Toyota 2000 GT : révélation nippone
La Toyota 2000 GT est une auto à part : superbe, digne des meilleures européennes de l’époque, elle représentait le savoir-faire japonais à une époque où l’on regardait les productions du soleil levant d’un air inquisiteur, voire dédaigneux. Malgré des petits modèles sympas et attachants dans les années 60 (S-Series chez Honda, Sports 800 chez Toyota), les japonaises souffrent encore d’un mal bien connu : le complexe de supériorité des marchés occidentaux. Il fallait être sacrément pointu et iconoclaste pour s’offrir une japonaise sportive dans les années 60… Jusqu’à ce que Toyota présente en 1965 sa 2000 GT, qui d’un coup d’un seul prouvait au monde qu’il allait falloir compter avec les nippons.
Paradoxalement, la Toyota 2000 GT aura marqué le monde avec une production lilliputienne : 337 exemplaires seulement. Peu importe, car le dessein de Toyota n’était pas de faire du volume, mais de marquer les esprits. Une idée presque collégiale dans l’archipel tant cette voiture fut en réalité l’oeuvre de plusieurs constructeurs. La paternité du projet revient à… Nissan, car c’est bien une autre marque nippone qui veut émerger au niveau international. Pour réaliser le châssis, sportif comme il se doit, Nissan va s’adresser à Yamaha qui, outre sa production de motos ou de pianos, s’occupe d’ingénierie.
Le prototype Toyota 2000 GT de 1965Pensée chez Nissan, née chez Toyota
Nous sommes au début des années 60, et Nissan, malgré ses ambitions, va finalement faire machine arrière, laissant son compatriote Yamaha avec un châssis sur les bras. Cela tombe finalement bien car Toyota, à l’époque, avait décidé de s’attaquer au marché de la “petite sportive” comme Honda. En gestation, sa Sports 800 qui bénéficierait, personne n’en doute, de l’aura d’une grande soeur bien mieux pourvue qu’elle. Les études menées par Yamaha tombent bien, et c’est ainsi que le projet Nissan change de main.
la Toyota 2000 GT Convertible, produite à deux exemplaires pour les besoins de James BondPour habiller le châssis très rigide et léger (mais séparé) conçu par Yamaha, Toyota va s’adresser à une valeur sûre “européenne”, Albrecht von Goertz, élève de Raymond Loewy (créateur de son côté de la Studebaker Avanti), et qui quelques années plus tôt avait créé un chef d’oeuvre, la BMW 507. Dans la lignée de cette dernière, mais aussi inspirée, sans doute, par la Jaguar Type E, Goertz créera une silhouette au long capot avant propice à accueillir en son sein le 6 en ligne japonais de 2 litres développant 150 chevaux SAE en position longitudinale.
Synthèse du monde occidental
D’une certaine manière, la 2000 GT est une synthèse de ce qui se fait à droite ou à gauche en matière de design, et c’est sans doute ce qui en fait son intérêt : des feux avant escamotables (qui deviendront à la mode par la suite), un profil de Type E, un arrière de Ferrari, la liste est longue des influences (d’autant que chacun, en la regardant, verra midi à sa porte). Le plus étonnant c’est qu’elle paraît grande alors qu’elle ne l’est pas tant que ça, avec 4,17 m de long. D’ailleurs, l’intérieur est minuscule et ne laisse la place qu’à 2 passagers.
Révélée en 1965 au Salon de Tokyo, la 2000 GT fait immédiatement sensation. Il faudrait vraiment être borné pour ne pas s’apercevoir de la beauté de la bête, de ses suspensions à 4 roues indépendantes, de son 6 en ligne à culasse en aluminium et de ses 4 freins à disque, autant de raffinements rares à l’époque. A la japonaise, le moteur ne délivre sa pleine puissance que très haut dans les tours, tandis que sa zone rouge est marquée au compteur entre 7 000 et 9 000 tours par minute. Un caractère sportif qui se voit dans les chiffres avec 8,4 secondes aux 100 km/h, une valeur là encore très respectable pour l’époque.
De James Bond à la piste
En juin 1966, la Toyota 2000 GT gagne à Suzuka (s’offrant un doublé) avec un moteur gonflé à 200 chevaux, de quoi rassurer la clientèle qui découvre en vente libre la belle geisha à partir de 1967. La même année, elle s’offre un beau coup de pub en apparaissant dans le James Bond “On ne vit que deux fois”, en version cabriolet (produite à seulement 2 exemplaires pour les besoins du film). Chère, exotique, la voiture aura malgré tout du mal à trouver sa clientèle. Afin de tester le marché américain, 9 exemplaires dotés d’une boîte automatique seront produits, mais Toyota arrêtera les frais en 1970 : la démonstration était faite, pas la peine d’y laisser sa chemise.
Aujourd’hui, les qualités de la 2000 GT, tant techniques qu’esthétiques, ne sont plus à prouver. La rareté du modèle et le soudain intérêt de ceux qui la dédaignaient parfois font que cette voiture n’est plus accessible. Au début de ce siècle, on pouvait encore faire des bonnes affaires alors qu’aujourd’hui… Sachez que Toyota France a racheté un modèle au bon moment et l’a restauré : un essai se profile.