Renault 12 Gordini: elle pardonne tout et c'est son principal défaut
Tout le monde n’a pas la chance de pouvoir conduire dans la même journée une R8 Gordini et sa sœur R12 Gordini qui lui succéda (lire aussi : Renault 12 Gordini) ! C’est donc en mesurant ma chance que je montais dans la 12 bleue à bandes blanches tant décriée à sa sortie par les amateurs de 8 !
C’était en tout cas pour moi l’occasion de comprendre ce qui avait pu se passer en 1970 lorsque l’une succéda à l’autre. Si toute les deux portent le patronyme du génial Amédée, chacune porte en elle sa différence : propulsion contre traction, moteur arrière contre moteur avant. En bref, avec la 12, on changeait totalement de monde.
Pourtant, toutes les deux portent ce survêtement bleu qui me rappelle furieusement celui qu’on nous offrait à l’incorporation militaire. Et si à l’armée le survêtement ne fait pas le sportif, dans le cas des Gordini, on rentre vraiment dans le sport. Etonnant comme avec peu de choses et des puissances pas si phénoménales que cela, on passait à cette époque d’une placide berline (8 ou 12) à une furieuse sportive (le label Gordini). Rien à voir avec les tentatives de badging ridicules sur les Twingo et Clio des années 2000 : dans les années 60 et 70, ce bleu voulait dire quelque chose.
Sur cette photo (non truquée), on sent bien que c’est l’avant qui tire le reste !Mais revenons à nos moutons : dans les années 60 et 70 justement, la voiture avait quelque chose de magique, disparu aujourd’hui. Les jeunes conducteurs, le permis en poche, rêvaient tous plus ou moins de devenir pilotes, et la compétition automobile était sans doute plus ouverte et accessible qu’aujourd’hui. Devenir pilote n’était pas impossible à force de chance et de persévérance, et parfois même sur le tard. Et quoi de mieux pour tenter d’apprivoiser la vitesse ou les transferts de masses qu’une auto de série un tant soit peu améliorée.
La Dauphine avait lancé le mouvement avec ses versions sportives Gordini et 1093 (lire aussi : Renault Dauphine 1093), et la 8 avait persévéré dans cette voie avec sa version Gord’, d’abord avec un 1100 de 77 ch DIN, puis un 1300 de 88 ch DIN à partir de 1966. Oui je vous vois ricaner, mais à l’époque, de telles puissances sur des caisses légères n’étaient pas anodines… A son bord, de nombreux apprentis pilotes goûtèrent aux joies des routes de campagnes à fond de 4 (pour le 1100) ou de 5 (1300).
Avec la 12, changement de concept par rapport à la 8 !Autant dire que la 12 en survêt’ était attendue au tournant. Avec 113 ch DIN, on saute un niveau, mais la belle a un défaut pour les puristes : sa qualité de traction. Et peut-être sa trop grande facilité de conduite ! Etonnant en fait que les reproches se focalisent finalement sur ses qualités. Et en commençant à la conduire juste après la R8 Gordini qui m’avait donné du fil à retordre, j’ai compris qu’effectivement, la 12 était d’un autre monde. Un monde de performances accessibles à des non-pilotes comme moi !
Voilà en fait le péché originel : la R12 Gordini pardonne tout, et est d’une efficacité impressionnante pour une voiture de cet âge. Et les puristes de l’époque (ou d’aujourd’hui encore) y verront une régression, car pour eux, une voiture doit permettre d’apprendre. Avec la 8, il y avait obligation de comprendre la voiture pour pouvoir la piloter, alors que la 12 se conduit sans difficulté à haute vitesse comme dans les virages. Pas étonnant que cela soit celle qui m’ait le plus emballé à chaud : j’avais tout de suite trouvé mes marques de conducteur de traction, et la belle avait gommé mes lacunes de pilotage, là où les Dauphine et R8 m’avaient donné du fil à retordre. Je suis plus habitué à gérer le sous-virage que le sur-virage, mais en 1970, pour les conducteurs avides de sportivité, c’était le contraire !
Mais honnêtement, quel bonheur à conduire cette R12 Gordini. Avec sa gueule typique des années 70 de la régie, qu’on a souvent moqué avec les copains dans les années 80, elle redevient furieusement tendance. Moins carrée que la 8, pas encore profilée comme une R21, elle retrouve aujourd’hui cet « indéfinissable charme » après avoir zoné dans les méandres de l’occasion. Surtout dans cette rare version Gordini (5188 exemplaires seulement). Si j’avais un peu de pognon, je me laisserai bien tenter !