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Aston Martin DB6 : en attendant la DBS

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 13/09/2022

Michel Saint Josse s’est fait arnaqué : dans Camping, paru en 2006 sur nos écrans, Gérard Lanvin campe ce chirurgien esthétique qui croit s’offrir “la voiture de James Bond” après une vente aux enchères. Un rapide coup d’oeil permet de se rendre compte qu’il n’en est rien, l’homme roulant en “vulgaire” DB6 et non une DB5 comme le héros de Ian Flemming. Signes distinctifs : des feux arrières d’un seul tenant (en lieu et place des 3 petits feux ronds), pare-chocs en deux parties et surtout arrière dit “Kammback”, avec son petit becquet arrière. Si la DB6 semble n’être qu’un restylage de la DB5, il n’en est rien, même si elle partage la même base.

Nous sommes en 1965. La DB5 vient de faire passer un cap à la petite marque rachetée en 1947 par David Brown. La DB2 et dérivés DB2/4 puis DB Mark III avaient permis à Aston Martin de revenir dans le jeu des constructeurs de sport et de prestige. La DB4 avait enfoncé le clou, avec notamment ses dérivés DB4 GT signés Zagato. La DB5, quant à elle, avait fait sortir la marque de la confidentialité, avec 1 021 exemplaires produits (y compris les Vantage, Volante et Shooting Brake). Afin de renouveler une recette à succès, David Brown décide de faire évoluer son best-seller vers plus de Grand Tourisme dès 1965 avec la DB6.

Le trait d’union vers la DBS

Dans les cartons, il y a déjà le projet DBS qui doit renouveler le genre dans un style plus moderne. Avec les petits moyens de la marque, difficile de créer totalement une nouvelle voiture d’autant que le style marche encore très bien. La future DBS, elle, doit faire entrer la marque dans la modernité, la DB6 jouer la continuité. Le dessin issu des DB4 est encore tout à fait dans le coup dans les années 60, il n’y a donc aucune raison de faire des changements majeurs.

La DB6 de Gérard Lanvin dans Camping, prétendument celle deJames Bond

Voilà pourquoi la DB5 et la DB6, au premier regard, semblent identiques. Il faut un oeil expert pour distinguer les deux. Premier signe : la DB6 est plus longue (empattement rallongé de 95 mm) pour plus d’espace à bord, renforçant l’idée du Grand Tourisme cher à David Brown. Le toit est lui aussi surélevé pour plus de confort, obligeant à un nouveau pare-brise. On l’a dit, les feux changent légèrement, notamment à l’arrière (en provenance des Triumph TR4S et TR5) et les pares-chocs avant comme arrière se scindent en deux.

6 en ligne supervisé par Tadek Marek

Sous le capot, on reste aussi dans la même logique : le 6 cylindres en ligne supervisé par Tadek Marek reste de la partie, avec 285 chevaux pour 4 litres de cylindrée, tandis que la version Vantage est poussée à 325 chevaux. La DB6 ne serait donc qu’une version légèrement rallongée de la DB5 ? L’essentiel ne se voit pas à l’oeil nu, sauf pour le spécialiste qui aura noté la disparition de la signature Superleggera typique de Touring. En effet, la DB6 revient à une structure plus classique d’une coque en acier, abandonnant l’architecture des panneaux en aluminium sur tubulure en acier.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, la DB6 ne prend pas un si grand embonpoint que cela par rapport à sa devancière, mais elle gagne un atout majeur : elle est beaucoup moins chère à produire. Plus accessible, la DB6 va connaître un succès sans précédent. Ressemblant à la DB5 mais plus courante, la DB6 est donc souvent confondue avec la “voiture de James Bond” comme l’imagine Michel Saint Josse dans Camping qui prouve là qu’il n’est pas un spécialiste.

Dernière évolution en 1967

En 1967, l’Aston Martin DBS 6 cylindres arrive sur le marché. Plus moderne, notamment en terme de style, elle effraie une clientèle traditionnelle qui reste attachée à la lignée DB4/DB5/DB6. Cette dernière va donc évoluer en 1969 en une version MkII, sorte d’hybride entre une DB6 et une DBS. Elle en récupère les trains roulants, obligeant à élargir la carrosserie aux passages des roues. Les sièges proviennent aussi de la récente DBS pour en réduire les coûts, tandis qu’elle en récupère en option le système d’injection AE Brico (sur 46 exemplaires seulement, ce système n’étant pas vraiment suffisamment au point). Cette Mark II ne sera produite que jusqu’en janvier 1971, en version Vantage et Volante, avant de laisser totalement la place à la DBS.

La DB6, bien que “dérivée” en partie de la DB5, sera un grand succès à l’échelle de la petite marque : 1 325 DB6 (y compris les Shooting Brake), 140 Volante, 248 Mark II et 38 Mark II Volante pour un total de 1 751 exemplaires. Pas mal pour la petite marque désormais installée à Newport Pagnell. Bien sûr ce n’est pas tout à fait la voiture de James Bond, mais cela y ressemble, et pour deux fois moins cher qu’une DB5. Certains exemplaires disposent de la direction assistée (option), de la climatisation (idem) voire d’une boîte automatique Borg-Warner à 3 vitesses.

La DB6 s’offrait aussi une version Volante, comme la DB5

Moins rare, moins chère, stylistiquement proche, à peine moins performante, plus spacieuse, la DB6 peut être une excellente opération pour un collectionneur n’ayant pas forcément les moyens de passer au niveau supérieur. Restera à en trouver une à la vente et à convaincre son banquier de l’intérêt d’un tel modèle.

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