Fiat 128 : modernité et succès planétaire.
En 1969, Fiat présente sa 128 et entre assez tardivement dans la modernité. L’attente valut cependant la peine car sa nouvelle venue deviendra tout de suite une excellente référence européenne. Mieux encore, elle se retrouvera sur les marchés du monde entier et, dans ses différentes variantes, sera même produite pendant près de quarante ans !
Celle que l’on n’attendait plus
Dans les années 1960, les plus grandes marques européennes font preuve de modernité tandis que Fiat reste encore à la traîne en proposant une gamme pratiquement dépassée techniquement. Au chapitre des modèles de moyenne gamme, le constructeur turinois ne subsiste qu’en replâtrant son antique Fiat 1100 dont la conception remonte à 1939. Il devient alors urgent de se mettre à la page, notamment en proposant une traction avant, solution encore rare sur les autos italiennes. Sous le code de projet interne X 1/1, un nouveau modèle équipé des dernières solutions techniques est alors mis en chantier sous la direction du grand Dante Giacosa, père des voitures les plus populaires du constructeur turinois. Il devra être bien évidemment pourvu de la traction avant mais également d’un moteur en position transversale et d’une suspension à quatre roues indépendantes.
La gamme Fiat 128Côté motorisation, un nouveau 4 cylindres de 1116 cc à arbre à cames en tête est mis au point, d’une puissance de 55 chevaux autorisant un acceptable 140 km/h en vitesse de pointe. La boîte de vitesses reçoit une disposition transversale inédite à gauche du moteur qui ne tarda pas à faire école par la suite. Enfin, la distribution est entraînée par une courroie crantée au lieu d’une chaîne. Ici s’arrête la modernité car une classique carrosserie trois volumes à malle arrière est retenue. La nouvelle Fiat 128 est ensuite présentée en avril 1969. Dans ce segment très en vogue, le succès est immédiat. Se démarquant par son habitacle lumineux, son espace dédié à 80 % à ses occupants et son agrément de conduite, la Fiat 128 se voit décerner haut la main le prix de la Voiture Européenne de l’Année 1970.
En famille et en vitesse
L’industrie automobile européenne étant très dynamique au début des années 1970, il reste nécessaire de ne pas s’endormir sur ses lauriers. Fin 1969, une version break baptisée Familiare basée sur la 128 deux portes voit le jour. Les sportives populaires ne sont pas en reste et une multitude de petits coupés abordables commence à envahir le marché. Ainsi, en 1971, Fiat présente deux nouveaux modèles : la Fiat 128 Rally et la Fiat 128 Coupé. La première reprend la carrosserie de la berline 128 à deux portes munie d’une présentation intérieure et extérieure à caractère sportif. La seconde se présente plus comme remplaçante de la Fiat 850 Coupé et arbore une toute nouvelle carrosserie. Recevant le moteur de 1 116 cc poussé à 64 chevaux ou sa nouvelle version augmentée à 1290 cc apparue sur la 128 Rally, elle est disponible en deux finitions. La S reçoit des phares rectangulaires tandis que la SL arbore quatre phares ronds. Cette nouvelle variante était très attendue et, dès les premières semaines suivant sa présentation, pas moins de 2000 commandes sont enregistrées.
La Fiat 128 Familiare basée sur la 2 portesPragmatique !
La concurrence reste impitoyable et ne cesse de se moderniser à coup de Citroën GS, Alfa Romeo Alfasud ou autre Renault 5. Pour 1972, la Fiat 128 subit donc son premier coup de bistouri en s’offrant une calandre au motif redessiné, de nouveaux feux arrière, des pare-chocs troquant leurs butoirs métalliques pour une bande en caoutchouc ainsi qu’un volant et un levier de vitesse modifiés. En octobre 1973, la vilaine Crise Pétrolière pointe le bout de son nez et met sa petite pagaille dans la gamme 128. Pour minimiser les risques, la version Coupé est remodelée pour apparaître en 1974 sous la forme de la 128 3P. La partie arrière a été redessinée et a reçu un hayon pour accroître son habitabilité et viser une clientèle plus large en se donnant des airs de compacte familiale. En parallèle est lancée la Fiat 128 Spécial, équipée d’une présentation plus cossue et recevant des phares rectangulaires. Elle peut être équipée de l’éternel 1116 cc et du 1290 cc avec une puissance ramenée à 60 chevaux. Quant à la 128 Rally, elle s’éclipse en 1975.
