SPORTS CARS
BUGATTI
ITALIENNE

Bugatti EB110 "Le Mans" : la tentation de la compétition

Par - 13/12/2018

Certains se passionnent pour la Bugatti Veyron ou la Chiron mais d’autres (dont je fais partie) préfèrent la précédente renaissance de la marque, pendant sa période italienne à Campogalliano et la fabuleuse EB110. Les années 90 furent des années “supercars” avec le lancement d’une multitude de voitures plus performantes les unes que les autres, de la Jaguar XJ220 à la McLaren F1, en passant par la Venturi 400 GT et ses dérivés. Toutes tentèrent de briller en compétition, particulièrement aux 24 heures du Mans. L’EB110 elle-aussi eut droit de se frotter aux meilleures dans l’épreuve mancelle, à l’initiative de quelques passionnés.

Après la victoire écrasante des Peugeot 905 aux 24 heures du Mans de 1993 (qui confirmait un succès probant en 1992), la catégorie LMP1 semblait un peu passée de mode, sans aucun constructeur désireux de s’investir. Heureusement pour l’épreuve mancelle, les GT connaissaient un succès commercial sans précédent et leurs propriétaires étaient de plus en plus tentés de devenir des Gentleman drivers. Certains, comme Patrick Peter, Stéphane Ratel et Jürgen Barth avaient senti le filon en créant le Gentleman Trophy pour Venturi ou le championnat BPR.

L’édition 1994 des 24 heures du Mans s’annonçait donc sous le signe du Grand Tourisme, ce que n’avaient pas manqué de remarquer de vieux briscards du sport automobile, Michel Hommell (patron du groupe de presse éponyme) et son associé Olivier Quesnel. Alors que de nombreuses marques s’apprêtaient à être représentées par des écuries privées ou officielles (Porsche avec des 911 Carrera SR, Alpine avec une A610, Honda avec la NSX, Mazda avec la RX-7, Venturi avec plusieurs 400 GT-R ou 600 LM, Lotus avec l’Esprit S300 et même Dodge avec sa Viper RT/10), les compères remarquèrent que personne n’avait songé engager une Bugatti EB110, pas même la marque elle-même.

Par l’intermédiaire de José Rosinski (célèbre journaliste automobile) et British Motors (importateur en France de Bugatti), les deux associés allaient rentrer en contact avec Romano Artioli, le patron du constructeur italien (à ce sujet, lire aussi : “quelle est la nationalité de Bugatti ?”). Devant le sérieux de ses interlocuteurs, Artioli ne put que donner son accord : Michel Hommell n’était-il pas lui-même producteur automobile depuis 1993 et la fameuse Berlinette Echappement ?

Pour réaliser une voiture compétitive respectant le règlement, Hommell et Quesnel allaient pouvoir compter sur les équipes de Bugatti (dont quelques techniciens se déplaceront en France bien que le constructeur ne soit pas officiellement engagé) qui s’occuperont de préparer le moteur, notamment pour le faire “tomber” jusqu’aux 600 chevaux réglementaires (l’EB110 SS délivrait 611 ch de série). De vieux habitués du Mans, Synergie et Méca Système, allaient s’attaquer à la “coursification” de la voiture et particulièrement son allègement (environ 200 kg), la Bugatti EB110 SuperSport étant particulièrement lourde (1 570 kg de série).

Pour la course, la voiture revêtait une teinte bleue France tandis que les sponsors étaient logiquement Auto Hebdo, magazine du groupe Hommell, ou bien le Manoir de l’Automobile de Lohéac, propriété de Michel Hommell qui devait accueillir ensuite l’EB110 après sa course espérée victorieuse. Télé Monte Carlo complétait le trio de sponsors “titres”, tandis que BBS, Michelin, JVC ou la radio NRJ filaient un coup de pouce financier contre une petite présence sur la carrosserie.

Ce qui n’était qu’un pari se transformait vite en ambition lorsqu’aux essais libres, la Bugatti pilotée par Eric Hélary, Alain Cudini ou Jean Christophe Bouillon réalisait le 5ème meilleur temps. Finalement classée 15ème sur la grille, elle réussira à remonter jusqu’à la 6ème place. Malheureusement, elle subira quelques soucis techniques, avant d’abandonner au 230ème tour lors d’une sortie de route dans la ligne droite des Hunaudières. C’en était fini pour l’EB110 n°34, mais elle avait prouvé qu’elle était dans le coup malgré la présence des Dauer 962 qui profitaient d’une faille du règlement pour faire rouler une quasi LMP1 en catégorie GT.

