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Dacia 1300 / 1310 : la Renault 12 des Carpates

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 15/05/2018

Dacia est aujourd’hui une puissante filiale du Groupe Renault, lui-même membre de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, revendiquant la première place mondiale. Reine du low-cost automobile, elle contribue au succès du groupe français grâce à ses Logan, Sandero ou Duster qui se vendent aussi bien en Europe de l’Ouest que dans leur Roumanie natale. Mais jusqu’au rachat par Renault en 1999, Dacia n’était qu’un petit constructeur dépassé techniquement, dont l’unique produit (ou presque), datait de 1969 : la Dacia 1300 et ses dérivés.

La Berline 1300 fut lancée en 1969, tandis que le break la rejoignit en 1973

Décembre 1989, Bucarest

L’Histoire tient parfois à peu de choses. Alors que le Conducator, Nicolae Ceaucescu, s’était fait brillamment réélire président de la Roumanie le 26 novembre, il ne fallu que 20 jours au peuple pour se révolter. L’arrestation et l’expulsion par la terrible Securitate d’un pasteur protestant faisant partie de la minorité hongroise provoquait une manifestation sans précédent à Timisoara, déclenchant une révolution qui durera jusqu’au 25 décembre, date de l’arrestation puis de l’exécution du couple présidentiel, Ceaucescu et sa femme Elena. En cette période troublée (le mur de Berlin était tombé le 9 novembre), chacun suivait devant sa télévision l’effondrement d’un monde bipolaire qu’on croyait immuable. C’est à cette période que je découvrais Dacia.

La chaîne de montage à Pitesti dans les années 70 (en haut) et 80 (en bas)

Passionné par l’histoire, la politique internationale et par l’automobile, je ne manquais aucun reportage sur la situation roumaine, découvrant un Bucarest défiguré par la mégalomanie du dictateur, les gueules noires des mineurs, les drapeaux tricolores troués et de drôle de Renault 12 qui n’en était pas vraiment.

Août 1969, Pitesti

Après avoir lancé un appel d’offre dès 1966 pour la production d’une voiture en Roumanie, les autorités roumaines, emmenées par leur nouveau chef Nicolae Ceaucescu choisissaient, au détriment de Peugeot (qui proposait sa 204), Alfa Romeo (et sa 1300), Fiat (et sa 1100 D), ou Austin Morris (et sa Mini), de s’allier au français Renault qui présentait l’avantage d’être une société française (la France venait de sortir du commandement intégré de l’Otan en 1965 et représentait alors une sorte de 3ème voie entre USA et URSS), nationalisée de surcroît (garantissant une certaine stabilité), et d’offrir à la Roumanie une voiture moderne. En effet, dès cette époque, il fut convenu que la future société UAP (Usine automobile de Pitesti) produirait la Renault 12, un modèle totalement nouveau encore en cours de développement dans les bureaux d’étude de la Régie.

L’usine de Pitesti fut construite en un temps record. Dès 1968, l’usine était opérationnelle alors que la Renault 12 n’était prévue que l’année suivante. En attendant la venue de la nouvelle voiture, Renault proposa alors de fournir en CKD un modèle transitoire, la R8. Ainsi, le premier modèle à porter la marque Dacia (du nom de la province romaine correspondant à l’actuelle Roumanie) fut la 1100, dérivée de la Renault 8 française.

La 1310 se distingue de la 1300 par ses doubles phares ronds

Le 20 août 1969, les premières 1300 remplaçaient enfin les 1100 sur la chaîne de montage de Pitesti, tandis que la voiture était présentée à la foire internationale de Bucarest qui avait lieu presque simultanément au Salon de Paris où était présentée la Renault 12. La Dacia 1300 disposait du moteur C de chez Renault (surnommé Cléon-Fonte) d’une cylindrée de 1 289 cm3 (qui donne son nom à la Dacia) et offrant 54 chevaux. Entre la 1300 et sa sœur française 12, seuls quelques détails différaient, essentiellement les logos ! La Roumanie entrait dans l’ère moderne de l’automobile grâce à Renault !

La 1304 pick-up (en haut) et plateau (en bas)

En 1970, Dacia développait un peu sa gamme 1300 avec le lancement de 1300 Super mieux équipée que la 1300 Standard, puis de la 1301 encore plus luxueuse, réservée aux fidèles du régime et calquée sur la Renault 12 TS. En 1973, Dacia se décidait enfin à présenter la version break de la 1300. Mais c’est en 1975 que la marque roumaine commença à se distinguer de la gamme française en lançant une version pick up de la 1300, appelée 1302. A partir de 1976, la Dacia D6 venait renforcer la gamme « utilitaire » sans grand succès (c’était en fait une Estafette).

