa). Hollande roulant en DS 5 ne pourra jamais, en cas de fusillade, rouler sur 3 roues comme De Gaulle le fit lors de l’attentat du Petit Clamart : autre époque ! Mais ceux qui ont toujours été malade à bord d’une Citroën à cause de ces satanées suspensions remercieront sans doute Linda Jackson (et par extension Carlos Tavares) : tout est une question de point de vue.
(photo Toma de Saulieu)Le vrai point commun entre la DS5 et la DS de 1955 est d’ailleurs son principal défaut (mais aussi celui des autres berlines françaises, Peugeot 508 ou nouvelle Renault Talisman) : l’absence d’un vrai moteur sous le capot. Le modèle que j’essayais disposais du THP 165 qui, comme son nom l’indique, offre 165 canassons… ou plutôt poneys. N’attendez pas de ce modèle un tempérament sportif, à moins peut-être d’opter pour le THP boosté à 210 ch. Et si l’hybrid4 propose 200 ch cumulés (diesel + électrique), on est loin des performances de l’XM V6-24 de même puissance (lire aussi : Citroën XM V6). Bon elle se rattrape côté consommation. De toute façon, il est clair que tout cela est assumé : une DS n’est pas une sportive, point barre ! De toute façon, PSA ne dispose plus dans sa gamme de moteurs modernes de plus de 4 cylindres, il faudra donc faire avec. Les constructeurs français ont rendu les armes sur ce terrain là, laissant le champs libre aux allemandres, anglaises et peut-être italiennes (si l’arlésienne Giulia sort un jour). Avec la DS 5, comptez sur une autre philosophie : une puissance suffisante pour cruiser sur autoroute, pour se mouvoir confortablement sans craindre l’anémie, et pour une conduite apaisée ! La DS 5 joue plutôt sur le tableau de « l’expérience de conduite » comme on dit de nos jours.
Photo: Pierre-Cyril DonatiC’est sans doute ce qui surprend le plus avec la DS 5 : son cockpit qui demande un certain temps d’accoutumance. Si la DS 5 ne manque pas d’espace (même si on a connu plus grand aux places arrières à ce niveau de gamme), elle procure paradoxalement un sentiment de confinement, déconcertant au début, et finalement agréable après quelques heures de conduite. On se croirait à bord d’un avion, avec des commandes jusqu’au niveau du toit, et la visibilité est parfois réduite (on finit par s’y habituer et par ne plus voir ces doubles montants de pare-brise un peu épais, ce rétroviseur massif ou cette vitre arrière aussi large qu’une meurtrière) mais cela devient de plus en plus agréable au fil des kilomètres.
L’intérieur très confiné de la DS 5 (photo Toma de Saulieu)Côté équipement intérieur, rien ne manque dans cette version So Chic. Son toit en trois partie donne l’impression d’un T-Roof (non amovible malheureusement) comme sur la SM Espace réalisée par Heuliez en son temps (lire aussi : Citroën SM Espace), et sa sellerie cuir type « bracelet » fait clairement référence à la SM (lire aussi : Citroën SM), mais aussi à la CX qui disposa elle aussi de siège du même genre (lire aussi : Citroën CX). On sent que la marque DS s’approprie tout ce qui a pu s’apparenter à du haut de gamme chez Citroën. Sur le site internet, la SM est d’ailleurs présente comme référence passée aux côtés de la DS.
Le cuir bracelet, un vrai plus pour la DS 5, évocateur du passé ! (photo Toma de Saulieu)L’inspiration vient directement de la SM…
… mais aussi de la CX !
On arrive d’ailleurs au cœur du problème. Si utiliser le nom DS comme marque relevait d’une bonne idée, c’est aussi un lourd héritage qui met la marque directement sous le regard accusateur des gardiens du temps citroenistes, les pires ennemis de la DS 5 (et des autres DS) finalement, car les plus prompts à renier toute filiation avec les anciens modèles chéris. Certains attendaient une DS néo-rétro, et furent inévitablement déçus, d’autres espéraient une révolution technique et ne purent que constater le côté conventionnel de la DS 5. En fait, DS ne s’adresse pas aux passionnés des chevrons, aux amateurs de la mythique berline ou aux nostalgiques de la fantastique SM, mais à tous les autres, ceux pour qui ces deux lettres parlent et résonnent comme une madeleine de Proust sans pour autant être des spécialistes ou des fidèles adorateurs.
La nouvelle calandre DS, sans chevron, va plutôt pas mal à la DS 5 (photo: Toma de Saulieu)D’ailleurs, si la DS 5 n’est pas le succès commercial de ce début de siècle (la marque DS est avant tout portée par le succès de sa DS 3 qui boxe dans une toute autre catégorie), elle n’a pas à rougir de ses scores. Avec 80 000 exemplaires vendus jusqu’à présent, c’est toujours beaucoup mieux que les 25 000 exemplaires de la regrettée Citroën C6 (lire aussi : Citroën C6) ou que les 62 000 exemplaires de la Renault Vel Satis (lire aussi : Renault Vel Satis). Afin de gagner quelques parts de marché, la DS 5 se dédouble en Chine avec une DS 5LS à coffre, une variante qui perd toute son originalité afin de séduire une clientèle chinoise très conservatrice et rebutée par l’aspect 2 volumes).
La DS 5LS, version tricorps destinée à la Chine Metropolis, la vision du super premium selon DS !La DS 5 est en fait un modèle de transition, étape obligée pour marquer son territoire dans ce segment (tout comme le DS 6WR est indispensable pour ancrer DS sur le marché des SUV), sans pour autant s’imposer comme la référence du marché. Mais Rome ne s’est pas faite en un jour. Les concepts Numéro 9 et Métropolis laissent entrevoir d’autres possibilités à terme, puis en rapport avec les ambitions de la nouvelle marque premium de PSA. N’oublions pas d’ailleurs que le groupe sort à peine de sa mauvaise passe financière, et qu’il y va piano dans les investissements. Jusqu’à présent, Peugeot avait été privilégié dans le renouvellement de sa gamme. Nul doute que le tour de DS viendra et que forte de ses erreurs et de ses qualités, la marque proposera enfin des nouveaux produits plus susceptibles encore d’aller tailler des croupières aux allemandes références. Pour l’instant, elle ne fait que de la figuration, touchant une cible cherchant l’originalité et le décalage (et peut-être un peu chauvine) plus que la performance et le luxe.
Wait and see !