Siata Spring: caricature à l'italienne !
Voiture de Babar (il passa son permis à son volant) tendance Oui Oui, la Siata Spring est évidement une voiture très Boîtier Rouge. Rares sont les voitures qui font autant envie que pitié, et en regardant la Spring, il est bien difficile de la prendre au sérieux. Pourtant, son constructeur, Siata (Societa Italiana Auto Trasformazioni) produisait déjà des voitures avant-guerre, et offrit à une clientèle italienne toute une panoplie de voitures bien dessinées sur base Fiat durant les années 50 et le début des années 60 (notamment le Coach TS, qui sera aussi fabriqué par Neckar en Allemagne) : autant dire que la petite Spring apparue en 1967 ressemblait plus à une plaisanterie.
Pourtant, c’est de manière très sérieuse que Siata envisagea le lancement de cette drôle de voiture. Jusqu’alors, l’officine italienne, malgré la qualité de sa production, restait relativement confidentielle. Renato Ambrosini, le fils du fondateur qui avait relancé la marque après-guerre, cherchait à donner une nouvelle dimension à son entreprise en produisant une voiture susceptible d’être produite en de plus forts volumes. En ce milieu des années 60, l’heure est à la dolce vita en Italie, et il paraît évident qu’il faut cibler une clientèle jeune et frivole. Pour la séduire, on va s’inspirer de l’avant guerre en proposant un petit roadster fun et sympa : une tendance qui se développe déjà outre-atlantique (lire aussi : Excalibur). Ambrosini est poussé dans cette voie par André Chardonnet, toujours désireux de proposer à sa clientèle française des modèles spécifiques et fun (lire aussi : Autobianchi Eden Roc).
C’est la Fiat 850 qui va servir de base à la Spring, ce qui donne la première incongruité de la voiture : sa calandre un peu grotesque qui ne sert à rien puisque le moteur est à l’arrière. En fait, toute la voiture est une caricature de roadster d’avant guerre teintée de relents british : calandre, passages de roues, petits phares extérieurs, marchepieds, tout y est pour donner un style à cette bagnole sans vraiment y arriver ! N’est pas Morgan qui veut, malgré les évidentes inspirations. Siata avait déjà « commis » la Rallye entre 1951 et 1958, de façon beaucoup plus heureuse (elle-même réplique des MG TD de l’époque) !
La réussite de l’opération passe par des volumes jusqu’alors jamais atteints par Siata, qui doit absolument rentabiliser ses investissements. Il faut donc « vendre » la voiture… La peur des distributeurs de se retrouver avec des stocks invendables les conduira à vendre la Spring à coup de remises et de tarifs imbattables, alors que l’usine, qui n’a jamais connu une telle production, a du mal à suivre. L’équation est compliquée ! D’autant que des grèves chez les ouvriers de Siata paralysent quelques semaines l’usine.
Comme vous vous l’imaginez, la Spring sera fatale à Siata. Malgré une production de près de 3500 exemplaires entre 1967 et 1970 (les plus grosses ventes jamais réalisées par Siata), ce n’est pas suffisant pour survivre. Il faudrait vendre plus, et plus cher, et surtout pouvoir produire en temps et en heure. Chaque voiture vendue creuse un petit peu plus les pertes de l’entreprise, qui stoppe la production en 1970. On reverra pourtant la petite Spring en 1971 dans le film Trafic de Jacques Tati.
L’histoire de la Spring ne s’arrête pas là. Si Siata a rendu les armes, la famille Rivolta elle-aussi a du lâcher les rênes de son entreprise Iso-Rivolta, sans pour autant abandonner la construction automobile. Elle créé la société Orsa et rachète les droits et l’outillage de la Spring à Siata, avec la ferme intention d’amorcer la création d’une gamme néo-rétro. Petite différence cependant : la Spring d’Orsa roule désormais… espagnol, avec un moteur de Seat 850, devenant ainsi la Seat-Orsa 850 ER Spring Special qui ne sera produite qu’à quelques unités seulement.
Il reste aujourd’hui quelques Siat Spring que les passionnés de Fiat 850 collectionnent amoureusement, ainsi que quelques fous passionnés de décalages automobiles. Honnêtement, cette voiture oscille entre nostalgie et ridicule, ce qui la rend particulièrement attachante. Bon ok, il faudra assumer rouler dans un tel bolide, surtout en jaune vif. Mais c’est aussi une certaine époque automobile que vous revivrez, celle où le marketing balbutiant ne pondait pas des bagnoles toutes identiques, celle où rouler les cheveux au vent était un art de vivre, et celle où des petits pouvaient se rêver gros ! Autre époque, autres mœurs !
En savoir plus: http://fiat850.free.fr/siataspring/index.htm