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La Citroën CX a 50 ans : du projet L à la GTi Turbo 2

Nicolas Fourny - 16 juil. 2024

« Réalésé à 2,5 litres dès 1983, le gros quatre-cylindres a successivement reçu le renfort d’un turbocompresseur Garrett puis d’un échangeur air/air »

Présentée officiellement le 28 août 1974, la Citroën CX fêtera donc son demi-siècle dans quelques semaines. Pour ceux qui, comme l’auteur de ces lignes, ont vécu ce moment, un tel constat est presque vertigineux – comme le temps passe, n’est-ce pas… – mais, à l’heure actuelle, il est réconfortant de noter que de plus en plus de jeunes collectionneurs découvrent celle à qui échut la gageure de succéder à la mythique DS. Ils en restaurent et préservent avec soin les exemplaires survivants, qui sont autant de précieux témoins de la dernière Citroën conçue par le bureau d’études historique de la firme et dont la légende s’écrit chaque jour un peu plus. Avec l’amicale complicité de l’Aventure Citroën, il nous a paru judicieux de rassembler trois autos parmi les plus significatives de cette épopée : le projet L de 1971, une CX 2000 de pré-série et une CX 25 GTi Turbo 2 du dernier millésime…

L’adieu au Conservatoire Citroën

C’en est désormais fini du Conservatoire Citroën, ce lieu magique où, depuis deux décennies, tant de passionnés sont venus se recueillir devant des modèles représentant plus de cent ans d’histoire. L’avenir de cette prodigieuse collection demeure encore incertain et c’est avec une certaine émotion que, par un beau matin de juin, nous nous y sommes rendus pour la dernière fois. Ordinairement rangées parmi leurs sœurs, les trois voitures que nous avons choisies de vous présenter se retrouvent en pleine lumière avant un sommeil que nous espérons le plus court possible. Elles représentent des points de repère essentiels dans l’histoire de la CX, en allant du prototype L – le véritable ancêtre du modèle – jusqu’à l’ultime développement de l’auto – la GTi Turbo 2 présentée pour 1987 – en passant par l’une des toutes premières berlines 2000, miraculeusement préservée. Produite durant dix-sept ans, la CX a bien sûr connu d’autres variantes, qui ont assuré son succès (plus d’un million d’unités construites au total) : versions essence et Diesel, avec ou sans turbo, berlines, breaks et limousines ; une gamme particulièrement étendue et dont les évolutions ont été multiples, même si certains projets n’ont hélas pu voir le jour – nous songeons en particulier aux variantes dotées d’un moteur Wankel…

Le projet L ou l’histoire d’un faux départ

Dans la première partie de son célèbre ouvrage consacré à l’histoire et aux secrets du bureau d’études Citroën, Roger Brioult évoque en quelques lignes le prototype blanc que nous avons pu côtoyer quelques heures durant. L’auteur n’est guère aimable avec l’unique survivant connu des laborieuses études de développement de la CX : « La vue arrière n’a rien de génial et le grand panneau plat qui s’étend entre les feux arrière (et qui existe sur le modèle de série) n’a jamais charmé mon regard ! » Il faut en convenir, le « L » conservé dans les collections de la marque présente les inévitables maladresses stylistiques de bien des protos conçus en cours d’étude. De profil ou de trois-quarts arrière, la filiation esthétique avec la CX définitive saute aux yeux, mais les différences entre les deux voitures sont néanmoins notoires et vont bien au-delà de la carrosserie – qui ne partage aucun embouti avec la voiture de série et dont les dimensions diffèrent sensiblement – ou de l’habitacle, qui recycle bon nombre de composants préexistants issus tantôt de la SM, tantôt de la GS. En premier lieu, le châssis n’a rien à voir avec les très spécifiques cadres d’essieux caractérisant la CX et, par surcroît, le moteur, implanté longitudinalement, est un quatre-cylindres à plat refroidi par eau, entièrement inédit, d’une cylindrée exacte de 1654 cm3 et développant 95 ch. Dans le numéro 12 de la revue Chevronnés, notre cher et regretté Thierry Astier reproduisait les propos de Paul Magès – le père de l’hydropneumatique Citroën – dans une note datant d’avril 1971, qui indique que le flat-four a été « fait et essayé à temps perdu ». Car Citroën n’avait plus, à cette époque, les moyens d’industrialiser un nouveau moteur…

