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RIMAC

Rimac Automobili : la start up automobile qui séduit jusqu'à Porsche

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 20/06/2018

La Croatie n’est pas une grande terre automobile, ni le siège reconnu de nombreuses start-up… L’image folklorique qu’elle renvoie fait irrémédiablement penser à la Syldavie décrite par Hergé alors que sa voisine, la Slovénie, abrite depuis plus de 40 ans la fameuse usine de Novo mesto, aujourd’hui propriété de Renault (lire aussi : Novo mesto), et qu’un temps Citroën y fabriqua des voitures (lire aussi : Cimos), que la Serbie se targue d’une certaine histoire automobile (lire aussi : Zastava), et que même la Bosnie disposait de ses usines (lire aussi : TAS Volkswagen), en Croatie, rien, nada, whallou ! C’est pourtant là qu’est née l’une des plus discrètes, reconnues et prometteuses start-up de l’automobile électrique.

Mate Rimac, à tout juste 30 ans, est déjà un homme qui compte dans le monde de l’automobile électrique

Son destin aurait pu être celui du constructeur français Exagon et c’est vrai qu’à ses débuts, en 2009, rien ne laissait présager d’un futur radieux, d’une place centrale dans le domaine de la voiture dite « EV ». Mate Rimac, fondateur de la marque éponyme, va se lancer un peu par hasard en 2007, à 18 ans. Son premier véhicule électrique n’est autre que sa propre BMW 323i E30 qu’il a proprement rincée à drifter sur tous les parkings de Zagreb : résultat, moteur explosé, et passage dans le garage de la maison familiale de la petite ville de Samobor pour être transformée, grâce à des pièces achetées sur internet, un peu de débrouille, beaucoup d’imagination et de talent, en un véritable véhicule électrique.

l’e-M3, surnommée Green Monster, première réalisation de Rimac, et mulet de la Concept One

Du propre aveu de Mate Rimac, cette première mouture de celle qu’on allait appeler « Green Monster » n’était pas satisfaisante : trop lourde, pas assez puissante, en bref, pas assez performante pour le jeune homme, mais suffisamment réussie pour convaincre la famille et les amis d’investir (le fameux « love money »), ainsi que quelques business angels locaux. Fini le bricolage dans le garage, place à une vraie entreprise créée en 2009, Rimac Automobili. Comme quoi, une E30, ça mène à tout, et il faut savoir en sacrifier une pour avancer, n’en déplaise à ceux qui pensent qu’il faut toutes les sauver en l’état.

La Concept One présentée en 2011, est la première réalisation de Rimac

Avec l’argent réuni, Mate Rimac va faire appel à de vrais experts, avec l’ambition de faire la voiture de sport électrique la plus rapide du monde, rien que cela. Là encore, c’est la BMW E30 devenue verte (d’où son surnom de Green Monster) qui va servir à la petite équipe pour se faire la main et progresser. En 2011, celle qu’on peut considérer comme le mulet de toutes les Rimac suivantes atteignait les 100 km/h en 3,3 secondes pour une puissance totale de 601 chevaux et une vitesse de pointe de 280 km/h ! A force de prendre des chevaux, Green Monster prit un nom plus officiel : e-M3, rien que cela.

L’e-M3, malgré son côté folklorique, permit aux équipes de Rimac de se faire la main, de tester des solutions, mais il n’était bien évidemment pas prévu d’en faire autre chose qu’un mulet pour le véritable projet de Mate Rimac : une supercar. Pourtant (il faut bien vivre, et cela permit à Rimac d’engranger ses premières rentrées), quelques exemplaires de l’e-M3 furent produits pour d’irréductibles amoureux de l’E30 !

