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FACEL VEGA
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4 voitures construites chez Facel qu’on ne soupçonnait pas

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 05/08/2022

Le temps passant, on oublie l’accessoire pour ne retenir que l’essentiel. Ainsi dans l’imaginaire collectif, Facel Vega restera à jamais la dernière marque de prestige française, occultant l’intense activité de sous-traitant qui permit à l’entreprise de Dreux de développer sa propre gamme, avec les FV, HK500, Excellence, Facel II, Facelia, Facel III ou Facel 6. Voici donc quatre modèles produits par l’entreprise de Jean Daninos, et frère de l’écrivain Pierre Daninos.

Bentley Cresta

Oui, une Bentley fut bel et bien carrossée en France, chez Facel-Métallon ! A l’origine de cette drôle d’aventure, on trouve bien entendu Jean Daninos. Déjà, l’intrépide patron sait son entreprise compétente pour des réalisations de prestige et de luxe, et il propose donc à Bentley de réaliser un coupé 4 places sur la base de la MkVI britannique. Avec l’accord du constructeur (et de sa maison-mère Rolls-Royce), Facel se lance donc avec Pinin Farina (via Stabilimenti Farina, l’entreprise de son frère Giovanni) pour affiner la ligne vieillotte de l’antique anglaise, et proposer une version plus fluide et d’allure plus sportive : la Cresta, présentée en 1948.

Rolls et Bentley sont satisfaits du résultat, et autorisent une production en petite série (distribuée notamment par Franco-Britannic à Paris) à condition de modifier la calandre trop petite à leur goût pour une Bentley. Au total, 12 exemplaires seront réalisés, dont 3 prototypes, entre 1948 et 1949. Des clients prestigieux rouleront dans cette Bentley Cresta signée d’un double F stylisé (pour Farina Facel, évidemment) : Rainier de Monaco, Pamela Churchill, ou Yves Montand.

Tout l’intérêt de cette Bentley, étrange mélange anglo-franco-italien, c’est d’annoncer les grandes lignes de ce que deviendra Facel Véga. D’ailleurs, Jean Daninos va persister sur cette base en réalisant une Cresta II plus originale, hors du cadre de l’accord avec Bentley. Il s’agissait de tester, sur la même base, un nouveau design mais sans les contraintes et exigences d’une marque tiers. La Cresta II, qui fut la voiture personnelle de Jean Daninos inaugure les grandes lignes de ce que seront les Facel Vega à partir de 1954.

Ford Comète

Lancée en 1948, la Ford Vedette, nouveau haut de gamme à moteur V8 de Ford SAF (la filiale française du géant américain), peine à convaincre par manque de fiabilité d’abord, par manque de puissance aussi. Ce lancement raté coûte son poste au PDG de l’époque, Maurice Dollfuss, remplacé en 1949 par le controversé François Lehideux, neveux par alliance de Louis Renault au comportement trouble pendant la seconde guerre mondiale. Homme de caractère, il se lance dans la restructuration de Poissy (notamment en licenciant les meneurs d’une grève durant plus de 4 semaines nécessitant l’assaut des forces de l’ordre). Pour relancer la Vedette, et pour montrer son indépendance vis à vis de l’actionnaire américain, Lehideux décide d’étudier une version coupé de sa berline haut de gamme dans le plus grand secret.

Pour cela, le boss de Ford SAF va s’appuyer sur deux entreprises : l’une, française, s’occupera du développement du modèle et de sa production (il s’agit de Facel-Metallon de Jean Daninos, dans son usine de Colombes), l’autre, italienne, s’occupant du design (Stabilimenti Farina). Outre le besoin d’un secret absolu obligeant à recourir à des prestataires extérieurs, Lehideux sait aussi qu’il s’agira d’un véhicule d’image aux volumes restreints impossible à fabriquer à Poissy. Daninos a déjà fait ses preuves en produisant des carrosseries pour Panhard, ou des voitures complètes pour Simca, il devient donc partenaire naturel de Ford.

