Citroën DS : une sacrée ID devenue "mythologique" !
Je l’avoue, voilà 3 ans que je recule devant l’obstacle. La DS est un mythe (c’est pas moi qui le dit, c’est Roland Barthes) auquel on ne s’attaque pas aussi facilement. J’avais feinté en parlant de l’ID, moins connue et souvent confondue avec sa sœur (lire aussi : Citroën ID) mais il fallait bien qu’un jour je m’y colle. Ce jour est arrivé et j’en suis tout tremblant, car des ayatollahs il y a, surtout sur l’internet !
Petit rappel tout de même. Si aujourd’hui la déesse est adulée, je me souviens des années 80, où le garagiste filait 100 balles (des francs, pas des euros) pour qu’on le débarrasse de ces voitures invendables. « Voiture de Gitans » disait-on à l’époque, comme on peut le voir dans l’excellent film « Les Démons de Jésus ». Voilà ce qu’était la DS dans les années 80, après avoir été la star des années 50, 60 et même 70. A l’époque, on pouvait s’offrir des Chapron à vil prix (lire aussi: Citroën DS Chapron Lorraine), des cab’ usine pour le prix d’une Majorette (lire aussi: Citroën DS Cabriolet Usine), des DS19 pour trois francs six sous, des breaks gigantesques en faisant du bénef’ avant même la revente. Aujourd’hui tout coûte cher : le temps est passé par là, la nostalgie aussi, et surtout chacun finit par se souvenir de l’avant-gardisme de la DS, de sa place dans l’histoire automobile. Il était temps !
Parler de la DS, c’est en fait parler de l’automobile : les connaisseurs savent depuis longtemps à quoi ils ont à faire, les amateurs font monter les prix à rebours, parce que tout à coup ils s’en souviennent, de cette DS qui leur à fouter la gerbe à chaque bosse ou chaque virage. Le pognon et la situation aidant, ils veulent à nouveau payer leur nausée à prix fort. Cela dit, je ne suis pas contre la hausse des prix : cela oblige à suivre derrière, id est assurer la rénovation, l’entretien hors de prix, et finalement la préservation de l’espèce, même si cela met certaines DS hors de portée du commun des mortels. Ils se rattraperont toujours sur une ID, et au pire sur une GS (et pourquoi pas birotor, lire aussi : GS Birotor) ou une CX (lire aussi : Citroën CX).
Présentée en 1955, la DS est une révolution. Révolution de style, signé Flaminio Bertoni, révolution technique (l’hydraulique à tous les étages, déjà testée sur la 15-6 H, lire aussi : Citroën 15/6H mais aussi le volant monobranche, la boîte de vitesse etc), révolution tout court dans une France qui se reconstruit et qui a besoin de symboles. Une DS ne ressemble à rien d’autre qu’une DS. Elle peuplera dès lors les nationales, les palais républicains, et les films populaires (Fantomas en particulier, mais tous les films de Louis de Funès, la star de l’époque, en général). Une voiture tellement en avance sur son temps qu’elle figurera dans les années 80 dans « Retour vers le Futur » en Taxi volant : il est vrai que son profil s’y prêtait bien !
Vous l’aurez compris, je ne vous parlerai pas vraiment de technique, mais de la DS au sens large. On aura beau se moquer d’une voiture « sans moteur », elle permettait de survoler la route, voire même de sauver le Général sur trois roues ! Elle offrait une autre vision de l’automobile, finalement très gaulliste en avance (ou en retard) : imaginez la sensation que sa présentation a pu faire en 1955, alors que la plupart des marques expérimentaient tout juste le style « ponton ». Quelle révolution pour une voiture haut de gamme qu’un style de coupé avec les roues aux quatre coins ? Il fallait être Citroën pour faire rouler les pontes de la République dans un engin aussi différent.
Pendant presque 20 ans, la France entière, et parfois l’étranger, va vouloir rouler en DS pour montrer sa réussite, son patriotisme, ou parfois (à l’étranger surtout) sa différence. Voilà la seule preuve de masse que l’avant-garde et la bourgeoisie pouvaient faire bon ménage. Durant les années 60, aucune voiture de même standing ne lui fera de l’ombre. Certes il faudra parfois lui créer des dérivés plus accessibles (ID puis Dsuper), tant elle déroutait à tout point de vue, mais avouons le, peu de bagnoles auront marqué leur époque et leur pays comme la DS.
Revenons à Roland Barthes et à « Mythologies » : il n’aura pas fallu deux ans entre la présentation de la DS (1955) et la parution du recueil au Seuil en 1957 pour que l’ami philosophe et sémiologue ne s’en empare pour en faire un symbole de la société de consommation et des 30 glorieuses. Cette DS portait bien son nom, malgré un jeu de mot tout de même meilleur que celui qui nomma sa sœur ID. Adorée dans les années 50 et 60, devenue ringarde au milieu des années 80, et adulée dans les années 2010, la DS aura tout connu, jusqu’à ce qu’elle atteigne le Nirvana : un modèle en bon état s’arrache chez Artcurial, Bonhams ou autres !
La DS, c’était une sacrée ID !