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Bugatti Type 101 : la dernière des vraies Bug' !

Par PAUL CLÉMENT-COLLIN - 20/03/2016

Pour beaucoup, les Bugatti, les vraies j’entends, sont celles d’avant-guerre. Ni l’EB110 de Romano Artioli (lire aussi : Bugatti EB110 et EB112), ni la Veyron ou la Chiron de l’ère Volkswagen ne trouvent grâce aux yeux des amateurs de la marque française fondée par Ettore Bugatti en 1909 à Molsheim. Pourtant, Bugatti, malgré la mort de Jean Bugatti en 1939 et celle d’Ettore en 1947, l’entreprise tenta de continuer à produire des automobiles au début des années 50, sans succès, pour finir sous-traitant aéronautique absorbé par Hispano-Suiza en 1963. Cette tentative de relance en 1951 donna naissance aux dernières « vraies » Bugatti, les Types 101, dont seuls 6 exemplaires seulement furent construits à Molsheim (je mets à part le 7ème exemplaire, à l’histoire particulière comme vous le verrez).

Dépliant publicitaire pour la Type 101 de Bugatti en 1951 !Dépliant publicitaire pour la Type 101 de Bugatti en 1951 !

La seconde guerre mondiale avait mis Bugatti à genou. L’usine avait été réquisitionnée (puis mise à sac) par les allemands, et la reprise est difficile. Ettore réussira à récupérer son usine, mais il lui sera impossible de reprendre la production automobile. En attendant des jours meilleurs, il tente par tous les moyens de fournir du travail à ses ouvriers : réparation et entretien d’anciennes Bugatti, entretien des Autorails Bugatti, sous traitance… De quoi conserver l’entreprise, mais sans dégager assez de cash pour investir dans de nouveaux modèles. Une situation qui dure après la mort d’Ettore, sous la direction de son autre fils, Roland, qui, contrairement à son frère ou son père, n’était absolument pas techniciens mais plutôt un intellectuel.

Le châssis 101500 dessiné par Louis Lepoix, est une berline, après le coupé prototype (photo de couverture)Le châssis 101500 dessiné par Louis Lepoix, est une berline, après le coupé prototype (photo de couverture)

C’est ainsi qu’en 1949, il est décidé de relancer une série de 16 exemplaires de la Type 57 d’avant guerre, histoire de relancer la machine. Mais il faut croire que la clientèle n’était plus là pour une voiture du genre. Seuls 3 voitures sortiront réellement des ateliers. Pourtant, Roland Bugatti et son directeur Pierre Marco ne baissent pas les bras. Sans moyens, ils doivent faire avec les moyens du bord, mais comptent bien sortir la nouvelle Bugatti, la Type 101, en 1951. A partir d’un châssis de Type 57 modifié et amélioré, ils vont créer une nouvelle voiture qu’ils veulent plus moderne et dans le style de l’époque. Malheureusement, le moteur utilisé, le 8 cylindre de 3257 cm3 date des années 30 et s’avère totalement dépassé, malgré ses 150 ch (101) ou 190 ch (101C à compresseur), et ses améliorations (carburateur Weber).

Le châssis 101501 cabriolet, dessiné par Gangloff, comme le premier proto "coach".Le châssis 101501 cabriolet, dessiné par Gangloff, comme le premier proto « coach ».

Le prototype porte un numéro de châssis de Type 57 (57454) est se présente en 1951 sous une robe de Coach dessiné par Gangloff, très élégante. Le premier châssis « officiel » lui (101500) sera habillé en berline par Louis Lepoix. Le deuxième (101501) est une version cabriolet du coach 57454 dessinée par Gangloff encore. Le troisième (101502) est un coupé dessiné par Guilloré, qui présente la particularité de ne pas avoir une carrosserie « ponton » comme les autres : un style très avant-guerre qui ne sera pas reconduit. Le quatrième (101503) est à nouveau un cabriolet, toujours dessiné par Gangloff, mais avec un capot avant retravaillé atténuant le bossage du capot du à la taille du 8 cylindres. Le cinquième (101504) était un coupé habilement dessiné par le carrossier de Courbevoie Louis Antem, qui sera le dernier de la série et sans doute le plus beau des Type 101 (et qui appartiendra plus tard à Nicolas Cage). Il n’y eut pas de châssis 101505, tandis qu’un châssis 101506 fut construit, puis remisé à l’usine.

Le châssis 101502, dessiné par Guiloré, le seul sans carrosserie "ponton" !Le châssis 101502, dessiné par Guiloré, le seul sans carrosserie « ponton » !

Vendus 3 800 000 francs à l’époque (presque deux fois plus cher que la concurrence, et 20 fois plus cher qu’une 2CV), les Types 101 étaient hors de prix, et encore « à l’anciennce » : vieux moteur, châssis séparé et ancien, la presse doute du retour de Bugatti, à raison d’ailleurs. Le constructeur de Molsheim, par manque de moyen et peut-être aussi par manque de conviction (certains diront même manque de compétences, les meilleurs ouvriers d’avant-guerre ayant quitté l’entreprise), n’avait pas su s’adapter au monde moderne, d’autant que le plan Pons favorisait les petits véhicules (lire aussi : Le plan Pons). En s’attaquant au très haut de gamme sans innover ni se renouveler, la type 101 était vouée à l’échec.

Le châssis 101503 est un cabriolet re-travaillé encore par Gangloff !Le châssis 101503 est un cabriolet re-travaillé encore par Gangloff !

Dès 1952, malgré une présence au Salon de Paris et Genève et l’impression de catalogues publicitaires, il fallait se rendre à l’évidence : le retour à l’automobile de la vénérable marque Bugatti n’était pas pour aujourd’hui, et l’entreprise s’en retourna à la sous-traitance aéronautique jusqu’à son rachat (et la disparition officielle de la marque) en 1963, et ce malgré une ultime tentative de retour en Formule 1 en 1955 et les innombrables projets de la fin des années 50 ! Mais pourtant, une dernière Bugatti allait naître… en 1965.

Le châssis 101504 dessiné admirablement par Antem en coupé !Le châssis 101504 dessiné admirablement par Antem en coupé !

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Le fameux châssis 101506 fut en effet racheté par un américain, qui le rapatria aux USA, avant de le revendre ensuite à un autre, qui le revendra à Ghia qui l’offrira aux Virgil Exner père et fils en paiement de leur travail sur les Duesenberg Revival. Le père avait notamment dessiné la fameuse Chrysler Norseman (lire aussi : Chrysler Norseman) tandis que le fils relancera la marque Stutz quelques années plus tard (lire aussi : Stutz). Ils raccourcirent le châssis de 46 cm et lui offrirent ce qu’ils imaginaient être une vision moderne et sixties de Bugatti, le tout réalisé par Ghia à Turin. Le résultat laisse songeur, et certains trouvèrent cette dernière Type 101 ridicules. A vous de voir.

Le châssis 101506 dessiné par Virgil Exner Sr et Jr, et fabriqué par Ghia !Le châssis 101506 dessiné par Virgil Exner Sr et Jr, et fabriqué par Ghia !

Inutile, à moins d’être un riche industriel à la retraite, acteur hollywoodien, ou prince du pétrole, d’imaginer pouvoir vous offrir une type 101. A défaut d’avoir le portefeuille, vous avez au moins les yeux pour admirer les dernières Bugatti avant l’ère supercar des années 90 et 2000.

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