Lifan 320 : la Mini chinoise, dixit son constructeur
Des clones de Mini, il y en a eu, de la Suzuki Fronte TL, aux Daihatsu Sirion et Trevis. Mais le plus fort reste Lifan, avec la 320. Le constructeur Chinois revendique carrément le titre de copieur !
Le 30 mai 2007, Lifan invite les journalistes pour une conférence de presse. Cela fait quelques mois qu’il produit la compacte 520. Mais s’il les fait venir, c’est parce qu’il pense déjà à l’avenir. L’avenir, ce n’est pas une, ni deux, mais huit nouveautés ! Elles doivent sortir d’ici 2010. A l’époque, il existe plus d’une centaine de constructeur au Pays du Milieu (en incluant les joint-ventures avec des étrangers, les filiales et les assembleurs.) Pour exister, il faut crier plus fort que le voisin. Des plans ronflants, comme ceux de Lifan, la presse chinoise en voit un par semaine ! Les huit voitures, personnes n’y croit. A la limite, la violette, en haut à gauche, vu que ce n’est qu’une version 5 portes de la 520. Mais les autres… D’autant plus que certains croquis sont risibles.
Les 8 modèles du plan produit de LifanMais peu après, la 620 (l’espèce de BMW série 3 E90 grise) est dévoilée. Puis, le 20 janvier 2008, 7 mois après sa grande conférence de presse, Lifan rameute de nouveau les médias. Dans un hall d’hôtel, il exhibe sa compacte 320. Elle ressemble à une Mini ? C’est fait exprès ! De 2000 à 2006, BMW et Chrysler possèdent une usine de moteurs à Campo Largo, au Brésil. Tritec produit notamment le 1,4l de la MINI One et le 1,6l de la MINI « hatch ». Lorsque la production s’arrête, Lifan est candidat au rachat. Il veut le démonter pierre par pierre et le réassembler en Chine. Le liquidateur s’y oppose, les Chinois n’ont que l’outillage ; Fiat reprend les murs. Lifan ne s’en cache pas : ses voitures sont propulsées par des copies des moteurs BMW-Chrysler, baptisés Tritec (!). De plus, à Campo Largo, il aurait mis la main sur des plans de la MINI.01 (type R50). C’est à partir de ses plans qu’il a conçu la 320. En Chine, les places arrière sont pour les ainés ; l’accessibilité est primordiale. Voilà pourquoi « sa » MINI a 5 portes, 6 ans avant la vraie.
Pour prouver aux sceptiques que ce n’est pas du bluff, Lifan expose deux voitures en mai, au salon de Pékin. Slogan : « La qualité Allemande, à un prix (NDLA : alors non-divulgué) Chinois ! » Le moteur est donc une évolution 1,3l du Tritec, donné pour 88ch. Il lui faut 14,5 secondes pour atteindre 100km/h et elle revendique 155km/h en pointe. A titre de comparaison, une MINI One met 10,9 secondes pour atteindre 100km/h et elle accélère jusqu’à 181km/h. Pourtant, dans la foulée, une 320 dispute le rallye de Shanghai.
Le salon de Pékin est un succès : Lifan, obscur généraliste chinois, a fait le buzz. Avec la 320, la 520 et la 620, il dispose d’une vraie gamme. Il peut déjà annoncer un quatrième modèle, un SUV. Hélas, le développement de la 320 s’éternise. Les retards s’accumulent et le budget explose. En janvier 2009, les concessionnaires sont enfin livrés. La voiture est annoncée au prix de 50 000 yuans, soit l’équivalent de 4 500€, alors que les autres citadines chinoises sont à 30 000 yuans. La finition des premiers modèles est affreuse et les ventes sont déplorables. Le constructeur boit la tasse. BAIC, un constructeur étatique, propose de le racheter, mais le fondateur, Yin Mingshan – un self-made-man emprisonné sous Mao – tient farouchement à son indépendance. En janvier 2010, l’American Insurance Group en achète 13,5%… Mais en septembre, AIG s’effondre avec la crise des subprimes. Pour renflouer les caisses, Lifan se lance dans le CKD tout azimut : Azerbaïdjan, Brésil, Ethiopie, Iran, Iraq, Russie, Uruguay, Vietnam… Les ateliers d’assemblage plus ou moins sérieux poussent comme des champignons. Grâce à cela, il exporte un tiers de sa production et devient le deuxième exportateur Chinois !
