Kia Stinger GT : la bonne surprise
Francfort, septembre 2011. Le constructeur coréen Kia, filiale du groupe Hyundai, présentait alors à la presse et au public un concept-car étonnant dénommé GT, préfigurant une grande berline dynamique originale, au style résolument moderne. Il faudra patienter six années pour voir la GT devenir réalité sous le nom guerrier de Stinger.
Après la présentation statique de la Stinger à Milan en début d’année (lire aussi : présentation Kia Stinger), l’heure est aujourd’hui aux essais internationaux. Le nouveau flagship de Kia intrigue et le gratin de la presse ou de l’internet automobile a répondu présent pour prendre enfin en main la Stinger. Le style est alléchant, la fiche technique aussi, alors forcément, tout le monde a hâte d’en prendre le volant.
Si la voiture est construite en Corée, elle a été développée en Allemagne où se trouve le bureau de style européen de Kia mais aussi le fameux circuit du Nürburgring et sa boucle nord (Nordschleife) qui a servi à mettre au point suspension et tenue de route de la Stinger. Côté technique, c’est Albert Biermann, directeur du développement des modèles hautes performances de Kia qui s’est penché sur la Stinger. L’homme a fait quasiment toute sa carrière chez BMW, et particulièrement chez Motorsport (M), où il s’est notamment occupé de l’E30 M3 Groupe A, de la Z1 (lire aussi : BMW Z1), des M3 E46, M5 E39, et des dernières M3 et M4. Vous l’aurez compris, il s’agit d’une belle prise pour Kia qui montre ainsi ses ambitions.
Côté design, cocorico, c’est un français qui s’y est collé. Grégory Guillaume, chef du design de Kia Motors Europe, a travaillé sur la Stinger, supervisé par Peter Schreyer, chef du design mondial de la marque. Les deux hommes se connaissent bien puisqu’ils viennent tous deux de chez Audi et Volkswagen. Avec ces deux-là, et Biermann, le message est clair : Kia n’est pas là pour rigoler et entend proposer une voiture performante et stylée sur un marché dominé par les marques premiums allemandes.
La Stinger n’est donc pas là pour faire de la figuration. Certes, en France, les ambitions sont mesurées comme me le précise Marc Hedrich, directeur général de Kia France. Aucun objectif de volume n’est mis en avant, il s’agit avant tout d’un véhicule d’image. Pour distribuer la Stinger, les concessionnaires doivent avoir suivi une formation spécifique au produit (et avoir testé la voiture), et disposer d’au moins un véhicule de démonstration. Un peu plus d’une centaine de points de vente seulement pourront donc distribuer la Stinger à partir de mi-novembre 2017. Et si la marque ne s’est pas fixée d’objectifs chiffrées (« peu importe qu’on en vende 50 ou 500 par an » précise Gaël de Beauchesne, directeur Marketing Kia France), il se pourrait qu’elle surprenne avec cette Stinger originale.
Avec la Stinger, Kia est entrée dans une nouvelle ère : transformer son image pour être reconnue comme une marque à tendance sportive dans la décennie 2020. Une ambition matérialisée par cette grande berline, première marche d’une stratégie ambitieuse, et pour bien nous le faire comprendre, c’est directement sur circuit qu’est faite la première prise en main, dans sa configuration GT disposant du V6 3.3 litres bi-turbo de 370 chevaux, ses 4 roues motrices et ses freins Brembo. Et force de constater dans la première ligne droite que ça pousse fort dans un beau bruit de V6. Certes, avec un 4,9 secondes au 0 à 100 km/h, la Stinger n’est sans doute pas la plus performante, mais là n’est pas la question : le plaisir de conduire est réellement là, les sensations aussi.
Dans les virages, la direction est précise, mais tout à coup les kilos de la belle se font sentir : avec 1909 kg sur la balance, l’embonpoint jusque là camouflé par une ligne svelte se rappelle à votre bon souvenir (pas d’alu ni de carbone pour la carrosserie, que de l’acier, Hyundai étant aussi un métallurgiste d’envergure mondiale). Heureusement, les freins Brembo freinent fort et bien. Quelques tours sur la piste suffisent en tout cas à démontrer les capacités de la Stinger. Ce n’est pas une pistarde pure, mais elle reste capable de vous donner du plaisir à un rythme très soutenu et c’est bien l’essentiel.
De toute façon, le message est clair : la Stinger ne s’attaque pas à des voitures type Audi RS5/RS7 ou BMW M3/M4/M5, mais plutôt à leurs déclinaisons « haut de gamme » puissamment motorisées, dans la zone des 300 à 400 chevaux (ce qui n’est déjà pas mal). Avec 370 chevaux, la GT n’est pas la plus mal placée, et sur la route, elle distille un plaisir de conduire et d’appuyer sur l’accélérateur non négligeable alors que l’aseptisation gagne bien des véhicules. Stable, sécurisante, puissante et agile, la Stinger rend une copie propre à défaut d’être parfaite.
