Rolls Royce Cullinan : ça aurait pu être pire
Depuis le temps que Rolls Royce faisait languir les amateurs de voitures avec des teasers, tandis que chacun se demandait quelle horreur ils allaient pouvoir pondre, à l’image d’un Bentley Bentayga plutôt lourdaud (lire aussi : Bentayga), la présentation du Cullinan sonne comme une libération, et plutôt une bonne surprise : ne crions pas au génie, il s’agit juste d’un truc très carré, mais Rolls a évité l’écueil d’en faire trop (comme la Lamborghini Urus). Le Cullinan ne s’en sort pas trop mal, avec son air de Range Rover maquillé.
Comment peut-on le trouver réussi alors que l’on aime pas vraiment la tendance SUV du moment ? En fait, le Cullinan, du nom d’un des plus gros diamants du monde, tire son avantage d’un dessin très lourdingue des berlines et limousines Rolls Royce. Notre œil, déjà habitué à ces lignes imposantes, s’adapte plus facilement avec un profil plus haut et ramassé ! Rajoutez à cela une relative sobriété dans les traits, et vous obtenez une certaine classe dans le dessin. A l’inverse, l’élégance de la Bentley Mulsanne n’était, semble-t-il, pas transposable au Bentayga. Comme quoi !
Il est de bon ton de se moquer de tous les SUV de luxe qui apparaissent sur le marché à la queue leu leu, passage obligé pour satisfaire une clientèle pas toujours de bon goût, mais au portefeuille garni, et les puristes considèrent (j’en fais presque partie) qu’hors du Range Rover et du Mercedes Classe G, point de légitimité. Il aura fallu près de 15 ans au Cayenne pour que ses détracteurs finissent par se lasser, tandis que le Bentayga puis l’Urus s’en prennent (à juste titre) plein la poire. Le Cullinan ne fait pas exception et la curée est lancée, surtout dans les commentaires Facebook souvent lapidaires.
Pourtant, à défaut d’une grande originalité stylistique, il n’y a pas de fausse note avec le Cullinan. Il respecte les nouveaux codes de Rolls Royce depuis le rachat par BMW (lire aussi : le rachat de Rolls Royce), s’offre un moteur V12 de 571 chevaux ayant la délicatesse de cuber comme l’antique V8 maison, le fameux 6 ¾ (c’est d’ailleurs bien marqué 6.75 sur la bête), et propose des petites attentions très british, comme ces deux sièges dépliables électriquement depuis le coffre pour déchausser ses bottes après la chasse, ou cette vitre séparant l’habitacle du coffre à la façon d’une Citroën XM. En version 3 places à l’arrière, on peut même transformer le Cullinan en utilitaire en rabattant la banquette : trop la classe.
Evidemment, le Cullinan se veut franchisseur, avec sa transmission intégrale. Les images qui circulent depuis plus d’un an montrait d’ailleurs toujours le SUV RR sur des terrains désertiques ou accidentés. Il dispose en outre des 4 roues directrices qui permettent « d’alléger » le monstre en lui offrant plus d’agilité. Pour ce qui est de l’intérieur, tout est évidemment possible y compris le mauvais goût (mais qui le détient vraiment?).
Pour ce qui est de la tradition, Rolls Royce innove : aucune trace d’une tentative officielle de tout-terrain depuis la création de la marque. Pourtant, une Rolls 4×4 a bel et bien existé, de façon officieuse (et pas vraiment appréciée par la marque à l’époque) : une Silver Shadow destinée au Paris-Dakar et sponsorisée par la marque Jules. Une anecdote qui permettra aux futurs acheteurs de justifier leur choix, on se rassure comme on peut.
Alors, au risque de passer pour un fou, je vous le dis : on s’attendait à tellement pire que le Cullinan est finalement une bonne surprise. De toute façon, je ne suis pas vraiment dans la cible, et si vraiment j’avais de l’argent, j’opterais plutôt pour un Range Rover SV Coupé, plus légitime, plus beau, et tout aussi exclusif. Mais comme dirait la cultissime Evelyne Thomas, « C’est Mon Choix ».