Impressionné par la prestation de l’EB110 de Michel Hommell, un entrepreneur monégasque passionné de sport auto décidait alors de poursuivre l’aventure sportive Bugatti au sein de son écurie Monaco Racing Team, créée en 1994. Lui aussi obtenait l’accord de Romano Artioli, mais sur un programme plus large : quelques courses du championnat IMSA (International Motor Sports Association).

L’année 95 avait démontré que les performances de la Bugatti étaient de premier ordre (sans pour autant lui permettre de s’imposer en IMSA) et toutes les ambitions étaient permises pour les 24 heures du Mans 1996, deux ans après la tentative de Michel Hommell. Le jeune Gildo Pallanca Pastor se rêvait déjà aux avant-postes avec son écurie et recrutait pour cela un vieux de la vieille : Patrick Tambay. Malheureusement, aux essais préliminaires de la célèbre course française, la voiture fut gravement endommagée lors d’une sortie de route sans espoir de réparation à temps pour un départ le samedi.

Entre temps, le 23 septembre 1995, Bugatti avait fait faillite et Gildo, malin, avait racheté un stock de pièces détachées lors de la liquidation de l’usine de Campogalliano : de quoi remonter intégralement la voiture afin de participer à une dernière course, en BPR. Ce fut sa dernière apparition sur la piste puisque cette voiture de course allait connaître un nouveau destin “routier”. Etre l’héritier de l’une des familles les plus influentes et fortunées de Monaco permit à Gildo Pallanca Pastor d’immatriculer la voiture. Celle-ci sera ensuite vendue aux enchères en 2016 par Artcurial à 941 680 euros (frais et taxes compris). Celle de Michel Hommell, quant à elle, est toujours visible au Manoir de l’Automobile, à Lohéac (près de Rennes).

L’une des plus fabuleuses supercars des années 90 n’aura donc connu que deux exemplaires développés pour la compétition mais les quelques apparitions en courses de l’EB110 “Le Mans” auront montré combien la voiture était performante. Si les ennuis financiers de Romano Artioli ne l’avait pas empêché de lancer un véritable programme “compétition”, qui sait si les Bugatti n’auraient pas pu jouer les trouble-fêtes lors du triomphe des McLaren F1 en 1995 ?

Principaux liens de l’article :

Images : DR, Artcurial

CARACTERISTIQUES TECHNIQUES BUGATTI EB110 LE MANS 1994

Motorisation

Moteur V12 60 soupapes
Cylindrée 3 499 cc
Alimentation Electronique + 4 turbos IHI
Puissance 600 ch à 8 250 trs/min
Couple 650 Nm à 4 200 trs/min

Transmission

Roues motrices Transmission intégrale
Boîte de vitesses Mécanique à 6 rapports

Dimensions

Longueur 4 400 mm
Largeur 1 940 mm
Hauteur 1 125 mm
Poids 1 310 kg

Performances

Vitesse maxi 355 km/h
Production totale 1 exemplaire

Tarif

Cote moyenne 2018 (LVA)  nc

Carjager vous recommande

undefined
Bugatti Type 37 : 4 cylindres de compétition
Pour beaucoup, une Bugatti se doit de posséder un 8 cylindres. C’est pourtant oublier les débuts de la marque, la fameuse Type 13 (surnommée Brescia) et son 4 cylindres. Bien entendu, la Type 35 a marqué les esprits, tant par sa ligne que par son moteur, mais sa version Type 37, moins puissante mais plus légère, révèle tout son intérêt pour qui sait la regarder autrement. Avec deux fois moins de cylindres, la Type 37 se distinguera en compétition mais aussi commercialement : il s’agit donc d’une voiture à redécouvrir, loin de l’image d’une « sous 35 » qu’elle véhicule parfois.
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 02/08/2022
Lire la suite
undefined
Dauer EB110 S : la plus rare et la plus performante des Bugatti EB110
La Bugatti EB110 est un véhicule rare. Seuls 139 exemplaires ont été contruits entre 1992 et 1995 (lire aussi : Bugatti EB110). Mais il y a encore plus rare : une Dauer EB110 S. N’allez pas croire qu’il s’agit d’un tuning sur la base de la belle italienne. Au contraire, les Dauer sont assez fidèles au dessin originales malgré quelques différences mineures. Et il s’agit des plus performantes EB110 jamais construites. Voici leur histoire.
Paul Clément-Collin - 29/07/2022
Lire la suite
undefined
Quelle est la nationalité de Bugatti ?
S’il est un débat qui anime aujourd’hui le petit monde de l’automobile, c’est bien la « nationalité » de la marque Bugatti…Allemande pour les uns, italienne pour d’autres, française pour la plupart. Voilà une question épineuse à laquelle je vais essayer de répondre.
CLÉMENT-COLLIN - 28/07/2022
Lire la suite

Vendre avec CarJager ?