AC 428 “Frua” : la rivale
Dans les années 60, une petite marque britannique cherche à rivaliser avec les ténors italiens du Grand Tourisme, Maserati et Ferrari en particulier. Misant sur un châssis de course, un gros moteur américain et un design transalpin, AC pense pouvoir conquérir une riche clientèle avec sa toute nouvelle 428. En coupé comme en Spider, l’AC 428 s’avère une voiture ultra-performante, belle, mais surtout très chère et manquant de développement. Une voiture méconnue aujourd’hui, dont voici la courte histoire.
Au début des années 60, le petit constructeur britannique de Thames Ditton, AC, a le vent en poupe. Certes, les années 50 ont été dures et pour survivre, il aura fallu fabriquer des sacs de golf, et même des trains pour la cité balnéaire de Southend on the Sea, mais l’entreprise des frères Hurlock rencontre désormais un certain succès grâce à l’Ace (connue pour sa version Bristol) et son dérivé américain conçu avec Carroll Shelby, la Cobra. Certes, AC manque encore cruellement de moyens, mais les succès et la qualité de son châssis maison lui font espérer de nouveaux horizons.
Concevoir une GT pour monter en gamme
Tout part justement du châssis. Conçu dans les années 50, il s’avère particulièrement réussi, surtout depuis qu’il a été retravaillé et renforcé pour la Cobra MkIII. Léger, rigide et robuste, il est une excellente base pour un nouveau véhicule. Dereck Hurlock imagine alors monter en gamme en concevant une GT capable de concurrencer l’Aston Martin DB5 ou la Maserati Mistral, avec une idée simple : concilier la sportivité avec le confort du grand tourisme, le tout sous une élégante robe à l’italienne.
Pour la sportivité, la base est toute trouvée : le châssis de la Cobra MkIII ! Pour donner à la future GT des dimensions plus généreuses, ce dernier est rallongé de 6 pouces (150 mm) mais il conserve toutes ses qualités de rigidité et de robustesse. Côté moteur, on fait toujours confiance à Ford avec le V8 FE de 428 ci (7 016 cc) développant la bagatelle de 345 chevaux. De quoi largement rivaliser avec la concurrence italienne ou anglaise malgré l’origine américaine du moteur.
Une robe italienne pour la petite anglaise
Pour rendre la petite anglaise élégante, on décide de faire appel à un grand couturier italien, Pietro Frua. N’a-t-il pas réussi un chef-d’oeuvre avec la Maserati Mistral ? D’ailleurs, la robe rendue par Frua ressemble par bien des aspects à la GT de Modène mais assure à l’anglaise une élégance évidente, que ce soit en Spider (2 places) ou en coupé (2+2). L’AC 428 (rapidement surnommée AC “Frua”) est présentée à Earls Court en 1965 dans une version Spider. La belle anglaise reçoit un accueil chaleureux et la production est lancée courant 1966.
Parlons-en de la production, justement. Frua n’a pas fait que dessiner la ligne de la belle : il s’est aussi invité comme prestataire “carrosserie”. Dès lors, un meccano industriel est organisé : les châssis sont produits à Thames Ditton puis envoyés à Turin pour y recevoir leur carrosserie en acier (et non en aluminium comme les Cobra). Les caisses sont alors renvoyées en Angleterre pour y recevoir leurs mécaniques, intérieurs et accessoires. Cette organisation insensée va avoir un impact direct sur… le prix. La toute nouvelle Aston Martin DB6, déjà hors de prix, coûte bien moins cher qu’une AC 428 : cela fait un peu cher pour s’offrir un peu d’originalité, 5 573 livres quand une Jaguar Type E n’en coûte que 2 225 !
Prix démesuré et fiabilité aléatoire
Pire, le manque de moyens qui se fait régulièrement sentir chez AC empêche d’assurer à la 428 un développement digne de ce nom : les premiers clients paieront les pots cassés, avec des V8 en surchauffe sous le capot et un châssis sensible à la rouille. Dommage car l’AC 428 s’avère être une réussite par ailleurs. Non seulement la voiture est puissante, mais elle offre aussi beaucoup plus de couple que ses rivales.
Oui mais voilà, entre un prix démesuré et une fiabilité douteuse, toutes les qualités de la voiture ne suffisent pas pour convaincre une large clientèle. L’AC 428 sera maintenue au catalogue de 1966 à 1973 mais ne sera produite qu’à 81 exemplaires (3 prototypes, 49 coupés et 29 cabriolets). Aujourd’hui, il n’en resterait qu’une trentaine, ce qui fait de cette GT britannique une vraie rareté.
C’est sans doute parce qu’elle est peu connue, qu’elle change un peu des sempiternelles Bristol ou Cobra, que cette 428 est aujourd’hui tellement désirable. Fiabilisée et traitée pour la rouille, elle peut être un excellent choix pour un collectionneur averti (et fortuné car sa cote augmente jour après jour), mêlant conception britannique, moteur américain et ligne italienne. Le meilleur des trois mondes ?