En serrant les fesses, Lifan franchit la tempête. Le SUV est achevé et il arrive au printemps 2011, sous le nom de X60. Par contre, deux projets partent à la trappe : une micro-citadine (la Citroën C1 photoshopée de la première photo) et un gros coupé à moteur central. Au salon de Shanghai 2011, la 320 évolue un peu. Esthétiquement, elle reçoit un nouveau bouclier avant. Mécaniquement, elle est proposée avec une boite automatique. Surtout, la finition est revue à la hausse. Enfin, le prix est rabaissé à 40 000 yuans. Le programme sportif est relancé, avec un engagement officiel en rallye. Le China Championship Rallye se montre très arrangeant avec les constructeurs Chinois : une catégorie « voiture de série – 1,3l atmo » est créée et seule la 320 y est engagée. La citadine peut ainsi se vanter d’être invincible en rallye (dans sa catégorie).
Les ventes quadruplent, passant de 500 unités mensuelles, à 2000 unités. Malgré tout, on est loin de l’invasion espérée. De plus, la nouvelle star, c’est le X60, qui représente 50% des ventes totales de Lifan ! A l’étranger, la plupart des distributeurs et des assembleurs ont fait faux-bond. Ils sont remplacés par des partenaires plus sérieux et que Lifan écoute davantage. La chaine d’Uruguay est l’une des rares à rester en activité. Elle prend de l’ampleur et se voit chargée de l’approvisionnement de l’ensemble de l’Amérique latine. Là-bas, la 320 connaît un certain succès auprès du public. Une 320 est même alignée dans le championnat uruguayen de tourisme !
Au salon de Pékin 2012, Lifan dévoile une 320 avec un avant inédit, mais qui ne sera pas produite. En revanche, l’année suivante, à Shanghai, elle évolue en 330. Le plus visible, c’est le nouvel avant (pour éviter les procès de BMW ?) Le 1,3l Tritec passe à 91ch et surtout, il répond désormais aux normes Euro 5.
La 330, évolution (bienvenue) de la 320Mais la 320 n’a pas dit son dernier mot ! Elle reste présente à l’export. Et surtout, il y a une version électrique. Lifan rachète son compatriote Henan Jiyuan, spécialiste des golfettes électriques. La 320e veut être une citadine électrique ultra-low cost. Avec ses batteries au plomb, elle atteint 67km/h et dispose de 120km d’autonomie (et encore, on parle d’autonomie théorique…) Mais à 43 800 yuans (5 600€), il n’y a pas grand-chose d’autre… Dans la foulée, le constructeur invite Ken Morgan (directeur financier de Tesla). Il est reçu en grande pompe, afin de venir inspecter la 320e (en vue d’un partenariat). Il a du devoir se retenir pour ne pas rigoler…
La 320, dans sa version EVEn décembre 2014, le Latin NCAP teste la 320. Lors de sa conception, Lifan n’avait pas pris en compte le critère sécurité. Lors du crash frontal, sans surprise, c’est une boucherie. L’avant de l’habitacle se déforme complètement. Quant à l’enfant à l’arrière, il est projeté contre le pare-brise, faute d’Isofix. L’organisme lui retire des points, vu qu’elle n’a ni ESP, ni airbag. Du coup, elle s’en tire avec un score négatif ! Le nouveau cheval de bataille du constructeur, c’est le SUV compact X50. La 330 lui cède sa place en rallye et elle disparait discrètement du tarif à l’été 2016. A défaut d’avoir été un succès commercial, la 320/330 a permis à Lifan d’apprendre beaucoup.
Texte: Joest Jonathan OUAKNINE