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RUSSE

GAZ Tchaïka M14: la dernière mouette soviétique !

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 01/07/2015

Dans un monde où l’égalité sociale était érigée en valeur essentielle, il est toujours surprenant de trouver une production de limousines de grand luxe. C’était pourtant le cas au sein de l’Union Soviétique jusqu’à sa chute au début des années 90, avec pas moins de deux constructeurs dédiés à la production (entre autres) de ces véhicules d’apparat, symboles d’un luxe pourtant honni, du moins officiellement.

La M13, première de cordée des limousines GAZLa M13, première de cordée des limousines GAZ

Pourtant, dans ce monde égalitaire, la hiérarchie humaine a repris ses droits assez rapidement, et les constructeurs automobiles ont donc du répondre aux exigences des maîtres du pays : ministres, membres du Politburo, présidents de comités, chefs de services sensibles (KGB, Agence Tass), selon une hiérarchie bien précise. Aujourd’hui, on se souvient surtout de ZiL, marque qui avait pris l’ascendant dans les années 80 pour fournir l’élite en limousines. Mais cela n’a pas toujours été le cas.

L'un des 7 prototypes réalisés en 10 ans avant de sortir la M14L’un des 7 prototypes réalisés en 10 ans avant de sortir la M14

Car les années 60 et 70 seront les années GAZ, l’autre constructeur « de luxe » soviétique. C’est avec la Tchaika (la mouette en russe) M13 que GAZ va s’imposer dans les hautes sphères, dans un style très américain, car les dirigeants soviétiques, paradoxalement, adore ce style qui convient bien à leur mégalomanie. En 1967, les ingénieurs de la marque se décide à lancer les études de sa remplaçante, la M14, la plus poissarde des voitures soviétiques sans doute.

M14 01

Si son développement avait pris un peu moins de temps, nul doute que la M14 aurait pris sa place naturelle tout en haut de la pyramide automobile soviétique, laissant les ZiL aux fonctionnaires inférieurs. Pourtant, l’étude, la mise au point et l’industrialisation du modèle durera près de 10 ans, et le modèle ne paraîtra qu’en 1977. Il aura fallu attendre 7 prototypes pour obtenir l’accord d’un gouvernement exigeant. Pendant ce temps-là, la M13 vieillissante, dépassée techniquement et stylistiquement, se fera voler la vedette par la ZiL 114, apparue en 1967. Lorsque la M14 sort enfin en 1977, son style n’est pas fondamentalement dépassé (surtout en URSS), mais la ZiL s’est installée sur le marché, et sa version modernisée sort en 1978, la 115 (qui deviendra 4104, lire aussi : ZIL 41044).

M14 05

Malgré cela, la Tchaika M14 est bien une limousine de grand luxe, dotée d’un V8 de 5,5 litres et 220 ch (bon d’accord, pour un poids de 2,6 tonnes), avec climatisation intelligente, système radio commandé depuis les sièges arrières, vitres électriques, fermeture centralisée, moquette épaisse, velours « cosy », et 7 places au total. De quoi traverser Moscou un soir d’hiver en toute tranquillité sur une route désertée par toute VAZ populaire.

M14 02

Toujours en course pour les honneurs officiels, GAZ met les bouchées double pour reprendre la place de chouchou dans les têtes dirigeantes de l’Union Soviétique. Elle proposera à partir de 1982 une version de prestige et d’apparat, cabriolet 4 portes, destinée aux défilés officiels. Contrairement aux ZIL dédiées aux hommes politiques, les Tchaika M14-05 ne seront réservées qu’aux militaires, où aux camarades frères de l’étranger (un exemplaire fut offert à Fidel Castro et se trouve toujours à Cuba).

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Dans une économie officiellement sans concurrence, GAZ s’était fait raflé le marché de prestige par ZIL, mais la scoumoune n’allait pas s’arrêter là. Gorbatchev, premier secrétaire du parti communiste depuis mars 1985, lance un vent nouveau de réforme sur l’Union, appelée la Perestroïka. Dans cette ambiance quasi révolutionnaire, la chasse aux privilèges est engagée. Les limousines « à la russe » en sont le symbole, et doivent, pour Gorby, disparaître. L’homme fort et réformateur du Parti impose l’arrêt définitif de la GAZ Tchaika M14 en 1988, après 1114 exemplaires (dont 14 cabriolets), et s’il ne peut faire de même avec la ZIL 4104, il met fin aux projets de développement d’un nouveau modèle en cours.

Quelques temps plus tard, dans un élan révolutionnaire, l’outillage de fabrication de la M14 sera détruit par de zélés réformateurs, empêchant tout retournement de situation, empêchant GAZ de reprendre la production de sa limousine. Le constructeur eut cependant plus de chance que ZIL puisqu’il existe toujours aujourd’hui. La chance aura tourné, mais pour combien de temps.

A lire sur le cabriolet GAZ M14-05 : le dernier cabriolet soviétique


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