La Concept One telle qu’elle fut présentée à Francfort en 2011, et la version « de série » en bleu à ses côté

Mais l’e-M3 n’était qu’un apéritif. Les débuts de la reconnaissance internationale vinrent avec le premier modèle entièrement conçu par Rimac, la Concept One, présentée à l’IAA de Francfort en 2011. Le design moderne du à Adriano Mudri tâtonne encore mais pas la technique, avec 1241 chevaux, le 0 à 100 en 2,5 secondes et une vitesse maxi de 340 km/h. Côté autonomie, Rimac annonce 499 km par charge, grâce à sa batterie de 90kWh Lithium/Nickel/Manganese/Oxyde de Cobalt. La voiture attire de nouveaux investisseurs, mais aussi des clients, puisque 8 exemplaires seront vendus entre 2013 et 2014, et deux de plus en 2016 avec une version encore plus extrême appelée Concept S, allégée, encore plus puissante (1384 chevaux), et au design retravaillé. Deux exemplaires seront produits, s’ajoutant aux 8 Concept One.

La Concept One de série, vendue à 8 exemplaires (plus deux versions S)

Avec la Concept One, Rimac faisait la preuve de son sérieux, mais aussi de la viabilité de son modèle : outre la commercialisation de 10 exemplaires d’un véhicule hors de prix et sans image, Mate Rimac avait compris que pour exister, il ne fallait pas se contenter de vendre une supercar, mais de devenir l’un des leaders de la technologie électrique. La Concept One servira ainsi de base à la conception d’une autre supercar électrique, espagnole celle-là, réalisée par la société Applus+ Idiada et dénommée Volar-e. Dès lors, Rimac allait devenir en complément un fournisseur de technologie, et notamment de batteries ! Parallèlement, Mate Rimac lançait aussi une filiale de vélo électrique appelée Greyp Bikes (le modèle G12 se vend aujourd’hui aux alentours de 8500 euros).

Rimac produit aussi des vélos électriques sous la marque Greyp Bikes

Après avoir présenté la Concept S déjà citée en 2016, Mate Rimac se lançait donc dans l’aventure avec intelligence : produire des supercars, mais aussi les vendre, tout en s’en servant pour promouvoir sa technologie de batteries, chaînes de traction, petits moteurs électriques à destination des voitures hybrides mais aussi interfaces digitales. Son cœur de business : vendre de la technologie utilisable sur un vélo, une moto, un véhicule hybride ou totalement électrique. En 2017, Rimac levait ainsi 30 millions d’euros auprès de Camel Group, un gros fabricant de batteries chinois, sans pour autant perdre la majorité au capital. De quoi poursuivre ses projets, qu’ils soient sous sa propre marque ou pour des clients.

La Concept Two sera produite à 150 exemplaires à partir de 2019

L’Aston Martin Valkyrie ou la Koenigsegg Regera vous font rêver ? Elles embarquent toutes les deux de la technologie signée Rimac (moteur électrique et batterie). Renault est aussi client pour les interfaces, tandis que Jaguar a fait appel à la société croate pour la réalisation de la Jaguar E-Type Zero aperçue lors du mariage du Prince Harry et de Meghan. Pas mal pour une petite société croate venue de nul part !

La Jaguar E-Type Zero s’offre batterie et moteur made by Rimac

Au salon de Genève 2018, Rimac faisait sensation en présentant la Concept Two, une sportive au design abouti, et dotée cette fois-ci d’un moteur électrique tutoyant les 2000 chevaux (1914 pour être précis). Mieux, après le coup d’essai de la Concept One, Rimac se voit enfin en producteur d’automobile à part entière avec une prévision de 150 exemplaires produits pour la Concept Two à partir de 2019.

L’Aston Martin Valkyrie utilise un petit moteur électrique et une batterie signée Rimac, tout comme la Koenigsegg Regera dans sa version hybride

Loin des coups de com’ de l’américain Elon Musk, et moins mégalo sans doute, Mate Rimac aujourd’hui âgé de 30 ans envisage l’avenir sereinement : là où par exemple Exagon ou Venturi ont échoué (lire aussi : Venturi arrête la production de voitures électriques) à vendre leurs voitures et à devenir des équipementiers sérieux pour l’industrie automobile, Rimac poursuit son bonhomme de chemin, avec près de 400 employés. Et depuis hier, on sait que l’entreprise croate dispose d’un nouvel actionnaire, à hauteur de 10 %, et pas des moindres : Porsche AG s’est en effet invité au capital, histoire de profiter lui aussi du succès du petit fabricant et de son génial et discret jeune patron. Pas mal non ?


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