Peut-être la CX du premier catalogue

De fait, le prototype L de 1971 correspond en fait au moment où le projet connaît une réorientation significative. Alors que la voiture devait, au départ, s’inscrire entre la GS et la DS, il s’agit à présent de donner, à terme, une succession en bonne et due forme à cette dernière qui, rappelons-le, est déjà âgée de quinze ans à cette époque. L’abandon du flat-four, puis celui du Wankel qui fut longtemps envisagé pour les variantes haut de gamme de la future CX, aboutissent au réemploi du moteur de la DS, désormais monté en travers. La CX 2000 de 1974 que nous vous présentons reprend donc l’inusable quatre-cylindres en ligne de 1985 cm3, tel qu’il est apparu sur la DS en 1965. Dans cette version de base, il ne développe que 102 ch à 5500 tours/minute ; Citroën revendique une vitesse de pointe somme toute honorable de 174 km/h pour sa dernière-née, mais les limites de ce groupe vieillissant et tolérant assez mal les hauts régimes ne manquent pas d’apparaître à l’usage. Comme nous l’indiquons plus haut, nous avons affaire à un véhicule de pré-série, en tous points conforme à la voiture photographiée dans le tout premier catalogue CX. Cet exemplaire a été retrouvé un peu par hasard, puis restauré et remis en conformité par les bons soins de Yannick Billy. On y retrouve certaines spécificités qui ravissent les disciples de la firme et qui disparaîtront sur les premiers exemplaires livrés à la clientèle, comme par exemple cette calandre dépourvue de chevrons – présents en revanche au niveau de la prise d’air du capot. C’est sous cette forme que feu Robert Opron, qui dirigeait le style Citroën lors de la conception de la CX, préférait son œuvre : d’une pureté absolue, d’un grand dépouillement formel et veuve de toute décoration superflue. La couleur de la carrosserie comme les tons retenus pour l’habitacle (un délicieux camaïeu de marron) datent immédiatement l’engin, dans lequel on retrouve une nouvelle interprétation du volant monobranche, la première version de la géniale « lunule » due au talent de Michel Harmand ou encore les contreportes dont le futurisme ébahissait les foules il y a cinquante ans.

Toujours dans le coup grâce au turbo

Quinze ans plus tard, les dernières berlines CX s’apprêtent à tomber des chaînes d’Aulnay, remplacées par la très ambitieuse XM. À ce moment-là (si l’on excepte les Prestige à châssis long), c’est la berline 25 GTi Turbo 2 qui occupe le faîte de la gamme. Substantiellement, la base du groupe est la même que pour la 2000, mais les motoristes de l’ex-Quai de Javel, contraints d’exploiter au maximum une mécanique à arbre à cames latéral aussi solide que dépassée, ont fait feu de tout bois pour aboutir à ce développement ultime dont les caractéristiques demeurent globalement compétitives à la fin des années 80, en termes de performances chiffrées tout du moins. Réalésé à 2,5 litres dès 1983, le gros quatre-cylindres, alimenté par une injection Bosch L-Jetronic, a successivement reçu le renfort d’un turbocompresseur Garrett en 1984, puis d’un échangeur air/air deux ans plus tard. Pour des motifs obscurs, la puissance maximale « officielle » n’a pas évolué et reste fixée à 168 ch, mais les bons connaisseurs du modèle l’évaluent plutôt autour de 180 ch, ce qui permet, dans les meilleures conditions, à la CX ainsi gréée de dépasser les 220 km/h, tandis que les reprises équivalent à celles d’une Audi 200 Turbo ou d’une Renault 25 V6 Turbo, avec des qualités routières toujours au-dessus du lot ; en l’espèce, l’avance technique revendiquée par Citroën au moment du lancement de l’auto n’avait rien d’excessif !

Sur les traces de la DS

La voiture a incontestablement de beaux restes et l’exemplaire du Conservatoire – qui ne totalise que 3683 kilomètres ! – a conservé un charisme auquel il est demeure très agréable de succomber, même si le restylage intervenu pour l’année-modèle 1986 a quelque peu empâté sa silhouette. À présent, l’obsolescence que l’on pouvait lui reprocher il y a trente-cinq ans a perdu toute signification ; ne subsistent que les attachants paradigmes d’une personnalité résolument atypique et qui, jusqu’au bout, sera demeurée fidèle aux tics chers à la marque, la seule concession à la norme se bornant à l’adoption de cadrans ronds, plus faciles à appréhender pour les profanes que les compteurs type « pèse-personne » des premières CX. L’imposant aileron arrière, les projecteurs additionnels, les jantes frappées d’un double « T » stylisé, l’inscription « TURBO » sertie sur la branche unique du volant, les liserés rouges sur le pommeau du levier de vitesses, les sièges à la fois confortables et enveloppants ou le tachymètre gradué jusqu’à 240 km/h donnent le ton : l’auto revendique, à juste titre, son appartenance à la catégorie des routières suralimentées à caractère sportif – et qui ne connaîtra pas de descendance directe, la XM V6.24 dévoilée en 1991 présentant un tout autre typage… À l’heure de laisser, à regret, ces trois merveilleuses automobiles retrouver leur quiétude, nous sommes une fois encore heureux de constater qu’au fil des décennies, l’équipe de passionnés en charge du patrimoine Citroën ait pu préserver, parmi beaucoup d’autres, ces trois autos qui, chacune à sa manière, racontent ce qu’a été le parcours de la CX, dont l’avenir en collection s’annonce radieux !

 

Ce reportage n’aurait pu voir le jour sans l’inestimable concours de Denis Huille, directeur du développement de l’Aventure Citroën, Yannick Billy et Dominique Fallot, que je remercie très chaleureusement pour leur accueil, leur gentillesse et leur grande disponibilité.

2500 cm3Cylindrée
168 chPuissance
223 km/hVmax



Texte : Nicolas Fourny

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