Marussia : le crash de la supercar low cost
Marussia, c’est l’histoire de celui qui se croyait plus malin que tout le monde, mais qui finalement se fait rattraper par la triste réalité. La révolution russe promise au monde des supercars n’aura pas tenue 7 ans, le temps de faire rêver le gogo, de raviver la fierté slave, et de laisser sur le carreau environ 200 salariés.
La Marussia B1 dans les rues moscovites.
Il faut dire que le coup du chanteur/compositeur célèbre se piquant de devenir constructeur automobile avait déjà été fait, et pas qu’une fois. Giorgio Moroder s’y était déjà brûlé les ailes avec la Cizeta V16T (lire aussi : Cizeta V16T). Plus modestement, et avec plus de succès, Franck Alamo avait installé la petite Grandin Dallas dans le paysage automobile français (lire : Jeep Dallas Grandin).
La B1 est un coup d’essai annonçant la B2.
Nikolaï Fomenko est le chanteur de Secret, un groupe de rock russe très populaire dans les années 80 (je vous laisse imaginer ce que cela peut donner). Comme tous les chanteurs en perte de vitesse, Fomenko se reconverti dans les années 90 et 2000 dans le cinéma et la télévision, mais aussi la course automobile (oui oui !). Mais ce russe là est insatiable, et sans doute un brin mégalomane. Aussi, dans cette nouvelle Russie où tout est possible, notre héros se rêve en industriel et créé en 2007 la marque Marussia, destinée à produire la première supercar du pays.
La B2 présentée en 2009 est assurément bien plus originale que la B1.
Mieux, Marussia ne cache pas de ridiculiser les constructeurs occidentaux en offrant la puissance, la performance et l’originalité pour 120 000 $, rien que cela. C’est en constatant le prix, la qualité et la rapidité d’une réparation effectuée sur son Aston Martin de course par des chinois que Fomenko découvre l’eau tiède : il fera fabriquer en Chine ses modèles.
La B2 est même assez séduisante, même si elle ne propose qu’un V6.
En moins d’un an, la première Marussia, dénommée B1, est réalisée et présentée au Monde, dotée d’un V6 3,5 litres Cosworth de 420 ch. Le style est encore assez attendu, et loin d’être révolutionnaire. Mais en 2009, la B2 surprend son monde. Si la base technique est la même (même moteur Cosworth), côté design, c’est du grand art. La B2 ne ressemble à aucune autre voiture, et réussit à rester jolie, agressive à souhait, relativement innovante (les panneaux de carrosseries avant et arrière rivetés sur la structure mate). Non vraiment, il y a de quoi se dire qu’après tout, Fomenko n’est peut-être pas si fou (malgré les objectifs délirants de 3000 voitures).
La B2 aurait du séduire les magnats ou mafieux russes… sans succès pourtant !
En attendant, « l’usine » moscovite ressemble plus à un atelier, et aucun partenaire chinois ne semble s’être manifesté pour produire cette sportive low cost. Qu’à cela ne tienne, Fomenko tient bon, et présente même en 2010 un 4×4 insipide au doux nom de F2. A force d’occuper le terrain médiatique, on finit par croire que Marussia produit des voitures, mais à part les prototypes, aucune voiture n’est réellement produite.
Marussia tenta de se diversifier en proposant le SUV F2.
Peu importe semble se dire Fomenko, qui semble disposer d’une réserve inépuisable de cash, à tel point que fin 2010, il rachète 40 % l’écurie de Formule 1 Virgin Racing dont il était le principal sponsor, puis la totalité en 2011, la renommant Marussia Racing. A cette époque, quelques espoirs de commercialiser enfin sa B2 permettent de signer un contrat de fabrication avec la firme finlandaise Valmet (lire aussi : Valmet). Mais les ouvriers finnois peuvent toujours attendre. Le manque de cash doit commencer à se faire sentir puisqu’en 2012, Marussia revend son écurie de Formule 1 (qui en conserve cependant le nom, et dont le siège est désormais en Irlande).
Fomenko fait le kéké sur le pneu d’une Marussia F1, revendue aussi vite qu’acquise.
Et puis, en avril 2014, la nouvelle tombe : le projet est stoppé et les employés remerciés. Au bout de 7 ans, quelques prototypes et beaucoup d’argent dépensé (d’où venait-il ?), le soufflet est retombé, et la Russie ne connaîtra donc pas la gloire automobile, du moins pas avec Marussia. Dommage car la B2 n’était pas vilaine.