GAZ 3105 : victime de la Perestroïka !
L’histoire de l’automobile soviétique est parfois difficile à démêler. Contrairement aux marques occidentales, agissant en libre-concurrence et lançant des produits en réponse aux besoins (ou en tentant de les créer) des consommateurs, en Union Soviétique, c’était l’état, ou du moins le PCUS (parti communiste d’Union Soviétique) qui disposait du pouvoir décisionnaire quant au lancement de nouveaux modèles. Si les modèles populaires (Lada) étaient pour la plupart accessibles au grand public (moyennant beaucoup de patience), les modèles dits « de gamme supérieure » n’étaient pas en vente libre. Selon votre place dans la hiérarchie de l’Etat ou du PCUS, vous pouviez prétendre au début des années 80 à une Gaz 3102 dite « Volga » si vous étiez un cadre intermédiaire, ou bien à une Gaz M14 Tchaïka voire une ZIL 4104.
Avec la Perestroïka et la libéralisation de l’URSS, l’heure n’est plus vraiment à la grande limousine statutaire. Chez Gaz, la M14 est en sursis, tandis que la 3102 commence un peu à dater même si elle fait encore un peu illusion. L’ordre émanant d’en haut est donc lancé : place à l’étude d’une voiture plus petite, moins luxueuse et clinquante que la M14 (lire aussi : Gaz Tchaika M14), qui pourrait couvrir l’ensemble des besoins dans le « haut de gamme » soviétique. Ainsi commence l’étude des 3103 (berline 4 cylindres traction avant), 3104 (6 cylindres propulsion) et 3105 (moteur V8 et 4×4, oui monsieur!) dès 1985.
La version définitive, plus classique !Le modèle de Gaz pour cette nouvelle triplette de berline (et non pas de Belleville) ? L’Audi 100/200, rien que cela. En 1986, les premiers prototypes sortent des ateliers de Gaz. En 1988, Michael Gorbatchev, poursuivant sa politique de lutte contre les privilèges, signe l’arrêt de mort de la limousine M14. En catastrophe, le PCUS va mettre la pression sur Gaz pour se concentrer sur la grosse 3105 à moteur V8, qui servirait donc de voiture de remplacement à la M14. Lutte contre les privilèges d’accord, mais point trop tout de même, les cadors du Parti ne goûtent guère l’idée de rouler dans une modeste 4 cylindres à traction avant. Ok pour un peu de sobriété, mais pas trop non plus.
Dès lors, les projets 3103 et 3104 sont gelés. Adieu production de grande série, place à une petite série prévue pour 250 exemplaires par an. Tout à coup, ce qui devait être amorti grâce aux 3103/3104 ne peut plus l’être avec le seul projet 3105. Pourtant cette voiture ne manque pas d’attraits (selon les critères de l’Est de l’époque). Transmission intégrale (ce qui n’est pas vraiment un luxe pour les rues et routes enneigées qui mettaient à mal les grosses propulsions du régime), intérieur luxueux (là encore, selon les critères russes de l’époque), moteur V8 puissant (enfin, toutes proportions gardées, avec 156 ch puis 170 ch sur certaines versions), ligne (presque) moderne, la GAZ 3105 est relativement séduisante.
Oui mais… parfois, la politique et l’histoire s’en mêlent, et en Union Soviétique c’est même assez courant : la chute du mur fin 1989 entraîne l’explosion de l’URSS en 1990, la fin du PCUS, et la création de la CEI dans la foulée. Adieu, commandes d’état, bienvenue dans le monde merveilleux de l’économie de marché. Malgré l’ouverture des marchés « haut de gamme » au grand public, il est clair que la nouvelle classe moyenne russe a plus envie de s’offrir une Mercedes ou une BMW désormais disponibles qu’une 3105, fut-elle 4×4 et V8. Gaz expose pourtant la voiture aux salons de Leipzig et de Bruxelles (en Belgique, on a souvent été friand de voitures de l’Est), mais ne se fait plus vraiment d’illusion.
C’est en catastrophe que Gaz décide de redonner un coup de jeune à sa 3102 en lançant une version modernisée 31029 (admirez les noms poétiques des voitures de l’Est), tout en relançant les progammes 3103/3104 figés (et donc dépassés) depuis 1988. Cela aboutira à la présentation d’une 3104 en 1997 qui ne débouchera jamais sur de la production. Quand à la 3105, elle ne sera produite qu’entre 1991 et 1994 à seulement 55 exemplaires (67 exemplaires selon les sources, quoi qu’il en soit c’est très peu). Il faut dire qu’à un tarif proche de 60 000 $, elle n’attire pas les foules. Dès lors, Gaz s’efforcera de moderniser son dernier modèle, la Volga 31029, qui deviendra 3110 en 1996, puis 31105 en 2004 : l’art de faire durer une voiture dépassée.
La 3104 à 6 cylindres présentée en 1997 n’aura pas de suite !Vu le peu d’exemplaires produits, il vous sera difficile de vous procurer cette rare 3015, mais si jamais vous tombez sur l’une d’elles en vente, sautez dessus ! Si cette voiture n’est ni un prix de beauté, ni un monstre de puissance, elle représente l’Histoire avec un grand H, encore plus encore qu’une Tatra 613 pourtant bien désirable (lire aussi : Tatra 613), et rien que pour cela, ça vaut le coup de l’avoir dans sa petite collection !
Pour voir en action la 3105 V8 4×4, voici un petit essai de la TV Russe: