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Monteverdi High Speed 375 : Grand Tourisme helvétique

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 19/08/2022

De l’argent, des voitures, de la trahison, un soupçon de mégalomanie, ne manque plus qu’une histoire de fesses pour faire de l’histoire de la Monteverdi High Speed 375 un scénario hollywoodien parfait. Cette GT suisse à la robe italienne et au moteur américain, élégante et puissante, n’aura pourtant séduit qu’un petite centaine de clients entre 1968 et 1976. Entre difficultés de production, crise pétrolière, coût prohibitif et taux de change pénalisant, la Monteverdi High Speed 375 n’aura pas connu le même succès qu’une Jensen Interceptor utilisant pourtant la même recette.

La High Speed 375S signée Frua

Notre histoire commence à Bâle, dans les années 50. En 1956, le jeune Peter Monteverdi reprend le garage de son père, qui représente alors en Suisse les marques Jensen, Lancia, Rolls-Royce et Bentley. Il a alors à peine 22 ans. Dynamique, amateur d’automobiles, pilote à ses heures, il réussit à convaincre Enzo Ferrari de distribuer ses bolides dans la confédération helvétique. Il récupère aussi l’enseigne BMW et se constitue un solide capital qui lui permet de voir grand au début des années 60.

Le prototype High Speed 375L signé Frua

Créer une GT suisse

À côté de ses activités commerciales, Peter Monteverdi se pique de créer des automobiles, de course d’abord, mais aussi de petits coupés, sans aller plus loin. Mais à l’instar de Ferruccio Lamborghini créant sa marque en 1963 suite à un différend avec Enzo Ferrari, Peter Monteverdi profite d’une brouille avec le Commendatore pour envisager de créer la sienne. L’expérience de Facel Vega, de Jensen qu’il distribue, ou celle d’Iso Rivolta, lui permet de croire que l’alliance d’un moteur puissant, simple à entretenir et produit en grande série (donc bon marché) d’origine américaine sur un châssis à l’européenne et enrobé d’une carrosserie de style, forme la martingale de l’automobile des années 60.

La 375L signée Fissore, la plus répandue des High Speed Monteverdi

Son projet prend forme en 1965 : Monteverdi se lance dans la conception d’un châssis tubulaire en acier maison associé à des suspensions évoluées et un pont arrière De Dion. La voiture dispose aussi de 4 roues indépendantes dotées de freins à disques. Pour la carrosserie, Peter Monteverdi va faire appel à un maître italien en la matière : Pietro Frua. Celui-ci livre une copie très classique, mais équilibrée, avec de faux airs de Maserati Ghibli. La Monteverdi High Speed 375S est présentée en septembre 1967 au salon de Francfort.

La 375S revue par Fissore, avec sa face avant modifiée

De Frua à Fissore

Malgré un certain conservatisme dans le style, la 375S, stricte deux places à moteur central avant (donc très repoussé dans le compartiment moteur), rencontre un certain succès d’estime et conforte Peter Monteverdi dans l’idée de lancer la production, surtout qu’il sent une certaine demande pour une version 2+2 appelée 375L qu’il présente peu de temps après, à Genève en mars 1968, toujours dessinée par Frua. Sous le capot, on trouve un V8 d’origine Chrysler 440ci (soit 7,2 litres) développant 375 chevaux dans sa version standard et accouplé soit à une BVA TorqueFlite à 3 rapports, soit à une BVM ZF à 5 rapports.

En haut, la 375C et en bas, la gamme 375L, 375/4 et Palm Beach

L’organisation industrielle est un peu compliquée : Monteverdi sous-traite la fabrication des châssis à Bâle puis les équipe de leurs éléments mécaniques (moteurs, suspensions). Ils sont alors envoyés à Turin pour y recevoir leur carrosserie en acier, leur accastillage et leur mobilier intérieur avant de repartir à Bâle chez Monteverdi. Outre le surcoût d’une telle organisation, Monteverdi se heurte aux limites de production de Frua après la production d’une douzaine d’exemplaires seulement, en 6 mois ! Monteverdi rompt alors le contrat pour le confier à Fissore. Tout n’est pas clair dans cette affaire : quelles sont les vraies raisons de la discorde ? Difficile à dire, mais notre ami suisse espère pouvoir fabriquer ses coupés (375S et 375L) tranquillement chez Fissore sans rien modifier. Pietro Frua ne laissera pas faire et imposera d’importantes modifications de style. D’autant qu’il se dit que Monteverdi aurait laissé une ardoise derrière lui.

La 375/4 et son étonnant coffre

Fissore va donc remanier la 375S, changeant poupe et proue, tandis que la 375L voit son profil considérablement modifié. La 375L est présentée au salon de Genève en mars 1969 et la production peut enfin commencer sur un rythme un peu plus soutenu, même s’il reste à un train de sénateur. La 375S, elle, ne sera commercialisée qu’à partir de 1970. Cette même année, Monteverdi présente la 375/4, une version 4 portes dérivée de la 375L. Un an plus tard la gamme est complétée par un cabriolet dénommé 375C sur la base de la 375S. Début 1972, la 375S est restylée pour devenir Berlinetta GT tandis que la 375C devient Palm Beach !

Une diffusion confidentielle

Malgré cette gamme étendue, les Monteverdi High Speed 375 resteront confidentielles : 12 375S “Frua”, 1 prototype 375L du même carrossier, 66 exemplaires de la 375L “Fissore”, 6 exemplaires de 375S “Fissore”, entre 13 et 28 exemplaires de 375/4 (les chiffres divergent, mais il semble que le chiffre 13 soit le plus proche de la vérité), 2 375C (dont un resta à l’usine) et sans doute une poignée de Berlinetta et Palm Beach , soit en tout et pour tout entre 100 et 130 unités produites entre 1967 et 1976. Autant dire que la voiture est rare. Entre-temps, Monteverdi changera son fusil d’épaule avec des berlines plus “modestes” comme la Sierra ou la Tiara, ou des 4×4 de luxe comme le Safari, le Sahara ou le Range Rover Monteverdi-Fissore. La marque suisse finira par faire faillite en 1984.

L’ultime Berlinetta GT

Aujourd’hui, la Monteverdi High Speed 375 vaut surtout pour sa rareté plus que pour sa noblesse mécanique. Moins connue que les Jensen ou les Iso-Rivolta, elle cultive un certain décalage et, il faut bien dire, un snobisme qui la rend particulièrement désirable, d’autant que sa ligne classique a bien vieilli. Après, ne vous attendez pas à une sportive : avec 1 645 kg sur la balance, elle distille certes des sensations grâce à son gros moteur, mais n’est pas agile pour un sou. Il faudra en outre anticiper les freinages pour stopper cette lourde suissesse.

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