Rover P5 : discrète aristo
L’après-guerre fut une période assez faste pour Rover. Avec les lancements réussis de la berline P4 et du tout nouveau Land Rover, la marque britannique disposait de fonds pour lancer un nouveau modèle, la P5. Plus grande et plus moderne, cette dernière plaçait à nouveau Rover au centre de l’échiquier automobile britannique, allant jusqu’à concurrencer Jaguar et sa Mk2. Elle inaugurera aussi le V8 Buick.
Dès le début des années 50, la marque au drakkar réfléchit au remplacement de la berline P4 pourtant lancée en 1949. Cette dernière est encore “à l’ancienne”, avec un châssis séparé et un style assez daté. L’idée de Rover est tout simplement de monter en gamme avec une voiture moderne et sexy. La P5 est donc plus une grande soeur qu’une remplaçante. Les deux modèles cohabiteront dans la gamme jusqu’en 1964. Il s’agit surtout de conquérir un nouveau marché : celui de la berline sportive, luxueuse mais accessible. La démarche est identique à celle de Jaguar qui lance en 1955 la Mk1 puis en 1959 la Mk2.
Le retour de la grande berline
Rover lance sa grande berline en 1958. Son style, dû à David Bache, conserve un air de famille avec la P4 mais semble d’une autre génération, bien plus dans l’air du temps. Massive et plus statutaire, elle conserve malgré tout une certaine finesse et gagne en sex-appeal. “P5” n’est qu’un nom de code, car en réalité, elle porte le nom de Rover 3 litres. Sous son capot, on trouve le 6 cylindres en ligne déjà présent sous le capot de la P4, mais réalésé à 3 litres, comme son nom l’indique. Avec 115 chevaux, la nouvelle berline anglaise frôle alors les 160 km/h de vitesse de pointe. D’abord dotée de freins à tambours, elle récupère fort heureusement des freins à disques à l’avant dès 1959.
A son apparition, elle éclipse les versions hautes de la P4 qui ne devient qu’une entrée de gamme pour Rover (la P6 finira d’achever celle qui avait relancé la marque). Bien équipée, elle dispose d’une excellente tenue de route grâce à sa caisse autoporteuse et ses suspensions indépendantes à l’avant (ressorts et barre de torsion à l’arrière). Relativement cossue, elle séduit la bonne société anglaise. Elle propose, en outre, des options comme la direction assistée à partir de 1961 (l’Hydrosteer que l’on retrouve aussi en option sur les Facel Vega II), ou bien une transmission automatique à 3 rapports.
Un coupé qui n’en est pas un
En 1962, la P5 fait peau neuve avec un premier lifting : la berline change peu, certes, mais une nouvelle variante fait son apparition : le Coupé. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce dernier propose bien 4 portes mais le pavillon arrière devient fuyant, lui donnant un tout autre design, plus racé encore. Avec cette P5 “mk2”, le moteur gagne encore quelques chevaux pour atteindre les 139. Pourtant, malgré ces améliorations, les ventes stagnent. En réalité, la concurrence est désormais interne car en 1963, Rover lance la P6 qui, bien que légèrement plus petite, taille des croupières à la P5. Elle ne dispose pourtant que d’un 4 cylindres, mais moderne, alors que le 6 en ligne commence à dater sérieusement : il date en effet d’avant-guerre.
En 1965, la gamme évolue encore. La 3 litres devient encore plus luxueuse et gagne encore un peu de puissance (134 chevaux). Malgré cela, les ventes s’effondrent, et Rover décide de réagir. Ayant racheté à Buick les droits d’un V8 jugé trop cher à produire par la marque américaine. Pourtant, Rover y croit, et améliore ce 3,5 litres pour le loger dans ses deux berlines hautes, P6 et P5, en 1967. Avec 160 chevaux et 8 cylindres, la P5 devient P5B tandis que les 6 en ligne sont abandonnés. En montant encore en gamme, cette P5B rencontre à nouveau les faveurs de la clientèle.
Un V8 pour le haut de gamme
Plus statutaire que la P6, elle séduit à nouveau jusqu’au sommet de l’état : la Reine elle-même s’offre un exemplaire ; idem au 10 Downing Street, où la P5B devient la voiture du premier ministre. Elle restera en service jusqu’au début de mandat de Margaret Thatcher (qui finira par opter pour une Jaguar XJ), survivant dans les manifestations officielles malgré l’arrêt de la production en 1973. En tout cas, grâce au moteur V8, les ventes remontent enfin malgré le poids des ans. Avec 69 141 exemplaires produits (dont 20 600 à moteur V8), la P5 aura honorablement tenu son rang. Elle n’aura pourtant pas de successeur direct, laissant la P6 tenir seule la baraque avant l’arrivée de la SD1 en 1976.
Aujourd’hui, la P5 conserve une clientèle fidèle mais elle reste abordable par rapport à une Jaguar Mk2 pourtant plus répandue. Les versions V8 sont évidemment les plus recherchées : plus récentes, plus puissantes et plus prestigieuses, particulièrement dans la configuration Coupé. Si certains préfèreront la P6 au dessin plus moderne, d’autres adoreront son look désormais désuet, distillant un charme si britannique.