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Citroën 2CV 007 : "Rien que pour vos yeux"

Par CARJAGER - 18/07/2017

Si on le vit au volant d’une Volvo P1800 dans la série Le Saint (lire aussi : Volvo P1800) ou d’une Aston-Martin DBS dans Amicalement vôtre, c’est surtout dans la saga James Bond que l’acteur Roger Moore, disparu fin mai, aura l’occasion de conduire les montures les plus hétéroclites, Lotus Esprit notamment (lire aussi : Lotus Esprit, star de cinéma) mais aussi… Citroën 2CV !!!

Alors, comment le plus british des agents secrets se retrouva au volant de la plus franchouillarde des autos ? Pour cela, il faut remonter le temps jusqu’à la fin des 70’S : on boucle alors le montage financier du prochain opus de la saga, For your eyes only, ou Rien que pour vos yeux dans la langue de Molière. Pour l’anecdote, ce film devait à l’origine faire directement suite à L’espion qui m’aimait sorti en 1977, mais il fut remplacé par Moonraker, l’effet StarWars étant passé par là… mais passons…Pour ce nouveau film, deux vedettes à quatre roues doivent initialement se partager la vedette ; une Lotus Esprit Turbo (déjà vu en auto sous-marine dans L’espion qui m’aimait) et un autre modèle à définir, dans le cadre d’une course-poursuite des plus épique.

Pour la première fois, c’est le français Rémy Julienne, l’un des meilleurs sinon le meilleur dans son domaine, qui est choisi par la prod’ pour superviser les cascades matérielles. A partir de là, deux versions s’opposent : d’après Julienne lui-même, la scène n’était pas écrite et la production lui a laissé carte blanche pour cette course-poursuite… De là il aurait proposé d’utiliser la 2CV… La deux-pattes n’est pas une inconnue pour lui : les cabrioles de Sœur Clotilde dans la série des Gendarmes, c’est lui !!!

La seconde version est celle-ci : L’une des principales qualités de Rémy par rapport à ces collègues, notamment américains, c’est qu’il sait dire non, ce qui apparemment fût le cas pour ce film… Alors il fait savoir que s’il est possible d’utiliser la Mini Cooper rouge initialement prévu au scénario pour les poursuites, la petite anglaise réagit assez mal aux réceptions de sauts.

En effet, plus de 10 ans plus tôt, Rémy travailla sur un film britannique tourné en Italie, The Italian Job ou L’or se barre en VF, mettant en scène trois Mini servant pour un hold-up en plein centre de Turin. Si le film fit sensation auprès du public, ce fût moins le cas auprès des assureurs : parmi l’équipe de cascadeurs, quatre furent blessés dont un restera handicapé à vie… Et pour trois voitures à l’écran, huit seront détruites malgré leurs préparations.

Ne voulant pas prendre de risques, les producteurs abandonnèrent leur idée première et demandèrent à Rémy une suggestion pour remplacer la Mini… Et de là il aurait proposé d’utiliser la 2CV… Bref, quel que soit la véritable histoire, c’est à la mi-septembre 1980 que le tournage du film débute sur l’île de Corfou en Grèce justement par cette scène de course-poursuite (censée avoir lieu en Espagne).

C’est donc une 2CV6 Club de teinte Jaune Mimosa (AC333) qui sera poursuivi par deux Peugeot 504 noires, bien qu’à l’origine, le scénario mentionnait des BMW Série 7… remplacées par les Peugeot pour rendre (soi-disant) la scène plus « crédible ». Pour cela, ce sont trois 2CV très spéciales qui furent préparées, non pas par Rémy Julienne et son équipe, mais dans l’atelier du britannique Ken Shepard lui aussi cascadeur de son état. Profitons-en pour tordre le cou à certaines légendes : point de pièces d’Ami Super, le châssis d’origine est seulement renforcé en conséquence et un arceau-cage est installé à l’intérieur.

Sous le capot, effectivement y’a du changement : si la boîte reste celle de la 2CV, le classique bicylindre cède sa place à un flat-four de 1015cm3 développant 55,5ch repris de la GS… Il faudra en tout 12 jours pour mettre en scène cette course-poursuite dont malheureusement le montage final fut quelque peu bâclé.

C’est plus d’un an plus tard que le film sort en salles en France et pour marquer le coup, Citroën ose et présente place Vendôme en présence de Roger Moore une nouvelle série limitée : la 2CV 007 !!! La 2CV 007 sera donc produite à 500 exemplaires pour le seul marché français. On parla pendant longtemps de 500 autres à conduite à droite destinées au marché britannique mais cela tient de la rumeur.

Tant qu’on est dans la rumeur, continuons sur cette voie : la teinte jaune utilisée sur la 007 n’est pas la même que celle du film, le jaune Mimosa étant supprimé du nuancier depuis un an, c’est le jaune Hélios (AC336, utilisée plus tard sur la Charleston) qui le remplace, et les clients n’y verront que du feu.

Pareil pour les autocollants imitant les impacts de balles : on pense que seuls les autocollants « 007 » étaient collées à l’usine et que les impacts pouvaient être collées par l’acheteur comme bon lui semble. Ils étaient collés eux aussi à l’usine, il suffit de comparer les différentes voitures présentes lors de la présentation place Vendôme pour s’en convaincre. Ces autocollants étaient toutefois disponibles dans la boutique Accessoires du constructeur permettant à n’importe quel propriétaire de 2CV de s’amuser sur sa voiture.

La finition utilisée pour cette série limitée n’est pas celle de la Club (comme celle du film, mais c’est déjà une erreur…) mais étrangement celle de la Spécial : pare-chocs arrière fin, capote à ouverture extérieure gris anthracite, volant deux branches, petit compteur de vitesse, banquettes en targa noir, etc… Seuls les phares rectangulaires sont repris de la Club.

Mécaniquement, elles n’auront malheureusement pas le droit au moteur de GS (snif…) mais le classique flat-twin de 602cm3 accolé à une boîte à frein à disques, et non à tambours comme on a longtemps cru car on pensait que la 007 était réalisé à partir d’invendus de l’année-modèle précédente, rumeur toujours…

Après le tournage, une des trois voitures ayant servi au film fût récupérée par Citroën qui l’a (malheureusement) affublé d’autocollants « 007 » mais les impacts de balles sont toutefois bien réels !!! Elle est toujours visible dans la collection de Citroën Héritage.

Les deux autres furent vendues par Ken Shepard à un collectionneur anglais en 1982. Ce dernier se servira de l’une d’entre-elles au quotidien pendant quelques années !!! Quant aux survivantes de la série limitée, seulement une petite dizaine sont recensées de nos jours… c’est peu. Et les bonnes ou mauvaises copies sont nombreuses.

Mais impossible n’étant pas français, l’on doit pouvoir trouver une 007 authentique avec un peu, ou plutôt beaucoup de patience. Et aussi y mettre le prix suivant l’état. Alors, si vous avez quelques euros à dépenser et que la discrétion n’est pas votre fort : cette voiture est faite pour vous !!!

Plusieurs liens vidéo :

1 : La fameuse scène en entier et en VO.

2 : Quelques images du tournage, à environ 3:00.


Texte : Quentin Roux

Photos: DR, Citroën, (c) United Artists/courtesy Everett Collection

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