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Manic GT : l'Alpine québécoise aura fait long feu

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 11/02/2015

L’industrie automobile canadienne n’existe que par la présence sur son sol d’usines produisant pour des marques étrangères (GM notamment), mais il y eu plusieurs tentative de créer de toutes pièces un constructeur national. Je vous avais déjà parlé de la Bricklin SV1, voici aujourd’hui l’histoire de la Manic GT !

Manic GRAC 01 (la presse.ca)

Moi lorsque j’entends ce nom, je pense directement aux gants de cuisines permettant de porter un plat chaud (les fameuses maniques), mais dans ce cas précis, il s’agit d’une marque canadienne, et même plus précisément québécoise, qui tourna court au début des années 70. C’est pas si facile de devenir un constructeur automobile, quelle que soit la qualité de la voiture proposée. Avec la Manic, le Québec s’est rêvé une marque automobile, inspirée largement d’Alpine.

Jacques About (losorigenes.net)

Tout commence d’ailleurs dans les années 60, au sein de la structure canadienne d’importation de la Régie Renault. Jacques About y est chargé de la communication et des relations publiques. C’est un montréalais d’origine française, passionné et enthousiaste, et lorsqu’on lui confie le soin d’étudier les possibilités d’importation des Alpine au Canada, il s’y jette à corps perdu. Malgré cela, la Régie Nationale renoncera au projet ! Si les Alpine ne seront jamais importées au Canada, cela donne des idées à notre jeune ami. Cette étude de marché lui a ouvert des perspectives : il y a la place pour un constructeur d’une petite GT deux places, utilisable au quotidien, efficace, et relativement abordable !

GT 01 La Presse point CA

Si Renault ne veut pas se lancer avec Alpine, qu’à cela ne tienne, il créera l’Alpine québécoise : ce sera la Manic GT. En 1968, il créé la société Manic Inc (un hommage au barrage électrique Manic 5, sur la rivière Manicouagan). Dans un premier temps, afin de faire connaître la marque, de montrer le sérieux de son entreprise et de convaincre des investisseurs, il participe à la Formule 2 avec sa Manic-Grac et le soutien du cigarettier français Gitane. Mais il ne s’agit que d’un amuse gueule. About est un communicant, voire un vrai commercial, et il réussit à convaincre Bombardier (ce n’est pas rien au Canada), Steinberg, les gouvernements canadien et québecois de financer son entreprise à hauteur de 1,5 millions de dollars.

GT 07

En avril 1969, au salon de Montréal, le premier prototype de la Manic GT est présenté au public avec succès. La base de la GT est très française, puisqu’il s’agit du châssis de la Renault 8, et de son moteur à l’arrière, un 4 cylindres de 1289 cm3 développant 65 ch (voire 80 ou 105 ch selon les configurations). La ligne est, elle, totalement originale, mais reste très « française ». C’est en effet le designer français Serge Soumille qui s’est charhé de la dessiner. Il s’agit d’une carrosserie réalisée en polyester. Une usine est trouvée à Granby, et 40 salariés s’apprêtent à produire les premières GT. A terme, on prévoit la production de 2000 exemplaires par an, rien que cela.

GT 04 (The Truth about cars)

Vous vous en doutez, l’aventure tournera court le 29 mai 1971, date de la fermeture définitive de l’usine. Malgré l’accord de distribution et d’entretien avec Renault, les Manic GT se vendent mal : elles sont plutôt chères, rentrent en concurrence avec les muscle-cars américaines, et leur tenue de route est difficile pour le néophyte (malgré une grande agilité et une bonne vitesse de pointe, les voitures se soulèvent de l’avant à haute vitesse, la faute à une grande légèreté et à une mauvaise répartition des masses). Surtout, les frictions avec son fournisseur et distributeur, Renault, seront fatales à la petite marque. Dans cette affaire, difficile de savoir d’où viennent les torts. Certains disent que Renault, peu rassurée par l’aventure, aurait refusé in fine de livrer les pièces nécessaires, obligeant Manic à se fournir chez les concessionnaires, un comble. D’autres disent qu’au contraire, ce sont les défauts de paiement de Manic qui auraient conduit la marque à stopper toute fourniture.

GT 06

L’Alpine québécoise aura en tout cas fait long feu, et seulement 160 exemplaires de la Manic GT auront été fabriqués ! Elle et aujourd’hui extrêmement rare puisque des amateurs canadiens tentent d’en identifier les survivantes aujourd’hui, n’en ayant recenser que 34 ! Aussi, si vous tombez par hasard sur cette petite GT très européenne, sautez sur l’occasion de sauver un peu du patrimoine automobile québécois, et un peu français aussi !

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