Corvette C4 ZR1 : une brutasse américaine au coeur anglais !
Je vais passer pour un hérétique, mais de toutes les Corvettes, c’est la C4 que je préfère. Elle a ce petit quelque chose de moderniste sans pour autant s’affadir, conserve des airs de Stingray tout en s’en démarquant totalement. Elle reste aussi la Corvette de mon adolescence, et garde donc une place à part dans mon cœur. J’en avais d’ailleurs une version Majorette avec laquelle j’ai longtemps joué.
Malgré tous ces souvenirs d’enfance et d’adolescence, la « vette » n’a pas réussi à détrôner les sportives européennes de l’époque dans mon esprit, sauf peut-être dans sa version méchante et bestiale ZR-1. De toute façon avec une Corvette il faut réussir à oublier les conventions européennes et réfléchir en américain, sans quoi, on ne l’appréciera jamais.
Il suffit de voir son gabarit, sa ligne, pour voir qu’on ne joue pas dans la même dimension géographique. Ce long capot plongeant, ce poste de pilotage très en arrière des roues avant, cette bulle arrière, tout est fait pour plonger l’européen dans le désarroi. Toute cette longueur pour juste deux places ? C’est l’Amérique, que l’on retrouvera peu de temps après sur la Dodge Viper RT/10.
Si la Corvette C4 est apparue en 1983, sa version « sportive » ZR1 n’apparaîtra qu’au salon de Genève 1989, pour ne vraiment rentrer en production qu’en 1990. Et si la C4 est bel et bien une américaine, la ZR1, elle, a un petit côté européen qu’on ne soupçonne pas. Car sous le capot, le V8 a des accents british, puisqu’il a été conçu par Lotus.
Rappelez-vous qu’en 1986, la firme d’Hethel fut rachetée par la GM (propriétaire de Chevrolet). Outre son statut de constructeur, Lotus dispose aussi d’un bureau d’étude, qui va donc concevoir et développer le moteur LT5 qui équipera la ZR1. Ce V8 de 5,7 litres et 32 soupapes a véritablement deux visages. Développant 380 ch (ce qui à l’époque n’est pas mal du tout), et même 411 ch à partir de 1993, il fonctionne pépère en mode normal (pour faire court, il n’utilise que la moitié des conduits d’admission), pour libérer ensuite la cavalerie en mode full…
C’est étonnant comme à l’époque, GM savait utiliser les compétences de ses filiales pour produire de belles choses, comme cette ZR1 le prouve, tout comme la Lotus Omega . Ca s’est gâté ensuite en rentrant dans une période de clonage et d’uniformisation à tout prix qui a sans doute contribué aux soucis financiers de la GM dans les années 2000 (Saab en fera les frais avec d’étranges propositions comme la Saab 9-2X ou la 9-7X).
La ZR1 ne fut pas importée « officiellement » en France, et vendue uniquement aux States. Mais étrangement, elle n’était disponible qu’en boîte manuelle, une ZF 6 vitesses que l’on retrouvera sur la Lotus Omega : pas banal à l’époque. A l’intérieur, ce n’est pas le cosy anglais, mais plutôt la vision high tech ricaine des 80’s, avec cuir certes, mais aussi ordinateur de bord compliqué à souhait. Peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, et la ZR1 pour ça, c’est de la bonne….
Là encore, il faut oublier tout a priori : vous êtes à bord d’une américaine, avec toute la violence et la puissance que cela suppose. Cela dit, le comportement routier est surprenant (dans le bon sens du terme) et la ZR1 n’est pas si compliquée à conduire paraît-il (sauf sur sol mouillé, mais elle n’est pas la seule hein!).
Produite de 1990 à 1995, la ZR1 aura séduit 6939 clients désireux de découvrir le grand frisson maîtrisé, l’alliance d’une authentique américaine avec un moteur anglais (une fois n’est pas coutume, l’inverse à le plus souvent été vrai). Aujourd’hui, les ZR1 ne sont pas inabordables (enfin, tout est relatif), mais il vous faudra vous armer de patience pour en trouver une, car elles sont rares en France, ces ZR1. Mais cela vaudra sans doute le coup. Et pour ce prix là, vous conduirez une Corvette, mais aussi une Lotus en quelque sorte : d’une pierre deux coups !