Les 1310 et 1410 Sport, étonnante proposition à deux portes

En 1978, le contrat de licence signé avec Renault expirant, UAP Dacia décida de rompre sa dépendance avec la France. La 1300 atteignant était désormais entièrement fabriquée en Roumanie, y compris les moteurs. Plus besoin de l’aide technique de Renault. En 1979, après dix ans de carrière, la marque Roumaine renouvelait son best-seller en lui offrant un gros lifting (des doubles phares ronds à l’avant, du plastique noir un peu partout, des feux arrières rectangulaires) et un nouveau nom : 1310 ! Cette même année, Dacia décidait de conquérir le monde et de rapporter des devises dans les Carpates : après une timide tentative en Belgique, ce fut au tour de l’Angleterre, qui obtiendra sa version appelée Denem en 1982 (lire aussi : ), et même du Canada, pour enfin être aussi vendue en Israël sous le curieux nom de Delta 1310.

En 1981, deux nouveautés apparaissaient dans la gamme Dacia : outre la « grosse » Dacia 2000 (en fait une Renault 20 produite en petite quantité en CKD sous licence Renault), une version coupé de la 1310 apportait à la gamme un semblant de glamour sous le nom pimpant de 1410 Sport (et doté d’un 1.4 de 65 chevaux). En 1983, le Pick Up 1302 se modernisait lui aussi, devenant 1304, avec deux versions disponible : l’une « classique », l’autre disposant d’un plateau ! Enfin, exactement la même années, la 1310 s’offrait un premier lifting et 3 moteurs de 1.2 (48 chevaux), 1.3 (54 chevaux) et 1.4 (63 chevaux) et donc trois nouveaux noms 1210, 1310 et 1410 !

La 1310 sera utilisée à toutes les sauces : taxi, voitures de polices etc.

Etrangeté de la production roumaine, la 1310 fut aussi commercialisée sous la marque Aro. Dénommée alors Familia (et disponible en deux versions S et MLS), elle pouvait aussi recevoir une transmission intégrale signée du fameux constructeur de 4×4 (lire aussi : Aro 4×4) : si vous devez chercher un collector ce sera sans doute celui-là ! En 1987, Dacia décidait de décliner encore une fois le thème initié par la Renault 12 en 1969, avec un étonnante version 1320 à hayon et donc 5 portes. Mais cette voiture restera relativement confidentielle et cessera d’être produite en 1991. En 1988, la marque tenta d’offrir une petite sœur à la 1310, appelée Lastun : las, elle ne réussira jamais à s’imposer et comme la 1320, cessera d’être produite en 1991.

Une 1310 destinée au Canada (en haut) et la version Aro Familia (en bas)

Après la chute de Ceaucescu, Dacia doit s’adapter à la nouvelle économie de marché. Ainsi en 1990 fut présenté le 3ème restylage de la 1310, destiné à moderniser la ligne de l’antique voiture (qui rappelons le, venait de fêter ses 20 ans de carrière). L’essentiel du travail fut effectué sur les phares et la calandres désormais un peu « pincée ». En 1992, la gamme « Pick Up » évoluait fortement, avec, en sus de la 1304 « simple cabine » et « DropSide » (plateau), le lancement de la 1307 « Double cabine » et de sa cousine 1309 (double cabine dérivé du break). En 1995, la Nova venait en renfort pour offrir un semblant de gamme (lire aussi : Dacia Nova, SuperNova et Solenza). Le diesel apparaissait aussi dans la gamme avec un 1.9D bien connu chez Renault (lire aussi : Clio 1.9D).

La 1310 dans sa phase III en break (en haut) et berline (en bas)

Enfin, en 1999 fut offert à l’ensemble de la gamme un nouveau lifting (le 3ème depuis 1969) tentant maladroitement de moderniser une fois de plus la ligne antédiluvienne. Cette même année, Dacia s’offrait un nouvel actionnaire, le français Renault, bien décidé à faire de la marque roumaine son fer de lance dans le low-cost. En attendant le lancement du premier produit « moderne », la Logan, Renault se retrouvait à faire survivre un modèle qu’il avait arrêté de produire depuis belle lurette. Le restylage permit aux berlines et breaks 1310 de durer jusqu’en 2004 (année de la sortie de la Logan). Les pick-up 1304 et 1307 eurent, quand à eux, droit à un sursis jusqu’en 2006, et furent donc les derniers représentant du passé de Dacia. Depuis 1999, pour répondre aux différents besoins des professionnels roumains, ils étaient d’ailleurs proposés en version traction, propulsion, ou 4×4.

La 1304 simple cabine (et diesel comme l’indique son capot bossue) et la 1307 Double cabine (version 4×4 en bas) dans leurs dernières déclinaisons

Au total, 1.959.730 exemplaires de la 1300 et de ses descendantes furent produits en Roumanie, et pendant près de 37 ans, enterrant la Renault-Oyak 12 Toros, sa cousine turque, arrêtée, elle, en 1999. Aujourd’hui, si la majorité des roumains préfèrent les Dacia modernes, ou les marques étrangères importées, la 1300 et consorts est devenue une voiture mythique pour certains jeunes roumains qui n’hésitent pas à les « tuner » et à les rabaisser pour un résultat parfois réussi. Et pour les collectionneurs un peu barrés, il pourrait être amusant de s’offrir une 1410 Sport, une Aro Familia 4×4, voire une 1307 Double Cab. Autant de choix exotiques pour briller sur nos routes !

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