Hino Renault 4CV : les tribulations d'une française au Japon
Les marques françaises ont toujours été marginales au Japon, vendant quelques milliers d’exemplaires par an. Du moins, c’est l’image qu’on en a aujourd’hui. Pourtant, dans les années 50, l’industrie automobile japonaise n’était pas aussi puissante qu’aujourd’hui, loin de là, et elle dut s’associer à des constructeurs occidentaux pour redémarrer après-guerre, et surtout pour apprendre (rapidement) l’ingénierie automobile et son industrialisation. C’est ainsi que, par une heureuse convergence d’intérêts la petite 4CV de chez Renault se retrouva produite au Pays du Soleil Levant !
A la fin de la seconde guerre mondiale, le Japon est terrassé après avoir subi deux attaques nucléaires, et son industrie est exsangue. Privé d’armée et d’ambitions diplomatiques, l’archipel va alors se consacrer au développement de son économie et à sa reconstruction. C’est l’industrie qui aura les faveurs du gouvernement Japonais, et notamment le fameux MITI. Aussi encourage-t-il fortement les alliances avec des constructeurs occidentaux pour motoriser le pays, mais aussi exporter. Cette stratégie mènera Toyota, 65 ans plus tard, en pole position des constructeurs mondiaux. Pourtant, en ce début des années 50, l’heure est à l’apprentissage.
De son côté, la France (qui elle aussi se reconstruit) encourage fortement ses constructeurs nationaux à exporter. Renault, qui mise beaucoup sur sa petite 4CV populaire, l’exporte déjà aux USA (par l’intermédiaire de l’importateur Green à New York) et sporadiquement au Japon. Seuls quelques exemplaires se vendent sur l’archipel à cause de taxes douanières très élevées. Mais la petite française tape dans l’oeil des dirigeants de la firme de poids lourds diesel Hino qui, poussé par le gouvernement, cherche à se lancer dans la production de voitures particulières.
Les français y voient un moyen de s’imposer sur un marché prometteur sans le handicap de lourdes taxes, tandis que les japonais, eux, mènent à marche forcée leur industrialisation. Le MITI impose en effet à Hino des minima de production : 2000 exemplaire la première année, 2600 la seconde, 3400 la troisième. Dans les accords signés par Hino, Renault et le MITI, il est aussi prévu de passer de 25 % de pièces japonaises à 75 % au bout de 12 000 voitures produites. La production de la 4CV commence en 1953 sous le nom de Hino Renault 4CV. La voiture est parfaitement adaptée aux besoins des japonais, et notamment les taxis qui en seront friands : robuste, économique, fiable et simple, elle peut transporter 4 personnes sur un réseau routier en piteux état.
La première année de production, toutes les pièces sont importées en kit (CKD) directement de France, mais conformément aux accords, les 4CV vont recevoir de plus en plus de pièces d’origine japonaise, pour aboutir à une voiture 100 % japonaise dès 1957. Entre temps, Hino apportera de nombreuses modifications, notamment le renforcement des trains roulants, à tel point que la 4CV japonaise est de bien meilleure qualité que sa sœur française. A cette époque, le torchon brûle entre français et japonais. Hino veut son indépendance, et arrêter de payer sa licence à Renault, qui finira par céder en contrepartie de la mise en fabrication de la Dauphine. Cette partie du contrat ne sera jamais respectée. Hino cesse de payer Renault dès 1957 tout en poursuivant la production de la 4CV !
Si la 4CV française cessera d’être produite en 1961, elle continuera sa carrière japonaise jusqu’en 1963. Une autre voiture japonaise lui devra beaucoup : la Hino Contessa, lancée en 1961. Si l’allure générale de cette voiture est originale, elle reprend soubassement et mécanique de la petite française. Elle sera produite jusqu’en 1967 seulement. Car bien mal acquis ne profite jamais ! Entre temps, Toyota a racheté Hino et décide de stopper la production d’automobiles particulières sous cette marque pour se consacrer à nouveau aux poids lourds.
Hino Contessa 900, sur base 4CV !En dix ans, Hino aura produit 34 853 exemplaires d’une 4CV nippone d’excellente facture et d’une qualité irréprochable. Si vous êtes amateurs d’exotismes, de modèles rares et de chasse au trésor, alors mettez-vous en quête d’une Hino 4CV histoire d’épater la galerie au prochain rassemblement, même s’il ne doit pas en rester beaucoup encore en circulation. Un beau challenge en perspective !