SIFTT Katar: la malédiction du 4x4 français
Il y a des aventures automobiles qui sentent le souffre dès le départ, et dont le fiasco n’est qu’une question de temps comme Bricklin et sa SV1 (lire aussi : Bricklin SV1) ou bien DeLorean et sa DMC12 (lire aussi : DeLorean DMC12). D’autres en revanche avaient tout pour réussir, et seul un coup du sort les aura empêchées de rencontrer un large et durable succès : c’est le cas du Katar (rien à voir avec le PSG), construit dans les années 80 par la SIFTT (Société Industrielle Française de Tout Terrain).
L’aventure du Katar est née de façon « accidentelle ». Fana de tout-terrain, Jean-Luc Pontaillé est lassé d’être moqué par ses compères pour le look frêle de sa 2CV 4×4 Voisin, malgré son efficacité. Il décide donc, avec l’aide de Marc Voisin justement, de proposer une version plus « virile ». C’est ainsi que les deux associés créeront le Lynx en 1984, un premier proto sur la base d’une 2CV, et doté d’un flat twin de 652 cm3 (moteur que l’on retrouve sur les LN notamment, lire aussi : Citroën LN).
Entre temps, Citroën a arrêté la fabrication de la Méhari 4×4 (en 1983), laissant le champs libre à de nombreux constructeurs comme Teihlol avec sa Tangara 4×4 ou plus tard Mega. Pontaillé voit bien qu’il existe un marché, tout comme des industriels tels que Bernard Lafenechère. La SIFTT est créée en janvier 1986 avec l’objectif de produire le Lynx, devenu par la suite le Katar. Marc Voisin, lui, préfère se retirer du projet pour se consacrer à ses chères 2CV 4×4, mais il concède à la SIFTT la licence de son système de transmission (ce même brevet sera aussi utilisé par Teilhol pour la Tangara 4×4).
C’est au cours de l’année 1986 que seront réalisés les premiers prototypes, baptisés Katar donc (et pas Kadjar hein!), sur base 2CV donc, et toujours avec le bicylindres Citroën. La firme aux Chevrons regarde alors d’un œil bienveillant la petite firme ardéchoise en lui fournissant les éléments à tarifs préférentiels. La production peut donc commencer dans une ancienne chaudronnerie. En janvier 87, la SIFTT prend même la décision de participer au mythique Paris-Dakar, et fournit une prestation honnête malgré un final en eau de boudin.
En 1988, c’est l’année des ambitions. Une version Diesel Renault, sur un châssis 4×4 Aro est aussi proposée, mais surtout, la nouvelle Katar 2000 est présentée en octobre au Salon de l’Auto à Paris. Avec son look futuriste et sa base C15 dotée d’une transmission Voisin, elle a fière allure. Si la firme semble en passe de se développer, un grain de sable viendra coincer la mécanique.
En 1989, Citroën cesse de produire la 2CV en France, pour la délocaliser au Portugal. Idem pour la C15 qui se retrouve assemblée au Portugal et en Espagne. A cette occasion, la direction de Citroën revoit ses conditions de livraison, augmentant fortement les tarifs et les obligations de volume. Désormais, impossible d’imaginer rentabiliser le projet. 1989 sera la dernière année de production avant de mettre la clé sous la porte.
Au total, 245 Katar toutes versions confondues auront été fabriqués. C’est peu, mais il en reste encore en circulation, à tous les tarifs (généralement entre 7 et 15 000 euros selon l’état). L’occasion de s’offrir un vrai franchisseur, doublé d’une voiture de plage originale ?. Jean-Luc Pontaillé, lui, continue d’entretenir la flamme avec un site dédié au Katar, tandis que Marc Voisin propose toujours de transformer votre 2CV en version 4×4 dans son garage de l’Isère.
Images: Jean-Luc Pontaillé