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Alpine A110 2017 : entretien avec Michael Van Der Sande

PAUL CLÉMENT-COLLIN - 13 mars 2017

Michael est grand, imposant, chaleureux, et comme il n’est pas français, il a le tutoiement facile, ce qui n’est pas pour me déplaire. Ce jour-là, mardi 7 mars, Michael a beaucoup de travail, mais il prend le temps de me recevoir ainsi que quelques confrères. Oui, son job m’intéresse, et vue l’actualité de son entreprise, c’est un peu normal : on ne relance pas impunément une marque comme Alpine. Lui, c’est Michael Van Der Sande, et c’est le PDG d’Alpine depuis presque 1 an ½ en remplacement de Bernard Ollivier (qui reste DG de la petite marque normande).

« Si je ne suis le patron que depuis peu, cela ne veut pas dire que je prends le train en marche. En tant que responsable de la stratégie des marques, auparavant, chez Renault, je me suis naturellement beaucoup impliqué aux côtés de Bernard Ollivier pour relancer Alpine ». Voilà qui est dit ! Mais vus les enjeux d’une telle relance, Renault a du se dire qu’il était bon d’y mettre à sa tête un pro du business du « sport premium », ancien de chez Aston Martin !

Le discours est rodé : « step by step », ce qui n’est pas pour me déplaire quand tant de marques ont voulu aller trop vite. A entendre Michael Van Der Sande, on comprend bien que Renault veut installer durablement Alpine, et que pour cela, il faut bien faire et bien vendre ce premier modèle avant d’en imaginer des déclinaisons plus puissantes, ou cabriolet, ou bien encore une gamme plus large de modèles : « Bien sûr qu’on a dans la tête 8 ou 10 projets potentiels pour développer la marque, mais on n’en est pas encore là ».

La question est sur toutes les lèvres, car à l’annonce de la puissance du 4 cylindres 1.8 Turbo qui équipe l’Alpine A110 en position centrale arrière, 252 chevaux, beaucoup se sont dit que c’était bien peu. Mais lui semble confiant : «  tu sais, tout n’est pas qu’une question de puissance, mais aussi de poids, nous avons tout fait pour abaisser le poids de la voiture à son maximum, 1080 kg – réservoir plein – et surtout, l’important pour une Alpine, ce n’est pas la performance pure, mais son aptitude à enchaîner les virages, sa maniabilité ».

Le discours est rodé mais le patron y ajoute une touche personnelle qu’on ne verra pas souvent dans les communiqués de presse : « on est pas nombreux à l’avoir conduit tu vois, mais ceux là sont descendus de la voiture avec le sourire » ! Dont acte, en espérant pouvoir l’essayer (NDLR: on l’a essayée depuis, et il avait raison le bougre, lire aussi: l’essai de l’Alpine A110 2017). Ce ne sera pas tout de suite, puisque la production de l’A110 débutera vraiment dans le courant de l’année, en tout cas avant la fin de l’année.

Parlons du nom justement. Pour Van Der Sande « A110 a sonné comme une évidence pour tout le monde avec un tel modèle, léger et habile ». Pourtant, le discours n’est pas aussi évident que cela. Si l’on considère la berlinette originelle, il est difficile de parler d’une voiture « pour tous les jours ». Bête de rallyes, l’A110 n’était pas une voiture faite pour le quotidien, et pas toujours facile à conduire. Sa descendante moderne se veut, selon Michael « utilisable tant en semaine qu’en week-end, sur la route comme sur la piste ». Une voiture polyvalente donc, tout le contraire de la berlinette.

On comprend entre les lignes que l’époque a changé : les sportives d’aujourd’hui se doivent d’être utilisables et de donner du plaisir quel que soit le niveau du pilote, pourvu qu’il en ait le portefeuille. Et même si les objectifs sont modestes (et imprécis, on parle de « milliers de véhicules par an, mais pas de dizaines de milliers »), il s’agit tout de même de vendre au plus grand nombre. Pour rendre la voiture plus dans l’air du temps, adieu les carrosserie polyester, place à l’aluminium. Adieu aussi le moteur en porte à faux arrière, place au moteur central. En revanche, si la voiture a grandi depuis la berlinette, elle reste compacte. Et la tradition est respectée : comme les berlinettes, l’A110 « New Generation » emprunte un paquet de commodos à la grande série. Economies d’échelle ? Non tradition ! L’A110 était faite de bric et de broc, et d’une certaine manière, l’A110 « NG » justifie sa filiation (pire, ce n’est même pas choquant lorsque l’on pose ses fesses à l’intérieur).

Des petits détails sont bien vus, comme ce drapeau français sur les montants. Enfin une marque qui affiche clairement ses origines, et les envisage comme un avantage et non un inconvénient ! D’ailleurs, la voiture est assemblée à Dieppe, dans l’usine historique ! Carrosserie, peinture, ou assemblage sont réalisés là-bas, aux côtés de la gamme RS de Renault. Mais Michael Van Der Sande l’admet « on peut pas tout acheter en France. Quand c’est faisable on le fait, mais les freins Brembo, les jantes Fuchs ou la boîte DCT Getrag à 7 rapports (et à l’étagement spécifique, ndlr) ». Quand la question du moteur est posée, la franchise impose une réponse, mais moins franche : « le moteur est fabriqué en Corée, chez Samsung-Renault, nous avons choisi le moteur de l’Alliance qui correspondait le mieux à nos exigences, et sa configuration actuelle pour l’A110 est unique ».

Une chose est sûre en tout cas : le stand Alpine n’aura pas désempli après la présentation et pendant les deux journées presse, preuve que la voiture suscitait curiosité, mais aussi admiration. J’avais déjà changé un peu d’avis après avoir vu la Vision de près, et cette A110 me semble sur la bonne voie, même si pour moi, elle aurait mérité de s’appeler autrement, ne serait-ce que pour avoir une vie propre : la continuité du nom n’est pas pour moi un problème, si le modèle en tant que tel est produit lui aussi sans discontinuer, à l’instar d’une 911. L’hypothèse A120 m’aurait plu, ou A117 pourquoi pas.

Ce nom semble tout de même plus facile pour jouer sur une fibre nostalgique, et Michael Van Der Sande avoue sans détours avoir été surpris par la rapidité des pré-réservations de la série de lancement « 1955 » « et pas qu’en France, puisqu’en Europe, tout a été réglé en 5 jours seulement ». Comme quoi. Au total 12 pays Européens plus le Japon bénéficieront de concessionnaires Alpine, soit « spécifiques » (comme le show room de Boulogne en remplacement de Porsche, pont de Sèvres), soit en concessions Renault choisis pour leur compétence et leur passion, mais avec des « corners spécifiques » (à la façon de DS, ndlr).

Quoi qu’il arrive, la marque semble avoir réussi son lancement à Genève, bien qu’une exposition populaire à Paris eut été une bonne idée (mais parfois, il faut sans doute savoir retarder les choses, les constructeurs français ont souvent payé cash des lancements trop hâtifs). Wait and see comme disent nos amis britanniques qui auront, tout comme les japonais, des versions RHD !

L’essai de cette berlinette est à lire ici: Alpine A110 2017

Photo: Alpine / Paul Clément-Collin

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