Côté style, on retrouve la tendance « fastback » en vigueur aujourd’hui dans le premium qui permet d’accentuer le dynamisme du véhicule. La Stinger est assez étonnante car si l’ensemble paraît cohérent avec une ligne originale et personnelle, elle semble un patchwork de nombreux modèles lorsqu’on l’observe dans le détail. Il y a un peu de Jaguar XF, de Maserati Ghibli, ou de BMW selon l’angle de vue, des gimmicks dans les détails qui rappellent d’autres modèles sans qu’on arrive vraiment à les identifier mais qui une fois assemblés donnent un tout cohérent et surtout valorisant. Lors de nos nombreux arrêts photo, la Stinger a, à chaque fois, suscité l’admiration ou la curiosité des passants. A son volant, on finit par oublier le logo Kia qui jusqu’à présent faisait un peu roturier et se croire dans une voiture plus noble. C’était le but, il semble atteint : rehausser l’image de la marque Kia avec un véhicule emblématique.
La marque coréenne n’avait pas, jusqu’à présent, de vraie grande berline haut de gamme en Europe. En Corée ou aux Etats-Unis, Kia propose une grande berline sous les noms de K900 ou K9 suivant les pays, mais sans ambitions sportives et dynamiques. Si en France les ventes seront sans doute modestes (surtout dans cette version V6 3.3 Biturbo vendue 59 900 euros sans compter un malus actuel de 10 500 euros qui pourrait bien augmenter dès janvier 2018), la Stinger pourrait bien créer la surprise dans certains pays européens (et pourquoi pas l’Allemagne) mais surtout aux Etats-Unis (sans compter la Corée).
En France, pour tenter de faire malgré tout un peu de volume, une offre plus « traditionnelle » est aussi proposée : un 4 cylindres 2.2 litres Turbo Diesel de 200 chevaux disponible en propulsion ou 4 roues motrices. Sur d’autres marchés, on trouvera aussi un 4 cylindres Turbo essence 2.0 litres de 255 chevaux, en propulsion ou 4×4, modèle non retenu en France. Ailleurs encore, la V6 sera disponible en propulsion simple, un choix là encore non retenu en France, où l’on préfère une offre claire et simplifiée avec trois niveaux de finition (GT Line, GT Line Premium, et GT – réservée à la V6 –).
Avec 200 chevaux, version diesel perd le son du V6, le dynamisme et la sportivité (170 ch de moins, ça compte), mais son poids descend un peu (1778 kg en propulsion, 1849 en 4×4). Certes, il y a du couple, mais les performances baissent sensiblement, avec 230 km/h de vitesse de pointe (contre 270 pour la GT), et un 0 à 100 km/h effectué en 7,6 secondes : une version qui séduira les gros rouleurs ou les entreprises souhaitant conserver un design original tout en restant dans les clou niveau consommation et fiscalité. Tous les modèles disposent de la même boîte automatique à 8 vitesses qui, sans être un foudre de guerre, s’avère globalement réussie, suffisamment en tout cas pour profiter de la puissance du V6.
A l’intérieur, c’est plutôt bien ficelé, sans faute de goût, et bien assemblé. Malgré la présence de plastiques parfois un peu cheap, les matériaux sont globalement agréables au toucher, l’ergonomie est bonne, et tout tombe sous le sens. C’est d’inspiration germanique, et finalement, c’est ce que l’on fait de mieux aujourd’hui. Autant l’extérieur joue la carte de l’originalité, autant l’intérieur cherche à choquer le moins possible.
Après avoir sillonné Majorque à son bord, chatouillé les hautes vitesses, freiné fort, tourné vite et parfois sauté quelques bosses, que reste-t-il de cet essai ? A ceux qui se posaient la question, c’est une voiture très Boîtier Rouge : d’une part parce que sa diffusion sera certainement confidentielle, mais surtout parce qu’elle représente une proposition originale et décalée sur le marché qui pourrait séduire les amateurs de distinction automobile : ces gens qui justement pouvaient acheter une Saab il y a quelques années. Amusante à conduire et performante dans sa version GT, elle est largement suffisante pour un tarif raisonnable malgré son malus, d’autant plus que sa ligne originale lui permet de sortir du lot. Surtout, elle semble représenter une première marche historique vers le nouveau Kia, à l’image de ce qu’a pu être la V8 pour Audi à la fin des années 80 (lire aussi : Audi V8).
Certains diront qu’une telle voiture risque de perdre beaucoup de valeur à la revente en comparaison des allemandes : c’est vrai, même si c’est compensé par la fameuse garantie 7 ans ou 150 000 km offerte par Kia. Mais n’oubliez pas qu’une voiture c’est aussi un choix et que défendre ses convictions se paie aussi. Décider de rouler « différent » a un prix mais c’est celui qu’il faut payer pour avoir le plaisir de voir des modèles hors-normes, exotiques, différents et qui vont à l’encontre de la tendance générale à l’audisation de la société. A vous de voir !