Simca Vedette : sa seconde vie brésilienne
Pour ceux de ma génération, Simca est une marque populaire, et nous avons en tête les Simca 1000 ou 1100 qui peuplaient encore les départementales au début des années 80. On a du mal à imaginer que dans les années 50, Simca proposait dans sa gamme la seule voiture française haut de gamme de grande série motorisée par un moteur V8 : la Vedette.
Produite entre 1954 (date du rachat de Ford SAF par Simca) et 1961, la Simca Vedette était une version restylée de la Ford Vedette lancée en 1948. En tout, 105 000 exemplaires de la première série (1954-1957) et 65 000 exemplaires de la deuxième série (1957-1961) furent produits. Sa particularité : disposer d’un V8, cas unique pour une marque française après-guerre (si l’on excepte Facel-Vega, plus confidentielle), et d’une ligne « à l’américaine » en réduction. Déclinée en plusieurs versions (Trianon, Versailles, Régence, puis à partir de 1957 Beaulieu, Chambord et Présidence, et surtout le fabuleux break Marly), elle ne survivra pas à la déferlante DS qui imposa une nouvelle vision du haut de gamme « à la française ».
De toute façon, malgré un moteur V8 sous le capot, la Vedette n’a que 80 ch à proposer, puis 84 ch en 1957, pour une cylindrée de 2,3 litres. La crise de Suez en 1956 viendra perturber cet avantage, la consommation devenant un critère important lors de l’achat, y compris pour les véhicules de luxe.
Si la carrière française de la Vedette prend fin en cette année 1961 (avec seulement 3814 ventes), elle connaîtra une seconde vie brésilienne, qui nous intéresse particulièrement. Dès 1956, le président brésilien Juscelino Kubitschek avait visité l’usine de Poissy et proposé en rigolant à Henri Pigozzi de construire une usine Simca . La proposition n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd, et lorsque le Brésil tenta d’attirer de grands constructeurs étrangers sur son sol, Simca était bien présent, prêt à conquérir ce marché sûrement juteux. En 1958 était créée la société Simca do Brasil, et une usine fut construite à Sao Bernardo, dans l’Etat de Sao Paulo.
Pour conquérir le marché brésilien, influencé par l’Amérique, c’est donc le plus américain des modèles de la gamme Simca en France qui fut choisi : la Vedette. En fin de vie en France, cela permettait de continuer à tirer des revenus d’un modèle amorti. D’abord produite grâce à des kits envoyés de France, la Vedette (déclinée d’abord sous les noms de Chambord, Presidente et Rallye) fut ensuite totalement produite au Brésil. La fin de la production en 1960 de la Vedette en France permit d’envoyer l’outillage au Brésil, et surtout la nouvelle loi brésilienne imposait 98 % de pièces locales.
Les problèmes de qualités furent d’ailleurs nombreux. On raconte que sur la première série de 100 moteurs V8 produits au Brésil, seuls deux furent validés par le service qualité. Malgré ces débuts cahotiques, la Vedette s’installe peu à peu dans le paysage brésilien. En 1962, une version break, la Jangada, est présentée, puis en 1963, une version plus économique, l’Alvorada. En 1966, l’Esplanada remplace le trio Chambord/Presidente/Rallye, et en 1968 apparaît la GTX, version sportive de l’Esplanada. En 1970, les « Vedettes » brésiliennes rendent leurs tabliers après plus de 50 000 exemplaires produits.
Il faut dire qu’en 1966, Chrysler avait racheté Simca, et par ricochet Simca do Brasil. A partir de 1966, toutes les Simca brésiliennes sont badgées « produzido pela Chrysler », et peu à peu, Chrysler introduit sa gamme au Brésil. Les Vedettes (d’origine Ford et dotées d’un V8 Ford, je vous le rappelle) n’étaient plus vraiment utiles à Chrysler, et plus trop d’actualité (la Vedette initiale fut lancée en 1948 hein!). A partir de 1970, la marque Simca disparaît donc au Brésil, ne laissant place qu’au Pentastar !
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