Dernier lifting avant la fin
Malgré un contexte automobile en berne, la modernité ne cesse de poursuivre son chemin et à l’arrivée de la Volkswagen Golf ou de la Renault 14, toutes deux équipées d’un hayon, la Fiat 128 commence à faire figure d’ancêtre et les ventes s’en ressentent. Pour tenir le coup jusqu’à l’arrivée de sa remplaçante, elle est à nouveau restylée en 1976. Le fantastique plastique est désormais devenu incontournable et se retrouve en abondance, des boucliers à la nouvelle planche de bord en passant par la calandre. Les phares rectangulaires se généralisent sur la gamme et de gros feux arrière trapézoïdaux font leur apparition. La Familiare prend l’appellation de Panorama et reçoit des vitres arrière entre-ouvrantes en une seule partie. La Fiat Ritmo arrive au printemps 1978 et pousse encore plus la 128 vers la porte de sortie. Cette même année, seul le moteur 1116 cc est maintenu au catalogue. La Fiat 128 ne subsiste plus qu’en guise de modèle amorti dont le seul atout reste le prix d’achat. En 1980, les Fiat 128 Panorama et 3P tirent leur révérence. Quant à la berline, elle voit sa production stoppée en septembre 1983 avant de se retirer très discrètement du catalogue en 1985 après un écoulement laborieux des stocks.
Après la Berlina 2 portes et 4 portes, la Familiare, voici la Fiat 128 3PUn carton à l’international !
Voiture d’avant-garde dans l’Europe de 1970, la Fiat 128 fut également produite en dehors de l’Italie et rencontra une immense popularité au point de devenir un mythe national sur quatre roues. L’exemple le plus éloquent concerne la Yougoslavie. Le constructeur d’état Zastava produit des Fiat sous licence depuis 1954 et mit véritablement le pays sur quatre roues en produisant, dès 1955, la Zastava 600, réplique de la Fiat 600, produite jusqu’en 1985 ! L’arrivée de la moderne 128 est un nouvelle opportunité de succès. Toutefois, les ingénieurs de Zastava conçurent un modèle propre au marché yougoslave avec un bon sens tellement évident qu’il reste encore aujourd’hui peu compréhensible qu’il n’ait pas été proposé ailleurs par Fiat… sauf peut-être si l’on considère son esthétique. Ainsi, en octobre 1971, Zastava présente sa Z-101 qui n’est ni plus ni moins qu’une Fiat 128 arborant un hayon arrière. En parallèle est également lancée la Z-128, fidèle copie de notre bonne 128 traditionnelle. Pétrie de toutes les qualités de la Fiat 128 mais disposant de l’atout non-négligeable qu’est son hayon, la Zastava 101 est élue voiture yougoslave de l’année 1972. L’auto suivra un parcours sans encombres et sera exportée en Pologne et assemblée en Égypte en CKD. Même la France connaîtra ce modèle exotique grâce à son importation par le téméraire réseau Chardonnet. Malgré de lourdes perturbations de la production au début des années 1990 en raison de la guerre, la Zastava 101 ne quittera les chaînes de fabrication serbes qu’à la fin de l’année 2008 !
L’autre terre promise de la Fiat 128 était l’Argentine. Assemblée sur place dès 1971 par la filiale locale Fiat Concord, la 128 n’est disponible qu’en carrosserie quatre portes. Le pays eut également sa version autochtone : la 128 Rural, version break, équipée de cinq portes, nettement plus adaptée aux familles que la Familiare italienne. Restylée en 1979, la 128 prend alors le nom de Fiat 128 Europa. Un nouveau lifting propre à l’Argentine intervient en 1983 où l’auto reçoit des pare-chocs plus enveloppants mais également de nouvelles faces avant et arrière inclinées. Désormais pourvue de l’appellation Super Europa, elle peut recevoir des équipements inédits tels la climatisation ou le revêtement intérieur en velours côtelé. La production argentine prend fin en 1991. Notons également que la Fiat 128 fut aussi produite en Colombie. Au total, pas moins de 4 428 674 exemplaires ont été assemblés.
La 128 dans sa dernière version produite jusqu’en 1983Si discrète et pourtant…
Dans le monde de la collection, la Fiat 128 reste aujourd’hui rare et, à l’exception de ses variantes sportives, elle ne suscite qu’un petit intérêt. Il est vrai que sa fiabilité a permis d’user les nombreux exemplaires jusqu’à la corde et que la corrosion livrée en série s’est chargée d’achever le travail. Elle n’en demeure pas moins une excellente auto dans laquelle tout conducteur trouve facilement ses marques et sa ligne de brique à roulettes bien de son temps ne manque pas de charme. Les rares berlines en excellent état prétendent tout de même à des tarifs plutôt gonflés. Pourquoi ne pas donc se rabattre sur une exotique Zastava 101, bien plus accessible et qui vous fera briller par votre originalité ?
Texte : Aurélien Charle