Le dessin de Farina est superbe, et Lehideux valide le projet : la Comète est présentée à la presse le 17 août 1951 à Biarritz. Malheureusement, l’idée initiale d’un moteur plus puissant se heurtera à la réalité industrielle, et la Comète hérite du même V8 que celui de la Vedette, un peu poussif : 74 chevaux pour 2.2 litres de cylindrée. En 1953, le moteur évolue à 2.3 litres et 80 chevaux. En 1954, une nouvelle version nommée Monte Carlo reçoit le V8 Mistral de 3.9 et 105 chevaux (SAE). Belle, certes, mais poussive et chère, la Comète ne se vendra qu’à 2 165 exemplaires.

Simca Océane et Plein Ciel

Depuis la fin des années 40, Facel-Métallon travaille avec Simca pour la production de ses versions de petite série : Simca 8 et 9 Sport, puis Week-end et Coupé-de-Ville, et enfin les Océane et Plein Ciel qui nous intéressent. La confiance est totale entre Jean Daninos et Henri Pigozzi, poussant ce dernier à renouveler sa confiance à Facel-Métallon en 1956 pour la production de ces deux nouveaux modèles dérivés de la berline Aronde.

A cette époque, Facel est déjà devenu un constructeur de prestige (depuis 1954) sous le nom de Facel Vega, et ce nouveau statut renforce encore un peu plus le prestige des Simca Plein Ciel et Océane. Contrairement à ce que l’on pourrait penser instinctivement, c’est l’Océane qui est un cabriolet, tandis que la Plein Ciel est un coupé.

Dotées du 1 300 Flash spécial de 57 chevaux, puis du Rush Super de 62 chevaux et enfin du Super M de 70 chevaux, les deux voitures offrent des performances tout à fait correctes, une ligne à l’américaine (mais à l’échelle européenne) et une bonne finition. Elles souffrent cependant d’un prix relativement élevé : elles valent deux fois le prix d’une Aronde, limitant leur clientèle potentielle : après 6 ans de production, seuls 1 424 exemplaires furent fabriqués à Colombes.

Delahaye VLR

Trouver Facel partie prenante d’un projet de “Véhicule Léger de Reconnaissance” destiné à l’armée française peut surprendre. Pourtant, cela n’avait rien d’étonnant en ce début des années 50 : n’oublions pas que Facel-Métallon était un sous-traitant reconnu de l’automobile, notamment dans le domaine de la carrosserie. Dans le même temps, Delahaye, maître d’oeuvre du projet dans une ultime tentative de se refaire une santé financière, maîtrisait peu l’art de réaliser une coque pour automobile, elle qui savait surtout produire un ensemble châssis-mécanique. Dès lors, que Facel soit le producteur de toutes les caisses de VLR produits par Delahaye tombe sous le sens.

Le VLR répondait à un appel d’offre de l’armée française pour remplacer ses Jeep issues de la seconde guerre mondiale, passablement rincées. Pour relancer l’industrie, on préféra solliciter les industriels français plutôt que d’aller frapper chez Willys. Delahaye, qui s’était par la force des choses convertie aux utilitaires pour survivre pendant la guerre, voyait en ce marché public une rente qui lui permettrait de se relancer sur son marché naturel : la voiture de luxe.

Malheureusement, malgré des qualités intrinsèques intéressantes (d’excellentes capacités de franchissement, un moteur plus puissant que celui de ses concurrents, des solutions innovantes), elle souffrira d’une réputation parfois exagérée de voiture difficile à conduire et nécessitant une maintenance minutieuse (un vrai problème pour un véhicule militaire). Facel produira pourtant 9 623 caisses de VLR, mais l’armée française préféra arrêter les frais. De toute façon, Delahaye en faillite dut se résoudre à être absorbé par Hotchkiss qui n’hésita pas à proposer son propre projet à l’armée : une Jeep MB produite sous licence, tout simplement.

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