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Hobbycar B612 : amphibie, mais pas insubmersible
PAUL CLÉMENT-COLLIN - 19 avr. 2014Je n’ai jamais été un afficionado des véhicules amphibies, mais j’ai un petit côté chauvin. Aussi, lorsque Hobbycar présente en 1994 le B612, j’ai plein d’espoir pour cette société qui semble avoir tout pour elle. Des idées d’abord, grâce à François Wardavoir, le concepteur du B612 ; de l’argent aussi, grâce à Serge Desmarais, un héritier du pétrole qui investit 67 millions de francs ; une usine flambant neuve près de Blois, avec piste d’hélico et plan d’eau ; et une équipe de 45 ingénieurs motivés par une aventure sans précédent en France.
A l’époque, j’ai vraiment l’impression qu’il se passe quelque chose dans l’industrie automobile française. Venturi semble sauvée par l’arrivée d’un industriel breton et a lancé les fantastiques 400 GT et 300 Atlantique (lire aussi : Venturi 300 Atlantique), Hommell nous ravit avec sa Berlinette Echappement (lire : Hommell Berlinette), Alpine est encore de ce monde, Méga nous sort une Track étonnante (lire aussi : Mega Track), et Hobbycar nous présente de beaux véhicules : y’aurait-il enfin de la place pour des artisans français à la marge de Renault et PSA ?
Le premier véhicule de la gamme Hobbycar sera donc un véhicule amphibie, visant clairement une riche clientèle du moyen orient. Son nom, B612, est un clin d’oeil à Saint Exupéry et au Petit Prince. Doté du moteur Diesel Peugeot 1,9 litres de 92 ch de la 405, le B612 dispose aussi de deux hydrojets permettant de voguer sur l’eau à 6 nœuds. Sophistiqué, il s’équipe d’une transmission intégrale, d’une suspension hydropneumatique empruntée à Citroën, et se pare d’un look très original. A première vue, le B612 a tout pour réussir. Ses couleurs vives, ses sièges, son pare-brise ou son tableau de bord escamotables, son joystick de direction, tout est là pour en faire un joujou désirable à qui dispose d’un compte en banque bien garni.
Malheureusement, tout ne se passera pas comme prévu. Si les débuts de la commercialisation s’annoncent prometteurs malgré un tarif de 370 000 F, la catastrophe arrivera bientôt. Concevoir un véhicule original et novateur n’est pas sans risque, et le B612 souffre d’un manque de mise au point et d’une faiblesse récurrente : une boîte de transfert fragile. Le système électrique est lui aussi défaillant, tandis que le moteur a une fâcheuse tendance à chauffer. Résultat, les B612 reviennent en garantie, puis repartent sans que le mal ne soit vraiment soigné, puis reviennent encore. Tout cela n’arrange pas l’image de marque, et coûte surtout extrêmement cher à la petite marque qui ne s’en remettra pas. En 1995, c’est le dépôt de bilan, et la fin de l’aventure.
Dommage car des projets, Wardavoir et son équipe en avaient plein la tête : des déclinaisons militaires simplifiées du B612, mais aussi le monospace compact de luxe Passport (lire aussi : Hobbycar Passport). Mais le manque de fiabilité du B612 emblématique signera l’arrêt de mort d’Hobbycar. Seuls une soixantaine de B612 furent réellement fabriqués.
Difficile de dire combien il en reste en état de marche. Les défauts de conception du B612 ont souvent fait s’arracher les cheveux aux propriétaires qui ont arrêté de chercher à comprendre et à réparer. Difficile de dire à combien peut se négocier un bel exemplaire tant les transactions sont rares. Sans doute aux alentours de 30 000 euros (voire plus). C’est le prix à payer pour s’offrir un quasi prototype capable d’épater la galerie sur les plages des stations balnéaires.