Maserati Mexico : à la conquête du Nouveau Monde
En ce début des années 60, Maserati bénéficie d’un certain prestige malgré le départ de frères fondateurs à la fin des années 40. Elle reste cependant une petite officine soutenue au forceps par la famille Orsi. C’est pourtant à cette époque que la firme de Modène va multiplier les modèles au gré des marchés et selon les demandes d’outre-Atlantique. C’est ainsi que naîtra la Maserati Mexico, profitant du hasard d’une réparation pour devenir un modèle à part entière.
A l’origine, on trouve un prototype de grand coupé 4 places dessiné par Vignale et son styliste Virginio Vairo. Basé sur un châssis de 5000 GT, il en reprend le V8 4,7 litres et offre un style particulièrement réussi, tout à fait dans la tendance des grands coupés destinés à l’Amérique (on trouvera notamment quelques similitudes, notamment intérieures, avec la Jensen Interceptor, produite par Vignale à la même période). Ce proto doit être présenté au Salon de Turin 1965, mais pour l’heure, il stationne dans les ateliers de Modène. Or, au même moment, un riche mexicain du nom de Diaz Barroso apporte sa 5000 GT (rachetée en seconde main en 1961 au président du Mexique de l’époque Adolfo Lopez Mateos) chez Maserati suite à un grave accident : il s’agit presque d’une reconstruction.
Vignale aux commandes
En apercevant le prototype Vignale, Barroso propose de le racheter, tout en y apportant le numéro de série de sa propre 5000 GT afin d’éviter les droits de douane. Le nom de la future voiture était tout trouvé : ce sera donc Mexico. Le hasard faisant bien les choses, John Surtees gagne l’année suivante le Grand Prix du Mexique pour Cooper-Maserati, permettant à la marque de conserver (par chance) la logique d’un nom de course gagnée initiée par la Sebring.
Présentée à Turin fin 1965 puis au concours d’élégance de Rimini d’août 1966, la Mexico fait un tabac auprès du public. Elle colle parfaitement à l’idée du Grand Tourisme de l’époque, tout en proposant 4 vraies places dans un confort de haut standing (cuir, bois, climatisation, vitres électriques le tout de série ; BVA, autoradio et direction assistée en option). Son style est moderne et élancé, tout à fait dans l’air du temps, et particulièrement adapté au marché américain justement visé.
Soeur de Quattroporte
Pour la voiture de série, Maserati va choisir le châssis raccourci de la Quattroporte plutôt que celui de la 5000 GT d’origine. Pour le moteur, c’est le bien le V8 4,7 litres qu’on trouve sous le capot avant, développant 290 chevaux, mais rapidement, une version 4,2 litres de 260 chevaux (celle de la Quattroporte) s’ajoute au catalogue. A cette époque, la concurrence est anglaise (Aston Martin DB6, Jensen Interceptor) ou italienne (Ferrari 365 GT 2+2, Lamborghini Espada ou Iso Rivolta IR300). Comme ses adversaires, la Mexico est chère, coûtant 5 fois le prix d’une Citroën DS21 en 1969. Autant dire qu’elle se réserve à une élite.
A partir de 1969, la Mexico évolue un peu à l’extérieur (nouvelles poignées de portes) et à l’intérieur (tableau de bord modernisé)La Mexico n’est pour autant pas un four : elle reste dans le “trend” de Maserati de l’époque. On était encore dans l’artisanat, le partenariat avec Citroën se profilait et, d’une certaine manière, la marque initiait ce qui deviendrait une habitude dans les années 80 avec la Biturbo et sa multiplication de modèles. A cette époque, la Sebring est encore au catalogue, la Quattroporte fait ses premiers pas, la 5000 GT tire sa révérence, mais la Mistral tient son rang. Une gamme presque pléthorique pour un si petit constructeur qui s’apprête cependant à lancer son chef d’oeuvre, la Ghibli, sur la base de cette Mexico.
Initiatrice d’une certaine Ghibli
La Mexico sera cependant un peu éclipsé par cette dernière : la Ghibli faisait passer un cap à Maserati : quant la Mexico se vendait à 482 exemplaires (entre 1966 et 1972) dont 305 unités de la 4.2 et 175 de la 4.7 (sans oublier une unique 4.9 et une L6 3.7), la Ghibli trouvait 1 295 clients et marquait définitivement les aficionados de la marque.
Elle n’est pas une sportive à proprement parlé, s’apparentant à la logique des GT britanniques : beau moteur, châssis correct, espace confortable. La Ghibli, pour cela, s’avère plus incisive, mais la Mexico a pour elle la rareté et l’antériorité, alors qu’elle coûte deux fois moins cher aujourd’hui. Certes, le physique peut jouer, la Mexico semblant plus datée ainsi que plus bourgeoise. Cependant elle est une belle transition entre la Quattroporte et la Ghibli de ces époques-là.